Je suis reparti en Argentine ! Bientôt le nouveau blog ...
__________________ENCORE ET ENCORE DES NOUVELLES VIDEOS ICI !! _______________Tour en moto à Can Pho, Prière des moines bouddhistes ...

samedi 27 février 2010

Le temps s'est arrêté à Hoi An

Je quitte ce charmant couple sud-africo-slovaco-singapourien à la terrasse d’un café à Nha Trang, et monte dans mon bus de nuit pour l’étape suivante. Je suis finalement resté deux jours à Nha Trang, lieu de plage et de fête comme on pourrait en trouver partout dans le monde, pas vraiment caractéristique du Vietnam. Ce ne sont pas les fêtes du Têt, censées bloquer le pays d’après ce qu’on m’avait dit, qui m’ont arrêté. On entend beaucoup de contre-vérités là-dessus, et il est en fait tout à fait possible de trouver un bus. Par contre les prix grimpent légèrement, bus et hôtel compris.

J’ai choisi un bus de nuit à couchettes pour ce trajet vers Hoi An. On m’a dit qu’ils étaient très corrects, et j’aimerais n’être qu’à moitié déphasé demain à l’arrivée. Mon dernier trajet de nuit remonte à l’Argentine, mes standards de confort sont donc très hauts ... et je tire une drôle de tête en entrant dans le bus : une vraie bétaillère où l’on circule difficilement entre deux rangées de couchettes superposées. L’assistant ne me laisse pas le choix et me désigne la dernière rangée. Cinq couchettes juxtaposées, au format vietnamien : la place pour poser les épaules est en option, et il faut placer ses pieds dans une sorte de boite en bout de couchette, juste assez grande pour un petit 36. Je me fais une place entre mon grand voisin allemand et mon jeune voisin anglais, plutôt frêle heureusement. Trois tours du quartier pour récupérer les derniers passagers et remplir le bus, et c’est parti pour huit heures de trajet infâme, dans une alternance de moiteur et d’aération trop forte, mais surtout sur une route défoncée qui crée des secousses permanentes. De temps en temps le corps décolle entièrement de la couchette, sauf les pieds bien sûr, tordus et calés dans la petite boîte. Le pire c’est qu’on le voit venir, la méchante secousse étant précédée de plus petites secousses annonciatrices.

Pas une seconde de sommeil, et nous arrivons à Hoi An à une heure très ingrate, quatre heures du matin. Partir à 19 heures pour arriver à 4 heures, cette compagnie de bus manque d'employés qui réfléchissent … Tout le monde sort du bus, la mine défaite, et prend son temps pour prendre son sac et se repérer sur le plan. A cette heure, il n’y a rien à attendre des hôtels, ils sont fermés. Quelques grappes de voyageurs se mettent alors à déambuler tels des fantômes dans les rues sombres, sans but précis sinon de dégoter des infos sur les hôtels sympas et pas chers. Je me mets moi-même à marcher avec mes sacs, pour éviter de comater sur le trottoir. Malgré l’obscurité, déjà je note un certain charme sur les façades, un cachet évident. Je marche 500 mètres vers la vieille ville, m’engage dans une ruelle, et tombe littéralement en arrêt. Ai-je déjà vu une rue plus belle, un endroit aussi magique ? C’est un lieu resté plusieurs siècles en arrière, et quasiment un décor de cinéma : ruelles étroites éclairées de lampions rouges, petites maisons aux façades jaunes et boiseries préservées, bâtiment somptueux mis en valeur par l’éclairage. Après avoir discuté cinq minutes avec quelques british rincés par leur soirée, je continue cinquante mètres plus loin et arrive à la rivière, traversée par un petit pont, lui-aussi éclairé de lampions de toutes les couleurs. Ces illuminations s’expliquent surtout par le Têt, le nouvel an lunaire, mais ne pourraient mieux mettre en valeur le cachet de la ville.




Le calme presque complet à cette heure ajoute à la sérénité et à la magie. Il est cinq heures, il fait encore noir, et quelques vietnamiens d’âge très mûr font leur marche matinale. De temps en temps un scooter passe, troublant à peine les lieux (j’ai toujours adoré le bruit dérisoire d’une vieille mobylette passant seule dans une rue, je ne l'explique pas sinon par l'ambiance de certains films). Je recroise un couple britannique, de purs voyageurs un peu plus âgés qui étaient dans le même bus. Ils errent comme moi dans le vieux quartier, se demandant s’il existe un hôtel pour backpackers en plein cœur de ce quartier. Nous trouvons un petit café qui n’en est pas un, quelques mini-chaises en plastique sur le trottoir, et un patron qui a la bonne idée de servir du café très tôt. Quelques jeunes locaux très matinaux viennent aussi prendre leur café, et progressivement d’autres backpackers errants viennent s’asseoir, si bien que le trottoir est rempli. Nous oublions progressivement le voyage éreintant en bus et enchaînons les cafés, discutant voyage forcément. On est bien là, on oublie presque que l’on est fatigué, on pourrait rester des heures sur ces mini-chaises en plastique inconfortables sans aller chercher son hôtel. On voudrait que le jour ne se lève pas, que la ville reste endormie et nous appartienne, que l’on fixe ce moment spécial qui précède l’aube. Mais le temps est furtif, l’aube est fuyante, le soleil qui se lève efface ce moment particulier. La magie de la nuit laisse doucement la place au charme de l’aube, puis au jour complet. La ville nous apparaît plus clairement et nous pensons doucement à chercher un hôtel. Cela aurait pu être un simple détail, voire un moment pénible à cause du sommeil impossible dans le bus qui est arrivé trop tôt, à cause du gros sac qu’on se traîne dans les rues sombres sans trop savoir où l’on va, de l’hôtel qu’il faut choisir et qui n’ouvre qu’à 7 heures. Et finalement ce fut un instant spécial, un petit bonheur simple et impromptu dont je vais me souvenir.

Je trouve un des hôtels les moins chers, on me donne une chambre moyennement propre sous les toits pour 5 $, à partager avec un jeune japonais, l’aubaine. Mais je n’ai pas encore trouvé de dortoir au Vietnam, il y en a vraiment peu. Avoir une chambre privée bien propre, avec sa salle de bains (et TV5 Monde !) est agréable de temps en temps, mais cela rend les rencontres plus difficiles : peu de backpackers et plus de « touristes classiques », personne ne traîne dans les parties communes pour discuter. Depuis Saïgon j’ai quand même rencontré des voyageurs sympas, mais plus furtivement, et presque par chance. Je veux retrouver un dortoir, avec son sommeil précaire, sa propreté juste correcte, le manque de place pour ranger son sac, les ronfleurs … Le vrai bonheur quoi, ça me manque !

Quelques heures de sommeil et je pars visiter la vieille ville, impatient de retrouver ce décor magique. Je fais la triste découverte que la plupart des petites maisons anciennes (elles le sont toutes) sont des magasins : soit de souvenirs, soit un tailleur (plusieurs centaines à Hoi An, le royaume du sur-mesure bien fait et pas cher), soit des peintures, soit des article en soie, ou des restaurants. Aucune voiture ne peut circuler, mais les motos ne se gênent pas, et les rues sont bien remplies. Le charme est donc légèrement cassé par cette sur-activité, mais la beauté de la ville est quand même là. D’ailleurs chaque magasin a une discrète et élégante enseigne en bois. Seul l’étalage de marchandises gâche un peu le visuel. Et la rue est aussi pleine de maisons très anciennes à visiter, possédées par des familles notables, ou des Assembly Hall, c’est-à-dire des temples bouddhistes, très beaux et bondés de familles vietnamiennes à cause des fêtes du Têt.




Malgré les motos qui klaxonnent et se faufilent entre les piétons, il y a une tranquillité et une douceur de vivre évidentes ici. J’arpente les rues dans tous les sens, il n’y en a que cinq ou six dans la vieille ville mais on ne s’en lasse pas. Je poursuis par le petit marché, et le long de la rivière. Des motos s’entassent sur une petite barge qui fait la traversée, malgré le petit pont un peu plus loin. Petites boutiques et petits restos proposant de la bière fraîche à un prix dérisoire, familles réunies chez elles pour le Têt, toutes portes ouvertes. Je m’assieds sur un petit banc face à la rivière, et un jeune vietnamien qui habite juste derrière vient discuter avec moi, pour le plaisir de rencontrer un étranger et de pratiquer son anglais. La conversation est simple, tourne autour de questions habituelles, mais je ne me lasse pas de cette gentillesse et de cette simplicité.

Je poursuis jusqu’au pont couvert japonais qui, encore plus que le reste de la ville, paraît sortir d’un autre temps. Magnifique pièce, ils ont même trouvé le moyen de créer un petit temple sur le pont. Sur le quai une petite fille essaie de vendre des éventails, usant de tout son charme, posant pour toutes les photos. Il serait mieux que les enfants ne travaillent pas, mais on comprend presque qu’ils les utilisent tellement ils sont plus efficaces que leurs parents, sans forcément avoir recours à la pitié mais à un sens évident du marketing. Et ces enfants apprennent l’anglais en deux temps trois mouvements, alors que de nombreux adultes employés des agences de tourisme rament méchamment, malgré leurs contacts quotidiens avec les étrangers.




Derrière le pont, une autre belle rue, pleine de boutiques d’artistes, et un ou deux temples. Je rentre à l’hôtel par des rues peu fréquentées, pour le plaisir de faire des photos de maisons plus défraîchies, de rues moins belles, à l'intérêt moins évident. Je ressors trois heures plus tard pour dîner et profiter de la ville illuminée et de ses lampions multicolores. Nuit moite sous les toits, sans air conditionné ni ventilateur, on ne peut pas tout avoir au plus bas prix …

Mon programme du lendemain est simple et limpide : flâner dans les rues à la recherche d’une ruelle ou d’un petit lieu caché. J’élargis le périmètre au quartier français, où se trouve une vieille maison à visiter. Le vieux propriétaire me fait la visite dans un assez bon français, quand il était jeune le français était obligatoire à l’école, colonisation oblige. Il me montre ce qui ressemble à une énorme table en bois massif, mais est en fait un lit. Il y dort toujours, sans matelas, à même le bois. Il n’y a pas beaucoup à voir mais la maison est magnifique. Il me montre des photos d’époque de Hoi An, et a un vrai plaisir à parler français, avec cette ultra-politesse typique des asiatiques.

Le long de la rivière, un vieux édenté pose dans sa petite barque, attendant un petit billet en retour. Il a bien compris l’intérêt photographique qu’il représente pour les touristes, dans ce Vietnam qui change vite mais garde quand même ses images traditionnelles.




Le soir, je m’avale goulûment des pâtisseries à tomber par terre, en guise de dîner, face à la rivière. Les (bons) desserts ne sont pas fréquents dans les pays en développement, qui se concentrent sur les plats principaux, et j’ai comme un manque à combler. Je me balade le long de la rivière et suis attiré par une sorte de foire au bout du quai. J’entre, créant la curiosité des vietnamiens puisque je suis le seul étranger dans cette fête locale. C’est une fête de nouvel an, avec podium de concours de chansons, et petits stands proposant de tourner la roue de la fortune. C’est très kitsch mais très amusant à voir. Le concours de chant sur la grande scène ne déplace pas les foules, tout le monde regarde poliment, assis sur sa chaise.

Retour à l’hôtel, après avoir négocié une location de moto pour le lendemain. Je donne rendez-vous au loueur à 6 heures du matin, je veux absolument échapper aux foules. Je pousse le vice jusqu’à me lever à 4h30, pour revoir la vieille ville dans le noir, dans toute sa quiétude, et ressentir à nouveau le coup de cœur que j’ai eu en descendant du bus. J’arrive un poil trop tard, il y a déjà quelques scooters et le jour se lève doucement. Des backpackers errent en se demandant où sont les hôtels, les locaux font leur marche matinale. Mais la magie reste là, intacte.

Je retourne à ce fameux vrai-faux café qui ouvre astucieusement à 5 heures, et retrouve les mêmes locaux qui sirotent leur café et regardent les rares scooters passer. J’attends que le jour se lève, et retourne près de l’hôtel pour prendre ma moto. Souvent la magie ne reprend pas lorsqu’on essaie de recréer un moment spécial, mais là je ne regrette pas de m’être levé aussi tôt.




Je croise Caroline et ses copines qui descendent tout juste du bus. C’est une irlandaise rencontrée à Dalat que je croise partout. A chaque étape j’arrive deux ou trois jours avant elle, je la croise dans les 10 minutes qui suivent sa descente du bus, avec son sac à dos, mais moi je pars le lendemain. Scénario immuable depuis Dalat. Je lui donne mes bons plans et vais prendre ma moto. Son propriétaire ne me demande aucune garantie, même pas mon passeport ni l’hôtel où je réside, juste de payer tout de suite. Evidemment il n’y a aucun risque qu’un backpacker la loue pour la voler, mais en cas d’accident ce backpacker pourrait faire en sorte de disparaître. Mais non, confiance absolue. Je découvre que ce n’est pas un scooter mais une moto manuelle, malgré sa promesse. Enfin c’est plus simple que je ne croyais, et j’accepte. Je prends de vagues renseignements pour aller au temple de My Son, à 50 kilomètres tout de même, et je me lance dans la campagne, heureux comme tout de goûter à l’expérience immanquable au Vietnam, et si tôt au petit matin.

C’est bizarre, je dépasse tout le monde ! Soit je n’ai pas conscience des dangers, soit tous les vietnamiens roulent sur des épaves. En tout cas le trafic très léger me permet de me faire aux habitudes locales de conduite. Je me mets vite à klaxonner tous ceux que je dépasse, au cas où ils tourneraient à gauche sans prévenir. Nécessité absolue, que l’on comprend vite. Je relativise donc le comportement agressif de certains chauffeurs qui ont le pouce en permanence sur le klaxon, c’est d'utilité publique. La route était censée être facile, à gauche après 10 kilomètres et à droite après 15, mais c’est évidemment plus ambigu, et il n’y a qu’un panneau en 50 kilomètres, que je rate forcément. Donc je m’arrête quasiment à chaque carrefour, et immanquablement un vietnamien vient me voir pour m’aider, ou faire de grands signes de loin pour me montrer la direction puisqu’ils savent où je vais. Je n’ai même pas besoin de demander mon chemin, on me le donne. L’un m’aide même à redémarrer ma moto au comportement un peu lunatique. Des anges ces vietnamiens !

Sur ma route, quasiment tous les vietnamiens me regardent l’air étonné ou amusé, les occidentaux qui s’aventurent sur une moto sans chauffeur sont peu nombreux, tous effrayés par le trafic et les (non-)règles de circulation. Alors qu’en fait c’est assez simple, et même très fair-play à part les voitures, camions et bus.

Je m’enfonce plus loin dans la nature, traversant des petits villages. Je m’arrête peu pour prendre des photos, parce que je veux arriver très tôt à My Son, et parce que la photogénie n’est pas toujours flagrante. Les maisons notamment sont simples et fonctionnelles, sans architecture particulière. Mais cela reste le Vietnam, avec son bazar propre aux pays pauvres, et quelques images traditionnelles toujours bien présentes : les femmes au fameux chapeau conique, les rizières labourées par les buffles ou semées par les paysans courbés, l’eau brune partout, les bananiers. Tout cela mélangé avec la modernité des habits occidentaux pour les jeunes, motos et téléphones portables. Et un bon-vivre évident dans ces campagnes, par contraste avec la folie des grandes villes.

J’arrive finalement à My Son. C’est un des plus vastes et surtout un des plus vieux sites archéologiques du Vietnam, un ancien centre religieux du Champa, royaume de culture hindouiste établi dans le Centre du Vietnam à partir du deuxième siècle après JC. C’est un temple dans le même style que celui mondialement connu d’Angkor Wat, merveille du monde (patience, patience, j’y arrive …). Mais en beaucoup plus petit, et sur le site seul un carré a résisté au temps, le reste n’est que ruines. J’ai réussi mon coup, le site est quasiment vide, les visiteurs se comptent sur les doigts d’une main. Calme absolu, sérénité des ruines plongées dans les montagnes vertes, le lieu est impressionnant et change un peu des temples bouddhistes, que j’ai déjà trop visités. J’ai le temps de faire le tour trois fois, de prendre des photos sous tous les angles, et le site se remplit de touristes venus en tour organisé. Juste le bon moment pour repartir, après avoir vu une danse traditionnelle vraiment très belle, si l‘on oublie le côté « attraction pour touristes ».



C’était vraiment une bonne idée de partir si tôt pour éviter les bus. On peut reprocher beaucoup de choses aux guides comme le Lonely Planet ou le Guide du Routard, notamment leurs recommandations discutables sur les hôtels et les restaurants, et leurs prix à côté de la plaque, mais ils rendent un grand service pour toutes les visites, donnant des petits conseils qui permettent d’optimiser, éviter les pièges, en profiter au maximum en évitant les options trop chères des tours organisés.

Je reprends la route sur ma moto, avec un plaisir inchangé de traverser la campagne mais dans un trafic beaucoup plus lourd, qui m’oblige à être très concentré et à klaxonner frénétiquement comme les locaux (vu que je n’ai pas encore trouvé le frein, c’est ballot). Les villes que je traverse grossissent, le trafic devient vraiment imposant, mais je confirme mes premières impressions. Et à chaque fois que je m’arrête pour chercher du regard un hypothétique panneau, je me retourne et vois une vietnamienne me faire des grands signes pour me montrer la direction d’Hoi An. L'une était à au moins 100 mètres de moi, mais une seconde lui a suffi pour penser que je cherchais Hoi An et spontanément me faire des signes. Ou des enfants se rapprochent de ma moto et répètent « Hello, hello ! ». Peut-on se sentir mieux accueilli ?

J’observe une pêche au courant électrique, dans une petite mare boueuse. Tout le monde est amusé de me voir arrêté, spectateur. Le principal pêcheur plonge deux longues tiges dans l’eau, envoie une impulsion électrique. Un pêcheur lance une anguille ou un serpent dans ma direction pour rigoler, mais trop court pour m'atteindre.




J’arrive sur une autoroute, il faut malheureusement tourner à gauche. Chauffeur sage qui penserais à t’arrêter sagement devant le stop, et à attendre un créneau pour tourner en sécurité, tu peux rapatrier tous tes biens et refaire ta vie, ici sur la ligne de stop, parce que tu n’en bougeras plus ! Non la seule solution c’est de s’engager à gauche à contresens, d’abord en longeant le trottoir encombré puis progressivement au milieu de la route, en défiant la marée de motos qui fond sur toi. Et petit à petit ces motos passent derrière toi, dégageant un peu d’espace pour se décaler vers la bonne voie. Mais si une voiture ou un bus arrivent, panique ! Eux ne feront aucun effort et t’assassineront de leur klaxon, voire de leur pare-choc si tu ne bouges vraiment pas. Des sans-pitié que j’ai peu croisés pour l’instant mais qui m’ont souvent fait sursauter sur la moto.

J’arrive à Hoi An, en demandant mon chemin aux motos à côté de moi tout en roulant, et vais me poser un peu à l’hôtel. Il n’est que midi, je ne pensais pas rentrer si tôt. Par pure chance j’entends parler d’un autre site à visiter, de l’autre côté de Hoi An. Je pars vers la plage de Cua Dai. La roue est pleine à craquer, surtout des jeunes en vacances partant draguer à la plage. Il ne fait pas très beau, de loin la plage ne m’inspire pas plus que ça (après les plages australiennes, mes standards se sont élevés), je continue donc sur une sorte d’autoroute quasi-déserte qui longe la plage interminable de China Beach. Je fais de vagues arrêts devant des bouts de plage, mais le temps est vraiment gris. Je sors de temps en temps de l’autoroute pour prendre une rue parallèle traversant les villages, puis j'y reviens parce que l’issue est hypothétique. Sur l’autoroute, tout en roulant au maximum du scooter, je suis abordé par deux femmes qui me demandent où je vais. J’ai une vague idée, Marble Mountain, mais je hausse les épaules pour dire que je ne sais pas trop. Malgré le bruit des moteurs et du vent, elles crient "Marble Mountain" et me font signe de les suivre. Ca sent l’intention commerciale mais ça reste gentiment amené, donc je suis. On entre dans Marble Mountain, un village au pied de la principale montagne de marbre, où s’alignent les magasins de marbre. Elles me proposent le parking gratuit devant leur magasin, m’indiquent un restaurant local à côté, où j’avale un plat de noodles. J’ai les pieds dans les détritus, mais c’est bon et c’est l’expérience locale. Je pars visiter Marble Mountain, avec la promesse de visiter le magasin au retour. J’ai bien précisé « visiter » mais je sais déjà à quelle réaction je dois m’attendre quand je refuserai d’acheter une babiole kitsch en marbre.

Je monte donc les innombrables marches, et visite une succession de temples, bouddhas géants, grottes, tours absolument magnifiques. C’est archi-bondé, des familles vietnamiennes surtout, mais c’est impressionnant. Après chaque petit temple ou petite grotte nichée dans le recoin de la montagne, je crois avoir tout vu et il y a toujours quelque chose de plus. Et la vue sur les environs, depuis les deux petits sommets, est magnifique. Plusieurs autres petites montagnes de marbre autour, la ville de Danang, la plage de China Beach et la mer de Chine, de vraies grandes montagnes au loin, les petites maisons qui s’agglutinent cent mètres plus bas, la grande ville de Danang … Depuis l’un des points de vue, un jeune vietnamien me demande de le prendre en photo, sans vouloir pour autant récupérer la photo mais juste pour le plaisir de me le demander, à moi occidental. C’est vrai que je suis un des seuls parmi toutes ces familles vietnamiennes, et je suis beaucoup regardé et interpellé par de gentils « Hello, where are you from ? ».




Je finis par redescendre de la montagne, fais ma visite obligée du magasin de marbre, en trouvant divers arguments moyennement convaincants pour refuser d’acheter (« C’est trop lourd pour mon sac, j’ai déjà beaucoup de colliers, non ça j’aime pas … », mouais pas terrible hein ?). La vendeuse tire la tête mais ne m’agresse pas plus que ça, et je m’en vais. Je reprends l’autoroute presque déserte, balayée par le vent et le sable, à fond, et j’arrive à Hoi An où je vais me poser dans un petit café face à la rivière. J’y rencontre un français sympa mais un peu lourd, j’accepte quand même d’aller manger le soir avec lui. Un petit tour dans les rues étroites de Hoi An, pour vérifier que je suis définitivement habitué à la circulation en ville, et je vais rendre la moto. Le propriétaire ne dit presque rien (« ça y est fini ?) et me laisse garer la moto sans plus prêter attention.

Un peu de repos à l’hôtel et je ressors pour retrouver Jonathan, le français qui donne l’impression d’être toujours bourré tellement il en fait des tonnes. Nous nous asseyons dans un endroit sympa, une dizaine de tables alignées avec chacun leur mini-resto en bout de table. Jonathan réussit à faire fuir quatre québécois sympathiques qui étaient attablés à côté, puis quatre anglais tout aussi sympathiques attablés de l’autre côté. Je prends quand même quelques bières avec lui pour discuter un peu, et décide de rentrer à l’hôtel, ma fatigue latente tendant à s’aggraver de jour en jour.




Je dois aussi me lever tôt le lendemain pour prendre mon bus pour l’étape suivante, déjà malheureusement. Je n’ai pris qu’un visa d’un mois, à cause des échos négatifs que j’avais entendus sur le Vietnam, et qui se révèlent tout à fait faux, pour l’instant en tout cas. Il faut donc que j’avance. Hoi An est toute petite, la vieille ville en tout cas, mais je pourrais y traîner des jours et des jours, tellement je m’y sens bien, et tellement la première vision que j’en ai eue était magique, un matin à 4 heures et malgré le difficile trajet en bus. Hoi An est un endroit de rêve, la première ville qui m’ait clouée sur place.

Allez, je te dis encore Chúc Mừng Năm Mới 2010, puisque c’est placardé partout !
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dimanche 21 février 2010

Mui Ne, Dalat, Nha Trang ... Chuc Mung Nam Moi !

Je monte dans le bus, après un au-revoir chaleureux des filles de l’hôtel. Direction Mui Ne, un poil plus au nord. C’est une plage réputée pour le kite-surf entre autres. Comme je n’en ai pas fait depuis le Pérou, et que ça devrait être assez abordable (tout est relatif, le kite-surf ne l’est jamais vraiment), une petite soif de sensations me saisit.

L’assistant me désigne ma place d’une façon autoritaire, OK chef, et le bus fait trois tours du quartier des backpackers pour récupérer tous les passagers. Quel bonheur, ici les bus qui font les liaisons entre les villes viennent nous chercher à notre hôtel, et on peut acheter le billet à l’hôtel sans craindre de payer plus que le prix normal. Voilà une facilité énorme par rapport à l’Amérique du Sud, où l’insécurité (relative) et la malhonnêteté (universelle) des taxis ajoutait à la pénibilité des transferts vers les terminaux de bus.

Il y a quatre heures de bus, et le bus met au moins une heure à sortir définitivement de toute agglomération. Ce qui veut dire une heure de klaxon permanent et aggressif contre les motos, qu’il frôle et dépasse avec peu de précautions. Une fois le klaxon calmé, la route se poursuit dans un décor agréable, mais sans plus. Je fais la connaissance de ma voisine Nina, une anglaise très sympa qui voyage sans limite de temps. Nous trouvons une petite guesthouse pas chère et sans prétention, le long de l’unique rue de Mui Ne : une rue longue d’une dizaine de kilomètres, où s’enchaînent les hôtels, guesthouses, et restaurants. Aucun centre-ville, aucune raison de marcher en quête d’un hypothétique lieu d’animation.




Première chose à faire avant de réserver des cours de kite-surf, m’occuper de mon « asian tatoo », la belle brûlure que j’ai au mollet à cause de la petite chute à moto, la veille à Saigon. Elle ne fait pas franchement mal mais n’a pas belle allure. Le petit hôpital me confirme ce que je craignais : pas de baignade pendant plusieurs jours. Donc pas de kite. Génial, je suis venu à Mui Ne pour cette seule et unique raison (et la superficialité du lieu me donne raison). Je peux déjà penser à m’en aller vers la prochaine étape. Il y a quand même un petit tour sympa à faire dans le coin, un tour de quelques heures en jeep pour voir des dunes. Je réserve donc ça avec Nina pour le lendemain. Fin d’après-midi paresseuse au fond d’un hamac, dans un bar de plage, cocktail au bout des doigts, c’est à peu près tout ce qu’il y a à faire ici.

Plus tard dans la soirée, ne réussissant pas à recroiser Nina, je m’en vais à pied le long de la rue interminable, à la recherche d’un petit resto sympa et pas cher, et où je puisse surtout trouver quelques êtres humains. Parce que tout le long , il n’y a qu’hôtels vides et réceptionnistes qui se morfondent comme des rats morts. Je trouve cette petite perle et m’installe, en bord de mer. Beaucoup de russes autour, c’est étrange, d’ailleurs j’ai remarqué que beaucoup d’inscriptions commerciales sont traduites en russe. Mais ceux-là ne sont pas les mafiosos richissimes et vulgaires que j’ai pu croiser dans différents pays. Juste le russe moyen, simple et sympa. Comme dans ma guesthouse d’ailleurs, il y a trois couples de russes qui sont là pour un long moment et ne font que du kite-surf (le simple fait qu’ils soient dans la même guesthouse que moi est un indice de leur "social-moyennitude").

Je m’avale un bon plat de fruits de mer et continue ma longue marche vers un secteur qui avait l’air un peu plus dense et animé, vu du bus ce matin. Je marche de façon interminable, cherchant à faire coïncider les noms des hôtels avec le plan de mon Lonely Planet, et finis par atteindre l’endroit voulu. 45 minutes de marche pour 0,5 mm sur mon plan, je devrais peut-être me décider à monter sur une moto. Je passe un long moment dans un bar de plage animé, ça  fait du bien un peu de chaleur humaine dans cette ville ! Je rencontre entre autres un canadien qui travaille au Koweit et veut absolument tester toute la carte des cocktails. Je finis par rentrer et me résous à monter sur une moto, pas très rassuré quand même à cause de ma brûlure et des quelques bières qui ont entamé mon sens de l’équilibre.

Nuit réparatrice et matinée glandeuse dans le bar de plage, et je retrouve Nina pour notre tour en jeep, accompagnés d’une allemande très réservée. Nous commençons par un petit canyon à la sortie de la ville. Il faut marcher quinze minutes dans le ruisseau, pour arriver dans un bel endroit. Roches blanches et orange à gauche, végétation luxuriante à droite, les pieds dans l’eau chaude, sympa.




Nous poursuivons avec le petit village de pêcheurs un peu plus loin : des centaines de bateaux bleus tous identiques au mouillage, et sur le sable d’étranges petites coquilles d’osier qui servent à rallier ces bateaux où à faire de la très petite pêche. Qui a pu inventer des formes aussi peu adaptées à la navigation ? En tout cas ça ne manque pas d’exotisme. Nous poursuivons vers des dunes blanches bordées d’un lac, donnant l’apparence d’un micro-désert. Nous ne sommes pas seuls, de nombreuses jeep attendent leurs clients partis descendre les pentes sableuses sur des feuilles de lino louées par des petits vietnamiens. Nina tente le coup et descend laborieusement une pente raide. Ce micro-désert est très beau et donne une vue magnifique sur les environs.




Nous poursuivons dans notre jeep, pendant qu’une jeune canadienne nous suit partout à l’arrière d’une moto. Courageuse … Petit arrêt dans un mini-canyon ridicule et plein de déchets. Quand je disais que le marketing touristique a besoin de créer des lieux à partir de presque rien, où de justifier l’intérêt d’un tour en ajoutant des arrêts insignifiants ! Mais nous finissons sur des dunes jaunes pour le coucher de soleil. Beaucoup de touristes là aussi, mais nous sommes accueillis par de très jeunes vietnamiennes, de six ans à peine, qui veulent absolument nous louer leurs carrés de lino. Elles parlent vraiment bien l’anglais, c’est étonnant, et reproduisent assez bien l’accent anglais ou américain par mimétisme. Insistant pour que je descende les pentes avec son bout de lino, l’une me regarde et me dit le plus sérieusement du monde : « You just slide down, yeaaaaaah ! ». Je réponds : « Yeaaaaaaaaaah ? », elle répond « yeaaaaaaaaaaaaaaaaaaah » avec un accent américain caricatural, sans comprendre ce qui me fait rire. Mignon et étonnant. Le coucher de soleil se termine, pas inoubliable malgré la beauté des dunes, et retour à l’hôtel en jeep. Histoire de profiter un peu de l’endroit, je fais un petit resto avec Nina, et nous repartons au même bar de plage, trop calme ce soir.

Départ le lendemain très tôt, l’hôtel en face qui avait promis de me servir un petit déjeuner à 6h30 m’a zappé en beauté. C’est un mini-bus qui vient me prendre pour Dalat, avec à bord trois couples âgés. Début de cinq heures de trajet un peu pénibles malgré le beau paysage. On commence par une heure de klaxons compulsifs et agressifs du chauffeur contre les motos, puis le mobile de l’assistant qui sonne tout le temps à côté de moi, avec sa musique pourrie qui commence à me trotter dans la tête. Nous abordons la montagne, et le chauffeur se met à faire des demi-tours, apparemment il cherche quelqu’un à l’adresse floue. Nous finissons par nous énerver et demander à ce qu’on reprenne la route. Plus loin c’est un camion qui tombe en panne dans un lacet. Le chauffeur sent qu’il doit y mettre du sien pour ne pas imposer une nouvelle longue attente, et passe à moitié dans le fossé. Seul bon moment, un arrêt photo à la sortie d’un petit village avec vue imprenable sur les montagnes tapissées d’arbres.
Nous arrivons à Dalat à midi, et je gagne mon hôtel, tenu par une famille dont le père parle parfaitement l’anglais et le français. Au départ je ne prévoyais pas de passer à Dalat, parce que son intérêt est mitigé, mais comme je suis parti rapidement de Mui Ne, j’ai du temps. La ville est réputée pour avoir un climat plus agréable qu’ailleurs, plus frais, et pour combiner sa situation proche des montagnes avec un certain esprit bohème. Pour l’esprit bohème et la fraîcheur je cherche encore, mais il est vrai que cette ville est agréable à vivre, assez tranquille. Je m’offre un petit resto français, ça fait du bien de temps en temps, et un petit tour de la ville, avant d’aller visiter l’attraction majeure : Hang Nga Crazy House, la maison folle. Sortie de l’esprit d’une architecte locale, elle veut réconcilier l’homme avec la nature suite aux dommages énormes de la guerre du Vietnam. Et c’est impressionnant : en fait d’une maison c’est trois maisons maquillées en rochers ou en troncs, reliées par des escaliers en formes de rondins de bois, dans tous les sens. Il y a des chambres, différentes pièces. Une vraie maison mais complètement barrée, qui vaut le coup d’œil.




Le soir je trouve un café pur backpackers, qui me permet de manger pas cher et de rencontrer du monde autour d’une bière, parce que mon hôtel et ses chambres privées, certes irréprochable, n’est pas le meilleur moyen de rencontrer des voyageurs. Le lendemain je pars à la visite du marché, qui me rappelle instantanément ceux d’Amérique du Sud. Dans un énorme bâtiment, organisé en secteurs, avec ses couloirs étroits, ses odeurs fortes … Le secteur de la viande est écoeurant comme d’habitude : ses odeurs, ses peaux et chairs molles qui trempent dans des seaux d’eau, les mouches qui règnent en maître. Des poules sont entassées à la limite du soutenable dans des cages. Deux ou trois enfants me disent « Hello » et tendent la main, mais avec le sourire et sans insistance.

Je vais marcher le long du lac, complètement à sec à cause de travaux, et arrive au Flower Garden, un grand parc floral qui mèle des arbres et fleurs magnifiques avec des compositions un peu kitsch. Je repars au coucher du soleil le long du lac, et croise un groupe de jeunes vietnamiens assis sur le bord qui me font signe de m’asseoir avec eux. Je n’hésite pas une seconde, l’occasion est trop belle. Ils ne parlent pas un mot d’anglais, la discussion est donc très limitée mais on arrive quand même à se comprendre sur deux ou trois choses. Ils me parlent en vietnamien, ultra lentement comme si ça allait m’aider à comprendre, je souris en haussant les épaules pour indiquer que je ne comprends rien. L’un prononce systématiquement le nom Vietnam dans ses phrases, je finis par croire que c’est un mot générique. Un autre montre toujours le ciel du doigt, ça ne m’aide pas plus. Mais on rigole, ils partagent avec moi leur alcool local pas très bon et quelques plats au milieu. Ils sont en vacances et fêtent le Têt, le nouvel an lunaire qui a lieu dans deux jours. Ça je l’ai compris, c’est déjà pas mal. La chaleur écrasante a laissé la place à la fraîcheur, ils sont gelés et étonnés que je sois bien en tee-shirt. Les asiatiques n’ont clairement pas le même gabarit que les occidentaux, je ne me suis jamais senti aussi grand qu’ici, ce n’est pas désagréable … Avant de s’en aller, ils me proposent de revenir le lendemain soir, mais je serai déjà parti. Ils proposent de me ramener en moto, mais je décline gentiment, la brûlure sur ma jambe est encore vive. Finalement je sors l’appareil photo pour immortaliser le moment, et ils se déchaînent comme des enfants, voulant chacun leur photo avec moi, ou que je les prenne tout simplement. Un petit moment simple et authentique comme on voudrait en vivre tous les jours.




Je passe la soirée au même café de backpackers, à l’ambiance toujours très bohème. Je retrouve les mêmes britanniques et français de la veille, des canadiens, des irlandaises … Le lendemain je suis à nouveau très tôt sur le pont pour attraper mon bus vers l’étape suivante, Nha Trang sur la côte. Comme en Amérique du Sud, j’accumule déjà un énorme manque de sommeil, alors que l’Australie et la Nouvelle-Zélande m’avaient permis de dormir. Le rapport entre le niveau de développement d’un pays et la facilité/difficulté d’y dormir, est flagrant.

Un jour et demi à Mui Ne, idem à Dalat. Je n’ai jamais voyagé aussi vite, mais c’est le nouvel an dans deux jours, et des informations contradictoires circulent sur le niveau d’activité du pays pour les quatre jours qui suivent. Dans le doute, il vaut mieux rallier un endroit très vivant et sympa, au cas où je serais bloqué sans bus pour poursuivre. Cette fois-ci c’est un vrai bus, rempli par une majorité de locaux qui rentrent dans leur famille pour les fêtes, et quelques voyageurs.

Le paysage est splendide sur tout le trajet, dans les montagnes tapissées d’arbres, sur une route taillée à l’explosif. Partout c’est une explosion de vert malgré le soleil qui tape. De temps en temps je vois une vaches maigre et osseuse attachée en plein soleil. Nous descendons de la montagne, la végétation est encore plus luxuriante, les fleurs omniprésentes. Le bus s’arrête dans certains villages pour livrer des colis. Arrivé à Nha Trang à midi, je décide malgré le cagnard de marcher avec mes sacs jusqu’au quartier où j’ai réservé mon hôtel. Un petit hôtel familial, comme quasiment tous ceux dans les tranches inférieures de prix, et à deux pas de la plage. Mais encore dans une chambre privée, je n’ai toujours pas trouvé de dortoir au Vietnam.

Nha Trang n’est pas franchement un lieu d’histoire et de culture, ni un lieu typique du Vietnam, c’est l’un des lieux les plus touristiques grâce à sa plage magnifique, ses bars, son quartier occidental très animé au bord de la plage. Pas ce qui m’attire le plus, d’autant que j’étais déjà à Mui Ne trois jours avant, et que je porte toujours ma brûlure à la jambe. Mais c’est une étape obligée pour poursuivre vers le nord depuis Dalat. L’après-midi passe vite mais je trouve le temps de réserver un tour de snorkeling pour le lendemain, on verra bien comment la brûlure réagit. Je me balade dans le quartier et assiste à une cérémonie de mise en bière dans un petit magasin, cérémonie apparemment catholique. Un petit orchestre joue sur le trottoir, et derrière eux une vingtaine de personnes regardent. Cinq hommes s’affairent sur le cercueil avec pistolets de silicone et marteaux. La musique s’arrête, les musiciens s’en vont sans attendre, l’un d’eux sifflote même, en se frayant un chemin alors que la cérémonie continue. Plus tard ce sont les hommes chargés de sceller le cercueil qui s’en vont au milieu de tout le monde, ben oui quoi le travail est fini !

Je poursuis dans la rue, porte un œil discret sur les menus des restaurants qui s’alignent. Alors que revoilà … Nina ! Je l’avais laissée à Mui Ne trois jours plus tôt, je la retrouve par hasard ici, avec une autre anglaise. Quelques verres et un repas plus tard, je les laisse et rentre à l’hôtel, fatigué. Je me lève tôt à nouveau (ça devient une très mauvaise habitude) pour aller faire du snorkeling. Je découvre que l’agence appartient à un français d’âge très mûr installé ici depuis quelques années avec sa femme vietnamienne. Il est très sympa, et a apparemment la belle vie. Sur son vieux bateau il nous emmène vers Mun Island, sur un premier site de plongée. Les coraux ne sont pas très colorés mais les poissons superbes. Après un déjeuner vietnamien sur le bateau, nous allons au deuxième site, puis retour à Nha Trang, où je glandouille toute l’après-midi

Nous sommes le 13, c’est ce soir le passage à la nouvelle année. Dès 22 heures la plage se remplit, les accès sont encombrés par les scooters, il règne une bonne ambiance, très familiale. A minuit, le feu d’artifice est lancé depuis un bateau. Chuc Mung Nam Moi ! Happy new year ! Je rentre à l’hôtel, et là bonne surprise la famille nous offre du vin, de la bière, des biscuits, et une petite pochette rouge contenant un billet de 2000 dongs. C’est la tradition, c’est l’argent porte-bonheur. Le montant est dérisoire, 5 centimes d’euros, mais le fait qu’ils nous l’offrent à nous simples clients fait assez plaisir. C’est l’occasion de rencontrer un jeune couple qui est dans le même hôtel, lui est sud-africain, elle est slovaque, et ils vivent à Singapour (excusez du peu, ils n’ont pas trouvé plus compliqué). Il a beaucoup voyagé, notamment en Amérique du Sud, donc la conversation n’en finit pas. Je n’ai pas la force de les suivre pour sortir, et vais me coucher.




Le lendemain je profite de mes dernières heures à Nha Trang pour visiter un temple, Loc Son Pagoda. Elle est bondée de monde en ce premier jour de l’an, je suis presque le seul étranger, ce qui suscite toujours un peu de curiosité. Un vieux moine est assis sur une balancelle, et les gens viennent lui parler, pleins de déférence. Au-dessus du temple, sur la colline, se trouve un magnifique bouddha allongé, de plusieurs mètres de long. Puis j’assiste à un rituel étrange : les gens vont s’asseoir à tour de rôle sur un banc à l’intérieur d’une cloche énorme, pendant qu’un homme en habit blanc la percute avec une énorme masse et chante en même temps. Comme il me voit curieux, il me propose de m’asseoir dedans. Je crains un peu pour mes oreilles mais en fait ça ne résonne pas beaucoup à l’intérieur. J’y vais de mon petit billet, ravi de cette expérience mais sans savoir ce qu’elle signifiait. Au sommet de la colline, un grand bouddha éclatant de blancheur comme s’il venait d’être peint.




Je rentre en passant par des quartiers populaires, très calmes voire endormis par ce jour de nouvel an et sous le soleil brûlant. Les hommes jouent aux cartes sur le trottoir, des jeunes sont contents de me croiser et de me souhaiter Happy New Year, bredouillant les quelques mots d’anglais qu’ils connaissent. De retour à l’hôtel je retrouve le couple slovaquo-sudafricain, et vais boire un café avec eux en attendant mon bus de nuit. Forcément on parle encore voyage et Amérique du Sud, ses conseils ne font que renforcer ma liste déjà bien établie de futurs voyages …

19 heures, je saute dans le bus, et tire une drôle de tête en voyant comment sont faites les couchettes. On se retrouve dans quelques heures, sûrement un peu décalqué !
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mercredi 17 février 2010

Tintin au pays des scooters

J’arrive à l’aéroport d’Ho-Chi-Minh Ville, impatient de tomber dans le grand bouillon culturel. Il fait chaud, très chaud. L’hôtel m’a envoyé une voiture, c’est toujours plus simple lorsqu’on arrive dans un nouveau pays et un nouveau continent, sans savoir trop à quoi s’attendre. Et le parking de l’aéroport à peine quitté, je n’en crois pas mes yeux, grand ouverts : je vois un flot monstrueux et ininterrompu de motos et scooters. Une véritable motorrhée !

Elles se frôlent, le taxi les frôle, ça klaxonne de partout, ça s’arrête n’importe quand et n’importe comment. Quand une moto doit tourner à gauche, elle s’enfonce littéralement dans le flux contraire, forçant les motos à contresens à les éviter, et elles finissent par sortir de ce torrent pour s’engager dans la rue perpendiculaire. Je repense au trafic dans les pays pauvres d’Amérique du Sud, qui n’ont pas ces deux-roues mais sont aussi bordeliques, ou aux pays arabes que j’ai pu visiter, et je me dis que la conduite dans les pays pauvres se résument à cette règle : je passe là où il y a de la place.

Nous continuons notre route dans les quartiers populaires, le long d’un canal aux rives pas très reluisantes. Nous sommes une des rares voitures, et naviguons doucement, comme portés par le flux des motos. Nous les frôlons, toutes les vingt secondes j’ai l’impression qu’on va en percuter une. Devant nous, un homme et ses deux jeunes enfants sur une moto, nous passons à moins de 50 cm d’eux. Les gens sont sur le pas de la porte, le flux des motos passent à deux mètres à peine d’eux, et ni le bruit ni la pollution ne semblent les gêner. Je vois un garçon de 12 ans à peine. Il est au milieu de la route, frôlé par les motos qui lui passent devant et derrière, et ça n’a pas l’air de le gêner, il est impassible au milieu du flot. Le quartier n’est vraiment pas terrible, je sais que mon hôtel est une valeur sûre mais j’espère que mon chauffeur ne va pas s’arrêter dans les instants qui suivent. On progresse dans de meilleurs quartiers, mais le flot de motos et scooters ne faiblit pas.

J’arrive enfin dans mon hôtel où je suis chaleureusement accueilli par une bande de jeunes filles très souriantes et familières. Même dans le hall de l’hôtel, le bruit est impressionnant, les motos passent à quelques mètres dans la rue étroite. On touche déjà à la fin de la journée, je reste à l’hôtel et reporte ma première sortie au lendemain ... et le lendemain, il faut se jeter dans le bain, affronter la rue à pied ! A peine sorti de l’hôtel, je ne peux pas faire 50 mètres sans devoir déjà traverser, puisque le trottoir est encombré … par des scooters, forcément. Comme ils sont des dizaines de milliers à circuler, il faut bien qu’ils se garent aussi, et sont donc partout. Je me demande comment je vais traverser cette rue qui n’est pourtant pas bien large. Impossible d’attendre un créneau, autant revenir vingt heures plus tard, en pleine nuit. Je repense au très jeune garçon de la veille, serein au milieu d’un flot bien plus effrayant que celui-là, et j'en conclus qu’il faut se lancer. J’attends quand même un léger creux (très relatif) pour les deux premiers mètres de la traversée, et j’y vais. Je me retrouve vite avec des scooters qui me passent devant et derrière, ex-trê-me-ment près. Je progresse mètre par mètre, au fil des déviations ou non-déviations des deux-roues qui arrivent sans freiner, et finit par atteindre le milieu. Maintenant je suis frôlé par des motos venant des deux sens, et me tourne donc à droite pour gérer la deuxième moitié de la traversée, puis je finis par arriver sur l’autre semblant de trottoir. Gros stress pour cinq mètres à franchir !

Je sors du quartier animé des backpackers, trouve quelques secondes de répit dans une belle ruelle oubliée par le bruit (bien que les scooters ne se gênent pas pour la prendre), et entre dans le marché Ben Thanh, le plus réputé de la ville. Je retrouve l’atmosphère classique des innombrables marchés que j’ai parcourus en Amérique Latine, avec ses couloirs très étroits entre les étals, et ses sollicitations permanentes. D’ailleurs les jeunes filles qui essaient de vendre aux étrangers sont très directes et tactiles, elles me tiennent le bras, me demandent comment je m’appelle. Déjà dans l’hôtel, j’ai remarqué que les filles qui y travaillent sont très tactiles, avec une vraie chaleur en toute simplicité, enfin surtout avec les hommes.



Dans le marché comme en ville, les sollicitations sont nombreuses mais toujours avec le sourire. Et un « No thank you » avec le sourire suffit généralement, éventuellement répété pour certains « xe om », les motos-taxis qui nous demandent toujours « Hello, where you go ?». A l’extérieur du marché, je croise une jeune vietnamienne qui porte un tee-shirt « Tintin au Vietnam ». C’est un des tee-shirts à touristes les plus courants.

En poursuivant dans le centre, je passe devant le superbe hôtel de ville, puis l’Opéra, et m’assieds un moment parce que marcher dans cette ville, sous le cagnard, avec le bruit et la pollution des motos, est éreintant. Je suis abordé par un vieux malaisien très sympa, qui me dit être en vacances ici pour rendre visite à son neveu. Tout ce qu’il me raconte est très cohérent, mais je me méfie quand même quand il me propose de venir déjeuner avec sa famille, après même pas cinq minutes de discussion. Mon radar à bobards et arnaques se met en route. Mais il est vraiment sympa et ne se contredit pas, j’hésite donc entre être trop méfiant et rater une belle rencontre, ou le suivre et risquer de mal tomber. Il prend son portable et annonce qu’il a un invité, et m’assure qu’il va payer le taxi. Je suis vaguement rassuré et tente le coup, tentant quand même de surveiller où nous emmène le taxi, très loin du centre mais dans des quartiers corrects. Je suis accueilli chaleureusement par son neveu, invité à passer à table, et mitraillé de questions sur ma vie, mon voyage … Et rapidement le neveu m’explique qu’il est croupier, organise des parties de cartes privées, a d’ailleurs organisé une partie la nuit dernière chez lui et a été très mal rémunéré par la gagnante, très riche et pingre. Rapidement il entre dans diverses explications, et finit par me proposer une partie truquée pour arnaquer la dame riche et pingre, dans le but de financer l’opération du cœur de sa grand-mère. Je n’en reviens pas, ne décline pas et pose différentes questions, et je découvre progressivement que c’est moi qu’il veut arnaquer. Je m’en vais rapidement et rejoins le centre en taxi.

C’est toujours un peu d’avoir décourageant d’avoir cru à une vraie rencontre, tout en restant prudent, et de s’apercevoir qu’il y avait une mauvaise intention derrière. On ne sait plus où placer le curseur entre méfiance et ouverture. Et ici, dans le sud du Vietnam, où les gens sont réellement gentils et souriants, il est difficile de savoir à quoi s’en tenir à chaque fois qu’on est abordé. Enfin il y a des problèmes plus graves, tant qu’on garde du flair et qu’on ne se laisse pas embarquer dans des plans louches.

J’oublie ce petit épisode et je reprends ma visite du centre de Saïgon. Comment ça Saïgon, je n’étais pas à Ho-Chi-Minh City ? Saïgon est le nom originel de la ville, et tellement plus charmant. Officiellement ce nom n’existe plus, mais tout le monde l’utilise encore. Le nom d’Ho-Chi-Minh City (HCMC) semble n’avoir d’existence que pour le gouvernement communiste.

Je passe devant la cathédrale, au style tout à fais français, et devant le majestueux bureau de poste à l’ancienne. Je poursuis devant le Palais de la Réunification, qui a vu les communistes du nord prendre le contrôle du sud. Je confie avec un peu d’appréhension mon appareil photo à un petit magasin pour un petit nettoyage. Il commence à souffrir, lointaines conséquences de la poussière bolivienne. En attendant que ce nettoyage soit fini, et en espérant que je retrouverai mon appareil correctement réassemblé, je vais me balader au bord de rivière Saigon. Pour atteindre la promenade le long de la rive, je dois traverser la pire route jusque là, une 2x2 voies, quasi-autoroute urbaine. La seule technique possible fonctionne, avancer doucement et accepter de se retrouver au milieu du flux et des scooters qui me frôlent, mais cela donne des sueurs froides.

La rivière n’est pas spécialement belle, très sale, et les rives ne valent pas le coup d’œil. J’observe un bac qui fait la traversée incessamment, chargé de dizaines de motos. Il accoste, une petite fille descend avant tout le monde à côté de son vélo, et rapidement elle est absorbée par les motos et scooters qui dégorgent du bac dès que la passerelle est posée. A peine cinq minutes plus tard, c’est une autre vague de deux-roues qui monte dans le bac. Ici les deux-roues sont partout, on n'y échappe pas.



Je continue mon tour de ville, il fait maintenant noir et le flux de motos tous phares éclairés est encore plus impressionnant. Comme toujours je suis abordé par les xe om, autrement dit les motos qui proposent leurs services. Mais maintenant qu’il fait noir, la simple proposition de jouer les taxis a évolué, on me propose maintenant des massages « approfondis » avec des filles très jeunes.

Une chose aussi que j’ai remarquée aujourd’hui, c’est que les baratineurs dans la rue, une fois qu’ils savent que je suis français, me parlent systématiquement de Lyon, et que leur sœur (très mignonne, photo à l’appui) va venir vivre en France comme infirmière à la Salpétrière. Dommage mon gars, la Salpétrière c’est pas à Lyon. Ca me rappelle immédiatement les baratineurs de Lima, au Pérou, qui me parlaient toujours de Toulouse et du camembert … Faites preuve d’originalité les gars, différenciez un peu votre baratin !

Je retourne doucement vers le réparateur d’appareils photos, par des rues grouillantes d’activité. Les enseignes sont quasiment masquées par les grappes énormes de fils électriques. Les maisons sont toutes très étroites et s’étirent en longueur à l'arrière, et aussi souvent en hauteur. Même des hôtels d’un certain standing respectent cette forme étriquée, simple habitude ou raison fiscale ? Je récupère mon appareil photo, il a l’air de marcher et la lentille est effectivement plus propre. Je souffle mais on verra à l’usage …

Je rentre à l’hôtel en enchaînant les traversées de rues dangereuses. Un petit truc simple pour diminuer le danger : attendre qu’un autre piéton se lance et traverser à côté de lui. Sur la traversée la plus chaude ce soir, c’est une vietnamienne qui m’a utilisé comme écran, c’est de bonne guerre. J’arrive dans le quartier des backpackers, plus bouillonnant et fou que jamais. Les gargottes côtoient les bars branchés et les agences de tourisme, les scooters circulent rapidement en faisant des zigzags et en klaxonnant, on peut à peine marcher sur le trottoir, le bruit ambiant est proprement effrayant. Je suis abordé deux fois par des jeunes filles très belles et souriantes en scooter, qui proposent leurs services. Elles fonctionnent soit en duo, soit avec leur maquereau. Le tourisme sexuel n’est pas une légende en Asie, mais je pense que je verrai bien pire qu’ici en quatre mois.

J’arrive enfin à l’hôtel, sorte de refuge lorsqu’on s’est promené une journée entière en ville. Refuge partiel, le bruit reste bien là. Mais la gentillesse familière des filles de l’hôtel et le dîner soupe+nems suffisent à se sentir bien. Je tire la conséquence de la fatigue de la journée, et m’inscris immédiatement à un tour organisé le lendemain dans un lieu qui promet d’être magique : le Delta du Mékong.

Lever tôt le lendemain, le mini-bus vient me chercher à l’hôtel, je suis le premier et je n’ai donc pas le plaisir de voir immédiatement si j’ai choisi le bon tour, par rapport à la moyenne d’âge des clients. On fait quatre fois le tour du quartier des backpackers, déjà très bordelique à cette heure matinale, et le bus se remplit doucement, avec un petit mélange d’âges et de nationalités. Je fais la connaissance de Thu, jeune vietnamienne de Hanoi. Elle est en vacances ici « parce que les gens dans le sud sont vraiment gentils ».
- Et ceux du nord, ils ne sont pas gentils ?
- Humm, si mais c’est différent …
Petit voire gros euphémisme qui ne fait que confirmer tous les échos que j’ai eux sur le nord du Vietnam, je sais à quoi m’attendre et profite d’autant plus de la bonne ambiance du sud.

Avant d’arriver au delta, il faut trois bonnes heures de route sur une autoroute à peine finie. Doucement les paysages de carte postale s’affichent : rizières d’un vert éclatant, palmiers, silhouettes au chapeau conique s’affairant entre les plants de riz. Agréable moment d’un voyage où la réalité rejoint l’imaginaire … Il y a même des tombes au milieu des champs, c’est assez curieux. Les eaux brunes des rivières contrastent parfaitement avec le vert des plantations.

Nous arrivons enfin au delta. Sans même me demander mon avis, Thu m’achète un chapeau vietnamien. Fantastique pour se protéger du soleil qui cogne dur, mais pas très agréable à porter : dés que je parle ça résonne, et je me cogne partout. Mais bon c’est un cadeau, je dois le porter. Nous montons dans un petite pirogue à moteur, couverte, et naviguons jusqu’au marché flottant tout proche. Il ne s’y passe pas grand-chose, le marché se tient en fait très tôt le matin. On voit quelques bateaux chargés de fruits et légumes, mais rien ne se passe.



Nous accostons un peu plus loin pour voir la fabrication des feuilles de riz et goûter aux productions locales, surtout sucrées. Le lot normal des tours organisés … mais il faut reconnaître que c’est varié et très bon. On goûte aussi au vin de serpent, censé redonner une certaine vigueur. Le guide Duc ne veut en donner qu’aux couples, je prends mes risques. En fait de vin, c’est une sorte de liqueur un peu amère. Bon, je pourrai dire que je l’ai goûtée mais le souvenir s’arrêtera là. On revient au bateau par un petit chemin au bord du canal, forcément utilisé par des scooters. Dans les maisons au bord de l’eau et sur les bateaux, des vietnamiens laissent passer le temps dans les hamacs. La vie s’écoule doucement dans la torpeur, rythmée par l’activité des bateaux.



Le bateau repart, autour de nous des vieux rafiots, des moteurs ronronnant. Ces moteurs sont amusants, ils sont posés sur une longue barre en fer qui plonge dans l’eau un à deux mètres derrière. Nous voyons des jeunes qui jouent dans l’eau brune, un vieux qui se lave. A propos de l’eau brune, le guide nous assure qu’elle n’est pas sale, que les gens la boivent après l’avoir bouillie, et se portent tous bien. Mouais, mouais, le seul fait que toutes les eaux sales soient rejetées dans la rivière, et que les déchets flottent en nombre sur les bords, me fait un peu douter de sa sincérité.

Nous passons de notre bateau motorisé et couvert à de petites pirogues, dirigées par une femme debout à l’arrière et un système de rames verticales et croisées, d’une élégance sans pareil. Petite promenade dans des canaux très étroits, bordés par de petites maisons, dans un calme absolu, tout juste troublé par un ou deux scooters qui circulent sur les petites routes parallèles. Nous débarquons et marchons jusqu’au restaurant par un petit labyrinthe de chemins entre canaux, routes et maisons. Le déjeuner est très international à ma table, belge, espagnol, vietnamienne, français … Une fois avalée ma dizaine de petits nems, j’emmène Thu pour un petit tour en vélo dans le village. Pourquoi je n’ai pris qu’un tour de deux jours ? J’aurais pu me balader pendant des jours en vélo sur ces chemins, franchissant les ponts, essayant de se souvenir des virages pris à gauche ou à droite, saluant les vietnamiens un peu étonnés malgré la présence récurrente de touristes.



Retour forcé au restaurant pour rendre les vélos (aaah, le fameux temps libre accordé par les tours organisés …), et nous remontons dans les petites pirogues à l’équilibre précaire, toujours dirigées par les vietnamiennes et leurs rames. Le niveau de l’eau a largement baissé en une heure, elles rament maintenant dans la boue mais s’en sortent très bien. Nous revenons à la pirogue motorisée, et quittons ceux qui n’avaient prévu qu’un jour de visite, dont Thu. Elle s’est proposée de me guider à Hanoi lorsque j’y serai, ça ne se refuse pas !

Le groupe s’est donc largement réduit, et on commence à se connaître un peu. Nous changeons de bateau pour une croisière de trois heures sur les canaux, d’abord pendant le coucher de soleil puis en pleine nuit. Trois heures de magie absolue, installé dans un hamac, à contempler le décor. On croise de nombreux bateaux faisant les marchés, un petit bac avec trois scooters. Les maisons ont quasiment toutes un intérieur vert pâle éclairé par un néon blafard. J’imagine bien de longues soirées devant une de ces maisons modestes, autour d’une vieille table de jardin en plastique et de quelques bières, jouissant du plaisir rustique d’être dans un endroit pareil. Certaines maisons ont un intérieur plus chic, et on y devine un petit coin de prière avec un Bouddha, des petites lumières clignotantes.



Nous arrivons à Can Tho, les moustiques sont les premiers à nous accueillir. Nous débarquons sur le port de plaisance ultra-animé, avec sa digue-promenade, ses barbecues, des stands. L’animation paraît exceptionnelle, le nouvel an se rapproche. Nous prenons nos chambres dans un hôtel, je ressors pour profiter de l’énergie en ville et m’offrir un petit barbecue au bord de la rivière.

Le lendemain nous repartons tôt en bateau vers le marché flottant de Can Tho. Cette fois-ci nous arrivons à la bonne heure et assistons à un spectacle magnifique, digne de figurer au patrimoine immatériel de l’humanité : des dizaines voire centaines de bateaux qui se collent, se croisent, s’accostent. Ils sont tous chargés de fruits, de légumes, de fleurs. Ils manoeuvrent leur fameux moteur, posé sur une longue barre de fer, comme des maestros malgré le peu d’espace. C’est une vraie petite ville flottante. De tout petits bateaux s’ajoutent à cela, qui vendent des boissons, du café. Forcément c’est aux bateaux remplis de touristes qu’ils s’adressent surtout. Souvent c’est la mère ou le père qui dirige le bateau, et les enfants très jeunes qui vendent, en criant frénétiquement « Hellooooo » pour qu’on leur accorde de l’attention. Malgré toute cette activité, tous les vietnamiens sont très cool sur leurs bateaux, dans des hamacs ou avec cette position accroupie si caractéristique. Non seulement ils sont capables de rester pliés en deux pendant longtemps, mais ils en tirent une relaxation évidente. Pour nous, occidentaux plus volumineux et beaucoup moins souples, c’est difficile à envisager. Nous tournons entre les bateaux, nous nous amarrons à l’un, et montons sur une plus petite pirogue à rames croisées pour mieux se balader. Là aussi la prouesse de notre « gondolier » est remarquable, il n’a pas toujours la place pour ses rames et doit tourner en permanence. Je ne me rends pas compte de la force nécessaire pour diriger ces gondoles, mais les femmes ne sont pas en reste, peut-être même plus nombreuses que les hommes à la manoeuvre.



Rassasiés de belles images, de photos, et des sodas vendus par les enfants (ils en ont d’étonnants ici, aux lychees, à d’autres fruits indéfinissables …), nous repartons vers une autre usine de riz, déserte à cause du nouvel an qui arrive. Puis retour à Can Tho, où nous avons plus de deux heures de temps libre (ouaiiiis, supeeeeer !) avant de reprendre le bus. Je me balade sur la digue-promenade, je passe devant l’énorme statue d’Ho-Chi-Minh, signe parfait du fameux culte de la personnalité dans les régimes communistes. Les gens sont très souriants et un peu étonnés de me voir, alors que la région n’est pas franchement épargnée par le tourisme. Une dame a l’air contente de voir que j’ai un chapeau viet’. Je suis assailli par quatre enfants qui veulent jouer avec moi, juste par plaisir de voir un étranger et encouragés par leurs parents. Je sors l’arme absolue, l’appareil photo, et là ils se bousculent pour être dessus, en faisant le fameux V avec leurs doigts (il faudrait que je demande à un asiatique pourquoi ils font toujours ça sur les photos, sans jamais se lasser). Une fille attend clairement un cadeau, je lui donne avec plaisir mon chapeau vietnamien, beaucoup trop grand et sûrement d’un classique absolu pour elle, mais elle est ravie de sa prise. Moi aussi je suis ravi de ne plus avoir ce chapeau, malgré la gentille attention de Thu. Après un bon resto, nems et curry de serpent, je repars à l’hôtel, où le bus nous prend pour retourner à Saigon. Nous montons d’abord dans le bac pour traverser le fleuve, rempli à craquer de motos et scooters. Comme nous pouvons observer cette cage aux lions depuis le pont supérieur, je remarque que le casque est devenu un objet de mode, surtout les casques féminins. Certains ressemblent à des casquettes, d’autres à de vrais chapeaux féminins, avec beaucoup d’élégance et de bon goût.



Nous retrouvons le bus à l’extérieur, et partons pour quatre longues heures de trajet à Saigon. A l’arrivée, nous débarquons dans le quartier des backpackers, bouillonnant comme tous les soirs. L’hôtel m’envoie malheureusement dans une annexe, je ne serai pas accueilli par le grand sourire et le « Good morning, how are you ? » de l’équipe de filles les deux prochains matins. Dégoûté.

Le matin suivant, je suis décidé à aller visiter Giac Lam Pagoda, un temple bouddhiste, mais elle se trouve dans un quartier très excentré. Je suis bon pour un baptême du feu en cyclo, malgré la folie apparente de la circulation. Apparente parce que tous les motocyclistes et automobilistes sont en fait très fair-play. Le flux insensé de véhicules crée un bruit et un « certain » danger, mais ils sont très loin d’être des sauvages, à l’inverse d’autres pays pauvres que j’ai pu visiter, notamment le Pérou. J’attrape donc un cyclo, négocie le prix, et m’installe avec un grand sourire, prêt à vivre une expérience culturelle à part entière … enfin pendant 200 mètres. On n’avance pas, il y a plusieurs kilomètres à faire, et je n’aurai jamais le temps de faire tout ce que je veux à ce rythme. Je demande à mon chauffeur de cyclo de s’arrêter, lui explique le problème, et il prend cinq minutes pour aller chercher une moto. Là pour le coup je me mets vraiment en danger, moi qui ne suis déjà pas très à l’aise à l’arrière d’une moto, même en France. Je fais confiance, redoute les trous dans la chaussée, observe à quel point il ne respecte aucune règle, et espère arriver entier. Un gros bouchon se présente devant, les motos ont envahi le trottoir pour le contourner, et les malheureux piétons qui s’y trouvent n’ont pas l’air de trouver ça anormal. Donc mon chauffeur s’engage aussi sur le trottoir, essaie de passer une petite marche mais sa moto est trop faible, nous reculons et chutons sur le côté au milieu des autres motos. Nous retombons sur nos pieds mais je sens comme une grosse chaleur sur le mollet droit, je viens de me brûler comme il faut sur le pot d’échappement. Ca y est, je l’ai mon « Asian tatoo », qui c’est qui est heureux ? La douleur est supportable et nous remontons sur la moto, sans problème cette fois jusqu’au temple.

Lieu de quiétude et de sérénité, encerclé par la folie urbaine. En face la pièce des morts, pleine d’urnes funéraires avec petites bougies et offrandes : un paquet de gâteaux devant l’urne d’un enfant, une Heineken servie dans un verre pour l'urne d’un vieux monsieur. A droite trône un Bouddha géant, d’un blanc éclatant comme s’il venait d’être peint. A gauche le temple proprement dit, j’y trouve quelques moines bouddhistes drapés d’orange, en train de déjeuner. Très clairement ils suivent un protocole, mais d’une façon très décontractée. Le recueillement ne paraît pas évident. Je n’ai pas encore eu le temps de me renseigner sur le bouddhisme, mais ça vaudrait le coup. Partout des odeurs d’encens, un mélange d’ornements très nobles et d’autres très kitsch : ces fameuses boites de Lipton dans les offrandes, les auréoles clignotantes autour de Bouddha … A l’intérieur du site les lieux de prière sont nombreux, il y a des autels et des bouddhas partout. A l’entrée du site, un temple en forme de grande tour. Une famille y déjeune, apparemment chargée de la garder. Le mari bredouille quelques mots pour me demander de le prendre en photo avec sa petite fille, sans pour autant chercher à récupérer la photo par la suite. Je m’exécute avec plaisir devant tant de simplicité.



Je retrouve mon chauffeur et nous repartons vers le centre, non sans appréhension. Il me dépose devant le Musée de la guerre, que je visite après une petite bouffe dans le resto voisin. Ce musée est très réputé à Saigon, et à juste titre. Il présente tout ce qui s’est passé pendant la guerre du Vietnam, et d’une façon apparemment assez objective puisque de nombreuses sources sont américaines. A part les engins de guerre dans la cour (avions de chasse, tanks …) et une guillotine française, il n’y a quasiment que des photos suivant différentes thématiques : l’explication du pourquoi de la guerre en remontant jusqu’à la colonisation française, la torture des résistants et innocents soupçonnés, les destructions et massacres, les ravages du gaz Agent Orange sur les enfants d’après-guerre et certains enfants aujourd’hui, et les scènes de guerre proprement dites. Les photos sont saisissantes, certaines vraiment difficiles. On prend une sacrée leçon d’histoire, y compris sur la déroute des français à Dien-Bien-Phu, et on cerne mieux l’ignominie de cette guerre. Les américains qui le visitent doivent se sentir mal, j’en croise d’ailleurs très peu depuis que je suis au Vietnam. Mais les Vietnamiens semblent plutôt regarder vers l’avenir, en laissant de côté l'esprit de vengeance.

La guerre du Vietnam semble donc rangée dans les mauvais souvenirs. Pour ce qui est de la colonisation française, je peux ressentir ou lire ici et là une certaine nostalgie de cette époque. Sans me faire l’avocat de la colonisation, je note que les références à tout ce que nous avons apporté en Indochine, surtout en terme d’architecture, ne manquent pas. Et comme ils nous ont mis une belle raclée à Dien-Bien-Phu, et que nous ne les avons quasiment pas agressé (en comparaison avec les Américains), ils ne gardent pas de mauvais souvenir de l’occupation française. Et s’en sentent très loin de toute façon … On trouve régulièrement des références au français, sur certains noms de rue, dans des traductions touristiques, dans les cartes de restaurants. Mais cela reste de l’ordre des vestiges esthétiques, les Vietnamiens d’aujourd’hui se sentent aussi proches des français que moi des tribus reculées d’Amazonie, et n’en parlent pas un mot. Allez, il m’arrive d’entendre un « Bonjour » quand je dis que je suis français.

Je quitte le musée et repasse devant le Palais de la Réunification, encore fermé. Après un petit tour par la rivière Saigon, direction un hôtel assez classe au dessus de l’opéra, pour prendre un verre avec vue imprenable sur les toits de Saïgon by night. Avec les milliers de phares des motos et les illuminations du Nouvel An, c’est un beau spectacle.



Retour à l’hôtel, en déclinant les inévitables propositions de massages poussés. Le parc devant le quartier des backpackers est occupé par un énorme marché au fleurs, absolument magnifique bien qu’il fasse noir. Certaines plantes ou arbustes sont arrangés pour ressembler à des dragons ou autres figures asiatiques typiques. Quelquefois kitsch mais amusant. Un peu plus loin, de la musique, des couples dansent, sur fond de klaxons et de scooters. J’ai l’impression d’une effervescence inhabituelle en ce dimanche soir, c’est dire si ça bouillonne. Je rentre sagement à l’hôtel, et j’essaie de réparer le gros manque de sommeil qui s’accumule depuis un moment. Le lendemain matin, lever tôt encore une fois, pour prendre un bus qui m’emmènera un peu plus vers le nord, beaucoup plus vers la côte. Destination ensoleillée, sableuse et sportive …
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jeudi 11 février 2010

Hong-Kong, ma porte vers l'Asie

L’avion atterrit à Hong-Kong en début d’après-midi, sous un ciel chargé. L’aéroport est ultra-moderne, comme je pouvais m’y attendre. Tout est traduit en anglais, naturellement, et à peu près tous les locaux le parlent, ça simplifie quand même les choses. J’attrape un bus à deux étages, à la mode britannique, pour le quartier populaire de Mongkok, à Kowloon. Heureusement qu’il est assez moderne, avec affichage du prochain arrêt, sinon j’aurais été quelque peu embêté pour savoir quand descendre. Le bus traverse la baie, change d’île par un grand pont suspendu. Déjà on peut voir des grandes tours disposées comme des grappes, immenses et identiques, toutes faites de logements. On entre dans le vif du sujet en pénétrant dans Mongkok : immeubles défraîchis, linge à toutes les fenêtres, logements minuscules, énorme concentration humaine dans les rues, et la circulation n’est pas en reste …

Je descends sur Argyle Street et me fraie un chemin tant bien que mal sur le trottoir avec mes sacs, jusqu’à l’adresse de l’hôtel. Une fois devant le bon numéro, je mets bien dix minutes à trouver la bonne porte, et monte au 14ème étage. En fait d’hôtel, c’est un tout petit appartement divisé en plusieurs chambres, mais c’est parfaitement propre, et je suis chaleureusement accueilli en anglais. On me donne ma chambre … à rendre une taupe claustrophobe. Un petit lit et tout juste la place de marcher à côté. Pas de fenêtre bien sûr, faut pas rêver ! Mais le wifi et une petite télé pour m’imprégner de la culture asiatique. A l’extérieur de l’hôtel, la vue donne sur la cour intérieure de l’immeuble, abyssale et pas très reluisante (quoique sûrement plus propre que la moyenne).




Il fait déjà nuit, je pars pour un petit tour exploratoire en suivant les recommandations trouvées sur le web. Dans une ville si grande, partir à l’inconnu sans but précis n’est peut-être pas la meilleure méthode. Je me rends compte que je ne pouvais pas mieux choisir mon hôtel, je suis en plein milieu du quartier le plus animé, en plein dans le gras ! Les trottoirs étaient déjà bondés en milieu d’après-midi, mais là c’est encore plus fou. J’hallucine en voyant la sur-activité qui règne ici, ça grouille littéralement. Trois rues parallèles sont des marchés, une pour les articles de sports, une pour les babioles (appelé Women’s Market ; les femmes achèteraient n'importe quoi ?), et une pour l’électronique. Je prends celle-là et découvre des dizaines de magasins de téléphones portables, appareils photo et PC. Hong-Kong a beau être hyper-peuplé, l’offre en électronique est quand même démente. Et la rue est pleine d’enseignes lumineuses qui se détachent largement des façades, jusqu’au milieu de la rue, et touchent presque celles d’en face. Ils pourraient économiser l’éclairage public, absolument inutile.




Je poursuis ma marche par Nathan Road, quasi-autoroute urbaine, jusqu’à Temple Street et son marché de nuit. Etals vendant des babioles, tentes remplies de tee-shirts … Je m’arrête sur la terrasse d’un grand restaurant populaire, mêlant locaux et touristes, et me régale d’un plat doux-amer en discutant avec un cinquantenaire indonésien qui est de passage pour le travail. Une fois rassasié et le coup de baguettes à peu près maîtrisé, je reprends Temple Street. Je passe dans une ruelle pleine de karaokés improbables, puis celle des diseurs de bonne aventure, surtout des tireurs de tarot. Un homme lit dans les lignes de la main en gardant son oreillette Bluetooth, ça doit l’aider sûrement. Une brochette de jeunes filles attend son tour devant l’une des tentes, sagement assises sur les tabourets.




Quel plaisir de se lancer à l’aventure d’une grande ville, avec quelques objectifs en tête mais un parcours largement improvisé, et sans trop savoir si cette ville est sûre la nuit pour un voyageur. Je repars vers l’hôtel en reprenant la rue du marché électronique. Il commence à se faire tard mais la densité humaine n’a pas faibli. Sur le bord du trottoir, un jeune homme se fait peintre malgré son absence de mains. Quelques mètres plus loin, un autre se fait guitariste malgré sa main coupée … et ses yeux crevés. Là ça ne peut plus être un accident ou le hasard de la nature. J’ai vite fait d’imaginer qu’il a appartenu à un gang et s’est fait punir, de la façon la plus cruelle possible.

Partout, la cuisine de rue dégage ses odeurs, plus alléchantes que les apparences, faites de chairs molles et de couleurs bizarres. Mais en une seconde, l’odeur peut se faire insupportable. La fameuse sauce de poisson, Nam Cuoc, empoisonne l’air, mais apparemment je suis le seul écoeuré.

Une bonne nuit dans mon bunker hermétique, et je repars à l’assaut de la ville pour ma seule journée complète. Autant j’aime découvrir la cuisine locale, en prenant des risques mesurés, autant je ne suis pas prêt à me mettre en danger pour le petit-déj’. Je me retrouve lamentablement devant un muffin de MacDo … rien trouvé d’autre ! J’attrape le métro automatisé et ultra-propre pour aller sur Hong-Kong Island, le quartier d’affaires qui regroupe toutes les tours de bureaux, celles qui font la carte postale de Hong-Kong. Je passe devant la cathédrale St John et l’ex-Alliance française, deux édifices beaux et authentiques au pied des monstres de verre et d’acier, et je prends le vieux tramway historique qui gravit une pente à quasiment 45° pour monter au Peak. C’est le point de vue absolu sur toute la baie, en haut de la montagne. Ils ont trouvé le moyen d’y bâtir un énorme bâtiment vaguement futuriste, avec galerie commerciale, restaurants, et musée de Madame Tussaud ... Hong-Kong, royaume du commerce. Pas de chance nous sommes plongés dans les nuages, sur la terrasse d’observation on ne voit pas à cinq mètres. Apparemment ce serait plus que fréquent ici, c’est un mélange de mauvais temps et de pollution. On croit que la pluie va tomber d’un instant à l’autre, mais ça ne vient jamais, c’est donc plus de la pollution.




Je redescends, essaie sans succès de négocier la réutilisation de mon billet le soir-même, et repars en métro sur Kowloon, sur l’autre rive de la baie. Je flâne dans les rues en cherchant un resto ni touristique ni trop local, et tombe sur un food court à l’américaine, au sous-sol d’un immeuble. Toutes les cuisines asiatiques disponibles dans un grand hall ! Déjà qu’il est difficile, en général dans un restaurant asiatique, de choisir à cause de la longueur du menu. Mais là il y a une quinzaine de menus disponibles ! Un premier petit tour pour établir une short-list, un deuxième pour être vraiment sûr, et un troisième pour choisir enfin mon plat. Je prends mon courage à deux mains et choisis un plat coréen, fait de boulettes de pieuvre et d’une sorte de grosse galette au contenu indéfinissable. Les boulettes de pieuvre sont d’une consistance bizarre, mais pas mauvaises. La galette est bonne, mais recouvertes d’une sauce immangeable, mélange d’hyper-gras, hyper-sucré et hyper-salé. Im-man-geable. Je laisse les trois quarts de l’assiette, ce qui ne m’arrive jamais même quand je n’aime pas, et je n’ai pas le courage de commander autre chose.

Je pars sur le port pour voir enfin la baie, assez spectaculaire malgré le plafond gris qui cache le haut des tours. Un vieux hong-kongais édenté vient m’aborder et me parle de plein de choses, dans un anglais passable, passant du déclin américain à la non-hospitalité française pour les touristes (que je n’ai pas démentie mais expliquée, notamment sur la différence entre Paris et la province). Je parcours la promenade le long de la baie, essaie de trouver des noms que je connais sur les étoiles au sol façon Hollywood (pas grand monde à part Bruce Lee et Jackie Chan), et m’enfonce à nouveau dans la jungle urbaine.




Je me rends au temple Sik Sik Yuen Wong Tai Sin, un des plus beaux de la ville, dédié à Wong Tai, un guérisseur qui aurait accompli des miracles grâce à son savoir. C'est aussi le temple qui réunit les religions taoïstes, bouddhiste et confucianiste. Il est très fréquenté, les gens viennent y trouver des réponses pour leur avenir, en faisant des offrandes ou en consultant un diseur de bonne aventure. Les gens prennent des baguettes, les allument, et prient avec. Ou font du bruit avec une boite pleine de baguettes. J’arrive à prendre une photo en cachette, il faut dire que le personnel veille et réagit au quart de tour dès que quelqu’un ne respecte pas le protocole.



Je repars à l’hôtel en début de soirée, et repars un peu plus tard vers Temple Street, pour profiter encore de son marché de nuit, de ses karaokés ultra-kitsch, diseurs de bonne aventure, stands … Et je m’installe au même resto que la veille, sur une vieille table où trône le rouleau de PQ en guise de serviettes, au croisement de deux rues piétonnes. J’y rencontre cette fois un couple australien, qui m’avoue venir ici parce que voyager chez eux coûte trop cher, on est au moins d’accord sur ça … La triste expérience culinaire du déjeuner est oubliée, je me régale et j’attrape le coup de baguettes. Je poursuis la balade nocturne vers une ruelle branchée, puis vers le port, pour voir la baie de nuit et les lumières de ses tours. Je rentre en métro, un peu fatigué de marcher des kilomètres, et fais un petit détour par la fameuse rue des produits électroniques, pour profiter encore de sa fantastique énergie.




Le lendemain matin, j’attrape un bus qui m’emmène vers l’aéroport. J’ai passé à peine 48 heures à Hong-Kong, mais j’aurai l’occasion d’y repasser dans quelque temps. Hong-Kong ne représente pas exactement la magie que j’attends de l’Asie, mais une folie des grandeurs, un cas à part qui mérite d’être vu. Maintenant direction le Vietnam et Saïgon, premier de cinq pays à découvrir et commencement d’un troisième voyage.

On traverse la mer de Chine et on se retrouve à Saïgon !
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