Je suis reparti en Argentine ! Bientôt le nouveau blog ...
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dimanche 31 janvier 2010

From Sydney to Melbourne, I'm a lonesome vanpacker

Je prends le métro direction la banlieue, à côté de l’aéroport de Sydney, pour récupérer un van loué pour trois fois rien. Cinq dollars par jour, et l’essence entièrement payée, pour sillonner les routes vers Melbourne, c’est une occasion en or. Je n’ai trouvé personne qui veuille m’accompagner, mais c’est presque aussi bien comme ça. Je vais pouvoir m’arrêter comme et où je veux, et rouler sans fin, seul, le long d’une côte balisée de lieux magnifiques. J’en salive déjà.

Après les formalités d’usage, je me retrouve au volant d’un van bien plus gros que je ne le pensais, et tout confort : cuisine, douche, toilette … Je m’extirpe du quartier de l’aéroport et trouve le chemin tant bien que mal vers la route côtière. Heureusement que j’ai déjà beaucoup roulé à gauche en NZ : apprendre ici, dans cette circulation chargée avec ce véhicule massif, m’aurait rapidement délesté de la caution pour cause de tôle froissée …

Il va falloir faire avec la carte ultra-simplifiée et les informations sporadiques que j’ai collectées avant. Dès le début un détour se propose pour étancher ma soif d’espaces sauvages et de panoramas grandioses, je m’engage dans le Royal National Park. Un petit air de Provence sur ces routes sinueuses… Je fais un petit tour par une belle plage encerclée de parois rocheuses. Pas franchement seul, le parking est plein mais l’endroit est magnifique. Je plonge une tête rapide dans les gros rouleaux et reprends rapidement la route, à travers collines et forêt, et j'arrive au début d’une route côtière splendide, qui longe une plage sans fin et ses rouleaux qui déferlent. J’inaugure la cuisine du van, m’offre un déjeuner en haut de cette falaise qui domine des dizaines de kilomètres de plage, et repars assez vite. J’ai prévu de faire aujourd’hui la moitié des mille kilomètres qui me séparent de Melbourne, pour pouvoir me concentrer sur les plus beaux sites pendant les deux jours suivants.




1 heure, 2 heures, 3 heures, 4 heures de route. Je m’arrête de temps en temps pour faire une photo mais je trace, traversant des petites villes me faisant penser à la Nouvelle-Zélande, voire même plus à l’Amérique : des maisons très simples en bois et sans étage, quelques magasins. Pas de charme particulier mais l’impression d’une vie tranquille et ensoleillée. Je m’arrête une bonne demie-heure pour faire mes courses, et quand je reprends la route, à ma grande surprise il n’y a plus de trafic. Il est 19 heures, la lumière se fait plus rasante, tout le monde est rentré à la maison, sauf quelques vans.

J’accélère un peu, au vu de la distance qui me reste jusqu’à l’endroit où j’aimerais dormir, et je m'enfile de longues lignes droites, longeant des plaines immenses, à l’herbe jaunie, ponctuées ça et là de quelques grands arbres majestueux. On voit quelques bêtes brouter, beaucoup en fait mais elles sont dispersées dans des pâtures dont on cerne à peine la superficie. Quand on pense Australie, on pense souvent outback ou belles plages, mais cette vision plus agricole teintée de jaune n’est pas moins authentique. Les grands arbres créent une carte postale à tous les instants.

Le soleil finit par se coucher, sur un magnifique rouge-orange, et je continue à aligner les kilomètres. Tu as déjà pris des photos en conduisant ? Jusqu’ici moi non plus, mais de temps en temps ça donne un bon résultat ! Comme j’ai du mal à capter une radio décente dans ces espaces reculés, ça me divertit un peu.




Vers 22 heures les yeux commencent à fatiguer, je m’arrête dans une petite ville qui a l’énorme défaut de se trouver à vingt kilomètres de la côte. Mais les panneaux indiquent une autre ville à trente kilomètres, au doux nom de Eden. Tout un programme pour passer une bonne nuit … Encore un petit effort donc et j’arrive à Eden, trouve rapidement la route qui longe la plage, loin de toute maison. A part le bruit des vagues, difficile de savoir à quoi ressemblent les environs, ce qui n’est jamais très bon quand on arrête son van si tard pour dormir, surtout seul. J’aimerais être sûr que je n’aurais aucun problème pendant la nuit, bien que tout me laisse penser que la petite ville est paisible. Il y a un camping pas loin, mais je suis quand même seul sur cette route. Le lendemain matin, je me réveille au bruit des vagues, qui m’ont bercé toute la nuit, et j’ai la récompense de m’être arrêté là : la ville d’Eden est un petit paradis, la plage est splendide, le soleil tape déjà fort.




Quelques locaux font leur marche matinale le long de la plage. Contrairement à la Nouvelle-Zélande, il n’y a aucun panneau d’interdiction, le camping sauvage paraît permis plus ou moins partout. Je pique une tête dans les rouleaux en me demandant si c’est un coin à requins, prends mon petit-déjeuner face à l’océan, teste le confort du van en inaugurant la douche (réellement chaude !), et je reprends rapidement la route. Seulement une cinquantaine de kilomètres, à travers une forêt de type méditerranéen, et j’arrive à Cann River.

Le temps de refaire le plein et de m’acheter un vieux CD de U2 (CD qui ne marche finalement pas et m’oblige à chercher frénétiquement une radio autre que l’équivalent local de France Culture), je prends la route vers Croajingolong National Park, nom bien compliqué à prononcer mais qui cache de petites merveilles. La route devient vite un chemin en terre sinueux au milieu de la forêt, chemin stabilisé mais qui fait trembler le van monstrueusement. Je me demande si je fais bien de m’engager là-dedans avec mon gros van, mais l’objectif est censé être assez proche. Donc je roule, je roule, je ne croise personne, je m’enfonce dans la forêt sans voir le moindre point bleu qui annoncerait l’arrivée imminente sur la plage. Ça monte, ça descend, ça tremble, je fais souffrir le van mais je ne veux pas repartir en arrière après avoir roulé si longtemps. D’ailleurs je ne vois même pas où je pourrais faire demi-tour, avec le char urbain que je conduis.

Au bout de trois quarts d’heure je finis par croiser une famille en 4x4, enfin un peu de vie humaine qui me confirme que mon idée n’est pas totalement folle. Ils me disent que j’ai fait le plus dur, mais il reste encore quinze minutes … que je m’enfile donc avant d’obtenir ma récompense : j’aperçois l’océan, ses rouleaux qui déferlent furieusement, des dunes gigantesques, et la Thurra River qui se jette ici. Et je découvre un camping paradisique, sous les arbres. Les gens qui y campent sont hors du monde, à au moins cent mètres les uns des autres, ils se font une petite vie ici, se baladent à vélo.




Je traverse le camping et pousse jusqu’au bout du chemin. Petite balade sur la plage, sur les rochers, photos inévitables pour capter la sauvagerie de l’océan, le long d’une plage interminable et sur fond de dunes impressionnantes. Après une petite discussion avec une mère australienne (décidément très cool ces australiens, ils parlent avec tout le monde sans se poser de questions), je renonce à marcher jusqu’au phare par peur de manquer de temps, mange rapidement face aux vagues et repars. Deux heures de conduite plus que remuantes et pas très rassurantes pour très peu de temps sur place, mais c’est la contrepartie de cette location quasi-gratuite : on ne me donne que trois jours pour arriver à Melbourne. J’ai quand même vu ce que pouvait être une plage très isolée, au bout d’un Parc National splendide, et un certain mode de vie à l’australienne.

Je roule encore trois heures et arrive à Lakes Entrance. C’est une petite ville touristique qui marque la rencontre de l’océan avec un énorme réseau de lacs, les Gippsland Lakes. A ce croisement se trouve aussi une plage interminable appelée Ninety Mile Beach … comme à l’extrême nord de la Nouvelle-Zélande sauf qu’ici la plage est pentue et en sable mou, donc pas question de rouler en bus. Mais inutile de dire qu’on en distingue pas le bout. Je n’ai pas trop le temps de faire un petite croisière sur les lacs, je me contente d’une longue pause internet pour réserver l’hôtel du lendemain à Melbourne (quel "bonheur" de voyager en Australie en haute saison, il faut tout réserver, tout penser à l’avance ou presque … je déteste organiser mon voyage !). Une pause café en contemplant les cygnes noirs qui passent l’essentiel du temps la tête sous l’eau, quelques magnifiques vues sur les hauteurs de la ville, et je repars pour de longues heures de conduite pour atteindre Toora au crépuscule. Cette petite ville se trouve juste avant Wilson’s Promontory, un parc très réputé à trois heures de Melbourne.

Je trouve une petite route en terre qui se dirige vers le bord de mer, hors de la ville, et m’arrête sur un petit parking au bord d’une réserve d’oiseaux. Pas sûr que j'aie le droit de dormir ici, mais aucun panneau ne dit le contraire, alors je tiens mon argument en cas de visite non-amicale. Je me retrouve encore seul au milieu de nulle part, dans mon van, dans un endroit qui doit être beau mais que je cerne mal pour être arrivé dans l’obscurité. Enfin je capte une bonne radio et je me fais de la compagnie en écoutant les commentaires du tennis à Melbourne et en me préparant une petite bouffe. Toujours content d’être seul, mais j’avoue rester très attentif au moindre bruit à l’extérieur (maudit van qui ne veut pas rester silencieux et me donne de fausses inquiétudes !).




Et après une excellente nuit dans mon grand lit au fond du van, j’ai encore une fois la récompense absolue : la réserve est magnifique, plusieurs espèces d’oiseaux barbotent dans l’eau, des oies volent en V, une bande de petits oiseaux très vifs tourne sans relâche dans le ciel. Il n’y a pas un souffle de vent, pas une ridule sur l’eau. A peine réveillé, j’assiste au lever du soleil avec ses teintes oranges. Au fond, de l’autre côté de la baie, Wilson’s Promontory et ses montagnes. Je suis toujours seul mais je vois un 4x4 et sa remorque de bateau, vide. Apparemment des gens ont mis à l’eau très tôt et je n’ai rien entendu. Une douche rapide et je m’en vais dès 7 heures du matin, quand même pas certain que j’avais le droit de dormir ici. Je roule jusqu’à Foster où j’enfile un rapide petit-déj, puis je roule jusqu’au parc. La vue alterne entre la baie au loin et les pâtures vallonnées, vertes ou jaunes, où broutent de nombreuses vaches. A l’entrée du parc, personne au guichet pour faire payer, mais route grande ouverte. Je ne me suis quand même pas levé à 6 heures du mat’ pour attendre ici qu’on veuille bien me faire payer ... oups je suis entré !

La route est d’abord assez plate, au milieu d’une sorte de maquis. Je croise quelques kangourous sur le bord de la route, qui observent étonnés mes manœuvres en van pour les approcher et prendre une meilleure photo. Puis la route s’élève vers le premier sommet, toujours au milieu d’une végétation hyper dense faite d’arbustes touffus. Au-dessus de ce maquis planent les corbeaux. Je bascule de l’autre côté et découvre l’océan. Je devine des petites plages, des criques bordées de rochers polis par l’eau, quelques îlots au large. Tout un périmètre est carbonisé, il y a sûrement eu un grand incendie l’année passée, mais l’endroit reste magique, d’un calme implacable. De rares voitures passent. Un corbeau fait des vocalises, perché sur une branche dégarnie au-dessus de moi.




Je m’arrête tous les cent mètres pour prendre des photos et pousse la route jusqu’à Tidal River, où je découvre toute une vie humaine que je n’avais pas soupçonnée : un camping, un ou deux restaurants. Les gens se promènent en vélo. Pour la plupart d’entre eux ils émergent, il n’est encore que 9 heures. Un canapé trône royalement au bord de la route, devant une tente, squatté par un jeune campeur qui ne paraît pas bien frais du jour.

Tiens c'est bizarre, toutes les voitures arborent un beau badge sur le tableau de bord. Les bureaux étaient fermés à l’entrée du parc et la route grande ouverte, mais je n’avais peut-être pas le droit d’entrer. Je ne traîne donc pas sur le parking et repars sillonner le parc sur des routes plus désertes, profitant de la lumière changeante pour reprendre des photos déjà prises. Je finis par ressortir du parc, forcé. Melbourne m’attend …

Une longue pause au bord de la route pour vider le frigo et tout laver, je reprends la route et arrive aux abords de Melbourne deux heures plus tard. Pas de chance l’autoroute devient payante avec interdiction de payer au péage ( ?!?), je dois donc sortir et m’engager dans une rue embouteillée de Melbourne, avec mon van encombrant, sans co-pilote pour m’aider, avec une carte ultra-simplifiée pour trouver le loueur de vans. Pas fier … Un moment je me retrouve même dans le centre de Melbourne alors que le loueur est en banlieue. Je finis par m’en sortir et trouver le loueur, et je rends le van sans mauvaise surprise.

Je prends le bus pour rejoindre l’hôtel backpackers hors de prix que j’ai réservé. Le chauffeur se rappelle 15 minutes trop tard que je lui ai demandé de m’arrêter à un certain endroit … c’est parti pour une longue marche, sans carte, avec mes 20 kilos de bagages, dans une certaine moiteur. Comment arriver dans les meilleurs conditions …

L’hôtel Urban and Central est très réputé, et c’est vrai qu’il est un niveau au-dessus de ce que j’ai vu, très fonctionnel. Mais situé en banlieue (proche), sur une avenue absolument laide, au bord d’un pont-autoroute où défilent les voitures sans arrêt. Comme tous les hôtels, c’est une vraie agence de tourisme, les murs sont pleins de posters faisant la pub pour les tours organisés, même dans les chambres (une différence avec l’Amérique du Sud : ils ne prennent pas de commission sur le client, et le prix n’est pas gonflé par l’hôtel). La cuisine est un vrai champ de bataille, et le bar livré à des jeunes braillards qui font la fête à la manière anglo-saxonne : en faisant beaucoup de bruit et en buvant tout le temps. Le tout est très impersonnel, et pour tout cela je paie un tiers de plus qu’à Sydney qui était déjà un des plus chers. Ça c’est l’effet Australian Open ! Le tournoi de tennis vient de démarrer, et tous les hôtels gonflent leurs prix.

La priorité de mon premier jour de visite à Melbourne est donc d’en trouver un autre, et accessoirement de faire un petit tour du centre. Je ne sais dire si j’ai des attentes trop hautes, ou si je suis mal embouché ce jour-là, mais je suis un peu étonné de trouver une ville très bétonnée et pas très belle, alors que j’ai eu de très bons échos. J’ai beau me promener dans les rues qui m’ont été recommandées, je vois bien quelques façades stylées mais rien qui donne un vrai charme et une âme. Ceci dit, l’attrait d’une ville ne dépend pas que de sa beauté et de quelques rues qui donnent envie de flâner, la vie et l’énergie qui s’en dégagent comptent aussi pour beaucoup. J’ai quelques jours pour passer outre cette première impression et trouver l’âme de Melbourne...




En attendant je vais à Federation Square, une place conviviale bien que toute en béton. Elle est noire de gens, jeunes voyageurs surtout, qui s’assoient par terre devant le grand écran géant pour regarder le tennis tout en surfant grâce au wifi gratuit. Le Melbourne Park, avec ses deux courts principaux Rod Laver Arena et Hisense, est à 500 mètres à peine en suivant la rive de la Yarra River. Ambiance cool donc sur Fed Square, si on supporte de s’asseoir plusieurs heures sur le béton, sous le soleil brûlant de Melbourne. Mais pour un wifi gratuit et rapide, en regardant Tsonga jouer, on est prêt à ça. Partout autour de moi, j'entends parler allemand et français ... ah et un petit peu anglais aussi.

Avant de rentrer dans mon hôtel pas marrant, je trouve un autre hôtel pour backpackers un peu moins cher et qui a encore des lits libres, dans le centre. Du genre défraîchi mais à l’ambiance plus chaude, ça me suffit pour tenter le coup et réserver pour le lendemain. Soirée tranquille à l’hôtel, je rencontre Loïc, jeune parisien qui voyage quelques mois ici et essaie de travailler, comme des milliers d’autres jeunes backpackers. Avec un allemand de notre dortoir, nous descendons quelques pichets dans le bar de l’hôtel, sur fond de karaoké infâme et de vociférations des fêtards. Le style bourrin habituel en milieu anglo-saxon …

Loïc serait peut-être intéressé à parcourir la Great Ocean Road avec moi, contact à garder donc, bien que je quitte l’hôtel le matin suivant. Je checke-out, marche vers le centre et checke-in dans l’autre hôtel. Ambiance glandouille dans les vieux canapés du lounge. Mon dortoir est pour le moins dense en chaleur humaine, cinq lits superposés dans vingt mètres carrés, à peine la place de poser son sac à dos, pas de casier pour les affaires de valeur, les tramways qui passent sous la fenêtre. Du bonheur en barres.

Je repars pour un tour dans le centre, à la découverte de Chinatown, de petites ruelles vivantes et bien cachées, des galeries qui relient deux rues. Je prends le vieux tramway circulaire pour avoir une vue rapide des quartiers qui pourraient m’inspirer. On progresse, on progresse, mais c’est encore bien gris. J’atterris encore sur Fed Square pour voir la fin d’un match et reprendre ma dose quotidienne de wifi : je dois organiser mes jours à venir en Australie et mon départ prochain en Asie. Je cherche notamment une relocation de van pour la Great Ocean Road, mais les propositions restent désespérément incompatibles avec mes dates.




La nuit tombe vite, le match de Tsonga se termine finalement tard et je rentre à l’hôtel avec l’intention de cuisiner un peu. Erreur, enfin utopie plutôt. Le salon est plein de monde, ça gueule de tous les côtés, la musique à fond, et la cuisine est immonde. Personne ne lave rien ou presque, le matériel est déglingué, même faire des pâtes est compliqué. J’ai peut-être fait une erreur en voulant économiser quelques dollars par nuit. Je dors tant bien que mal dans le dortoir surchargé, et me prépare mentalement à y passer plusieurs nuits. Après plusieurs mois de voyage, à dormir dans les dortoirs, on finit par s’habituer à (presque) tout, mais là c’est un peu rude, d’autant que je n’ai jamais payé aussi cher.

Le lendemain est encore un jour bouillant. Après un petit tour à l’expo AC/DC dans le bâtiment bizarre de l’Arts Centre, je saute dans un tram pour St Kilda. C’est un quartier excentré, très beau avec ses maisons au style mi-colonial mi-victorien, et c’est surtout LA plage de Sydney à quinze minutes du centre. Alors que revoilà … Tess et Lorraine ! Deux des trois irlandaises délurées que j’avais rencontrées à Bariloche en Argentine, il y a plus de deux mois. Elles ont décidé de se poser à Melbourne pour un long moment avant de poursuivre vers l’Asie, et cherchent du boulot. Laura, la troisième, travaille comme une esclave à Adélaïde, mais une quatrième irlandaise, Caroline, la remplace.

Elles me proposent de squatter dans le mini-appartement qu’elles louent dans le quartier, près de la plage. Yesss, ça ne se refuse pas, je vais pouvoir quitter la jungle des backpackers et économiser un peu, et c’est vraiment bon de retrouver des voyageurs croisés plus tôt. Avant de rentrer à l’hôtel, où je dois quand même purger une nuit de plus, je fais un tour de la plage, observe le ballet des kite-surfs sur fond de gratte-ciels. Kite-surfs qui me tentent bien mais me feraient encore très mal au budget, j’attendrai le Vietnam …




Je rentre donc à l’hôtel et rencontre un écossais qui est lui aussi lassé des autres anglo-saxons qui beuglent et assimilent le voyage à sortir et boire le soir, pas que le soir d’ailleurs. Il y a donc des anglo-saxons qui regrettent cette ambiance bourrin, mais une minorité quand même. Le lendemain matin je checke-out de mon hôtel avec un plaisir non dissimulé, mais décide de passer la journée dans le centre, sur Fed Square entre autres, avant de rejoindre les copines irlandaises à St Kilda. C’est lundi, on voit à nouveau les jeunes cadres en tenue de boulot arpenter les rues vers leur tour, de temps en temps j’oublie presque qu’il y a une vie normale, que des gens travaillent …

Recherche effrénée d’une relocation de van vers Adélaïde, pour finalement réserver un tour organisé de la Great Ocean Road. Petit tour à la National Gallery pour regarder une vidéo bizarre montrant des top-models en bikini scier des planches de surf dans une chambre luxueuse (l’art est souvent … impénétrable). Et je monte en haut de la Eureka Tower, une des plus grandes tours de l’hémisphère sud, pour un panorama à perte de vue sur Melbourne, Philip Bay, et les environs. On peut même voir l’intérieur de la Rod Laver Arena pendant un match de l’Open, en fait on voit un carré de 200 spectateurs sagement assis mais on ne voit pas les joueurs.

Je rejoins enfin St Kilda et le mini-appartement de Tess et Caroline. Lorraine squatte aussi puisqu’elle revient de Tasmanie, elle prend le sofa, je prendrai donc … le sol, avec pour seul matelas la petite épaisseur de mon duvet. M’en fous, même comme ça et à quatre dans quinze mètres carrés, je suis mieux que dans le backpackers, et les filles m’accueillent vraiment gentiment.

Le lendemain nous sommes le 26 janvier (info retrouvée grâce à une petite enquête, c’est pas si simple de savoir quel jour on est), et le 26 janvier c’est Australia Day, la fête nationale quoi ! Pas irlandaises pour rien, les filles chargent leur sac de bouteilles pré-mélangées, et pour changer on part vers Fed Square. C’est bondé de gens qui regardent soit le tennis soit le spectacle de rue, ça chauffe méchamment sur le bitume brûlant de Fed Square. Mais à part le tennis, il n’y a rien de spécial. Ben on va regarder le tennis alors ! En cachant les bouteilles puisqu’il est interdit de boire dans la rue. Fed Square se remplit petit à petit, notre petit carré de faux gazon aussi, la promiscuité règne mais l’ambiance est plus que sympa, on discute tour à tour avec les australiens, néerlandais, allemands qui s’assoient un moment On alterne entre le grand écran à l’intérieur et celui à l’extérieur, entre le tennis et un concert mou-du-genou et à la mise en scène pseudo-comique. Direction le pub d’à côté pour poursuivre la soirée, et un triple feu d’artifice vient conclure cet Australia Day. Retour en taxi à St Kilda et nuit dure sur le sol.

Le lendemain Tess et Lorraine ont des billets pour aller voir les quarts de finales en journée, mais vu le prix et comme Tsonga ne joue que le soir, je décline l’offre et repars pour une journée utilitaire et glandouillarde … sur Fed Square. Mon séjour à Melbourne se sera presque résumé à cette place, mais ça fait du bien de se laisser aller.

Je retrouve les filles le soir, rougies alors qu’elles étaient assises dans la partie ombragée du stade (pas irlandaises pour rien, sur ce coup là aussi). Le lendemain je les quitte au petit matin pour deux jours sur une des plus belles routes australiennes, deux jours de décors magiques, la Great Ocean Road !
(là normalement comme dans les vieux feuilletons, l’image s’assombrit progressivement pour marquer la coupure)

See you guys later !
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samedi 23 janvier 2010

Gratte-ciels, surf et opéra … special mix made in Sydney !

Je quitte mon hôtel douillet de Christchurch en voiture de location, peinard, pour rejoindre l’aéroport. C’est clairement le transfert le plus cool de mon voyage ! Je croise un couple italo-britannique que j’avais rencontré à Kaikoura, les pauvres enchaînent trois vols pour rentrer à Londres.

Je laisse une grande nation du rugby pour une autre, leur grand concurrent, toujours dans le Pacifique mais un poil plus à l’ouest, encore un pays qui en fait rêver beaucoup. J’ai nommé l’Australie, et Sydney pour bien commencer.

Le vol est tranquille, à côté d’un très vieux britannique qui n’a plus que la peau sur les os, mais qui voyage encore sans problème à 80 ans, seul. Je tiens le pari que je serai encore piquouzé au voyage au même âge ? L’arrivée est spectaculaire, nous survolons Sydney et son fameux pont. Comme je connais trop mal la configuration de la ville et que l’avion va trop vite, je rate l’Opéra. Perd rien pour attendre lui …



Le temps de trouver ma navette gratuite promise par l’hôtel, j’arrive dans le quartier King’s Cross en début de soirée, et suis un peu pris à froid par mes premières heures : le quartier est plein de néons criards, à cinq mètres de la porte de mon hôtel une créature blafarde joue du sac à main et du chewing gum (en rythme), la façade de mon hôtel n’est pas reluisante. Pour confirmer cette mauvaise impression, mon hôtel est repoussant à l’intérieur, je crois être tombé dans un hôtel de passe. On me donne un lit dans un grand dortoir vide au dernier étage, soi-disant « ensuite » (en anglais dans le texte) parce qu’il y a la salle de bains avec, mais la moquette est noire de tâches, le matelas à peine mieux, et une odeur de logement défraîchi règne. La cuisine est immonde, je n’ose pas stocker la moindre nourriture dans le frigo. Pas le temps d’en chercher un autre tout de suite, mais je ne paie que la première nuit pour pouvoir décamper dès le lendemain. Je suis plus ou moins rassuré en voyant que l’hôtel est peuplé de backpackers normaux, contredisant ainsi l’hypothèse de l’hôtel de passe. Le prix est faible, je ne m’attendais pas à un super hôtel, mais je tombe quand même de haut.

Pas trop le temps pour mes états d’âme, je suis attendu dans le centre à plus de 20 minutes de marche, je dois retirer de l’argent dans une banque en particulier, il se met à pleuvoir assez fort, et la nuit tombe. Après un coup d’œil rapide à la carte, je traverse donc Sydney à la hâte sous la pluie battante, dans le noir. A deux carrefours consécutifs je vois des chauves-souris au-dessus de ma tête, volant rapidement entre les grandes tours sombres. Quand je te disais que mes premières heures à Sydney m’avaient pris à froid …

Alors que revoilà … Gabriela ! Tout ne peut pas être négatif. Pour la énième fois depuis Valparaiso au Chili, je la retrouve à mon arrivée dans un nouveau pays. Elle est à Sydney depuis trois jours et s’en va dès demain pour l’Asie. A vrai dire je réfléchis moi aussi à écourter mon séjour en Australie et filer rapidement en Asie. Bien que j’aie adoré mes derniers jours en Nouvelle-Zélande, et que j'aie été déçu de la quitter, le voyage trop facile (et trop cher !) en milieu occidental et riche commence à m’ennuyer. J’ai envie d’une découverte culturelle beaucoup plus forte, envie d’avoir les yeux écarquillés quasiment tous les jours comme en Amérique du Sud. Ces deux pays riches s’intègrent moyennement bien dans ce long voyage, alors que j’ai rêvé de les visiter depuis longtemps.

Après mûre réflexion je vais passer au moins trois semaines et voir comment je me sens en Australie. En attendant je profite de cette seule soirée et Gabriela peut me faire un rapide topo de ce qu’il y a à voir et à faire (encore une fois j’arrive sans rien savoir, c’est à la fois une méthode de voyage et un manque de temps pour préparer quoi que ce soit).

Je quitte Gabriela, à moitié sûr de la recroiser en Asie, et m’offre une marche nocturne un peu plus cool pour rentrer à l’hôtel, l’orage enfin passé. Je remonte George Street, la rue centrale pleine de commerces et de grandes tours, traverse Hyde Park par William Street, et arrive dans King’s Cross pour halluciner encore une fois : le quartier commençait juste à se réveiller vers 19h, il est maintenant minuit et le quartier est carrément chaud, les tourneuses de sac à main sont là tous les 50 mètres, c’est noir de monde (surtout des backpackers, ça rassure), deux ou trois épaves imbibées traînent par terre, et je suis abordé d’une façon assez directive par un maquereau parce que j’ai eu le malheur de croiser le regard de sa « protégée ». Le genre de rue qui donne honte d’être occidental, même si l’occident n’a pas le monopole des lieux décadents. A propos d’occident, je ne trouve pas mieux que le Mac Do, face à mon hôtel, pour profiter du wifi. Le Mac Do est plein malgré l’heure, forcément.

Pour l’anecdote tu sais quel est le petit surnom de Mac Donald’s en Australie ? Macca’s. Et tant qu’on y est, souvenir d’un ancien voyage, en Russie ? Mac Dak. C’est fantastique ce qu’on apprend en voyage, tu ne trouves pas ?

Je finis par regagner ma chambre, il y fait chaud et moite, l’odeur est toujours là. Heureusement les draps sont propres, ils feront tampons avec le matelas. Je dors tant bien que mal et décampe rapidement avant 10h le matin, l’heure de check-out. Je perds la petite caution payée à la réservation mais tant pis, impossible de rester. King’s Cross est le quartier où se massent quasiment tous les hôtels pour backpackers, je n’ai donc pas loin à aller pour trouver un des plus réputés, beaucoup plus cher forcément, dans une rue perpendiculaire mais parfaitement calme. Darlinghurst Road cumule à peu près toute la décadence de cette ville, mais toutes les rues adjacentes sont tranquilles et propres.

Je m’installe donc chez Eva’s Backpackers et respire de soulagement en voyant la cuisine, les gens qui y sont, les dortoirs et les salles de bains pimpantes. Je me rends vite compte que l’hôtel est blindé d’allemands, on m’avait prévenu qu’il y en a encore plus en Australie qu’en Nouvelle-Zélande. Mais aussi blindé de français, ça je savais moins et c’est assez sidérant. A peu près tous ces voyageurs sont très jeunes et ont un visa Working Holidays, ils sont là pour plusieurs mois et veulent commencer par trouver une colocation et un boulot. Je rencontre vite Rémy et Xavier, des savoyards, et Nicolas et Chloé, parisiens. Par hasard nous sommes tous dans le même dortoir, avec des allemands forcément et un être non-identifié qui ne dit pas un mot à personne et reste tous les jours dans son lit, à la lumière électrique et dans la chaleur ambiante, à lire Stephen King en écoutant de la musique. J’aurais dû ajouter une ligne « cas spéciaux rencontrés dans les backpackers » dans mes statistiques débiles.

Je pars pour une première balade en ville, en remontant Hyde Park et en traversant le quartier d’affaires au milieu des gratte-ciels. J’arrive au quartier The Rocks, le quartier historique de Sydney assez pittoresque avec ses vieilles maisons, et je tombe vite sur un des deux attraits majeurs de la ville, le Harbour Bridge. C’est le pont qui relie le centre à North Sydney, un pont majestueux, une masse impressionnante de ferraille posée sur de majestueux piliers de pierre. Je le mitraille sous tous les angles, passe juste dessous pour mieux l’admirer, il est vraiment magnifique. Il est possible de marcher à son sommet, sur les arches, mais vu le prix astronomique je vais m’abstenir.



Je tourne autour du pont, le photographie sous toutes les coutures et tombe sur son voisin non moins célèbre : l’Opéra de Sydney. C’est une des cartes postales les plus célèbres du monde, quasiment comparables à la Tour Eiffel. Dès que l’on pense Sydney, on pense Opéra de Sydney. En fait, comment dire, c’est un monument qui mérite d’être vu … de loin. Sa forme caractéristique de voiles déployées est splendide, mais vu de près c’est un peu décevant. Les voiles de béton sont en fait couleur crème, posées sur un bâtiment d’une couleur marron très années 70. Et je découvre l'édifice par un temps désespérément gris, qui ne le met pas en valeur.

C’est souvent pareil pour les monuments mythiques que l’on finit enfin, un jour, par voir de nos propres yeux : on s’en était fait une certaine idée, on a vu des cartes postales plus belles les unes que les autres. Et le jour J enfin arrivé on se rend compte que la réalité est différente, que le monument n’est pas si imposant, que le décor environnant n’est pas à la hauteur … Bref on reste un peu sur sa fin, content quand même de l’avoir enfin vu. Allez je vais faire le chauvin de base, ce n’est pas le cas pour la Tour Eiffel, elle est réellement belle et on ne se lasse pas de la voir !



Je mitraille quand même l’Opéra, en attendant des jours plus ensoleillés et un meilleur angle, en fait le tour, et rentre par le centre, par l’immanquable mais peu humaine George Street. Soirée tranquille à l’hôtel, sans mettre les pieds sur l’immonde Darlinghurst Road. J’ai quand même vu une épave dévaler la rue en caleçon, affolé puis affalé au milieu de la chaussée, devant l’hôtel.

Le lendemain est sûrement la pire journée de mon voyage : je la démarre sur Internet à essayer de dégoter une location de van à prix imbattable, je la poursuis sur Internet à attendre en vain la réponse du loueur, je la prolonge sur Internet à remplir le formulaire de l’ambassade indienne pour obtenir le visa. Je renonce au wifi trop long de l’hôtel à 15 heures pour aller … au cybercafé en face ! Il y des journées pénibles comme ça pendant le voyage, où on ne fait que régler des formalités. Et comment ils faisaient les voyageurs avant qu’Internet n’existe ? Ils prenaient probablement plus de temps dans chaque endroit, marchaient des kilomètres supplémentaires pour aller d’un organisme à un autre, et avaient moins le luxe du choix.
Je n’irai prendre l’air que le soir sur la décadente Darlinghurst Road, pour boire un verre avec Rémy et Xavier et Nicolas, en observant les « cas humains », alcoolisés ou très sexués, passer devant nous.

Le lendemain matin je termine cette procédure de visa indien, prends rendez-vous avec l’ambassade … et décide qu’en fait je n’irai pas ! Je m’étais promis de ne pas m’interdire de grands changements d’itinéraire, c’était le moment de tenir ma promesse. Le casse-tête de l’itinéraire et du timing en Asie a trouvé sa solution en enlevant l’Inde et le Népal, et en ajoutant le Laos et le Cambodge, dont on me dit le plus grand bien et qui restent authentiques. Difficile décision, surtout pour l’Inde, mais j’ai tout le temps de les visiter plus tard, et je gagne l’avantage de voyager quatre mois et demi en Asie sans prendre l’avion. J’ai peut-être eu un billet tour du monde à un prix imbattable, mais les vols sont une plaie : ils obligent à être à un certain endroit à une certaine date, et enlèvent donc toute liberté dans la gestion du temps, notamment la liberté de rester un long moment dans un endroit coup-de-cœur.

Je peux donc repartir me balader dans Sydney, et pour ne pas faire dans l’originalité, je pars à nouveau vers l’Opéra et le Harbour Bridge, mais cette fois en traversant le Botanic Garden, magnifique jardin entre la ville et la baie. En ce samedi ensoleillé, il est plein de familles qui s’y allongent entre les arbres majestueux, un mariage en tout petit comité est même célébré.



En entrant dans l’Opéra, je ne résiste pas à l’envie d’acheter une place pour un spectacle le lendemain soir, j’attrape la toute dernière in extremis. Je traîne un peu sur le Circular Quay, d’où partent tous les ferries, profite du spectacle donné par un aborigène qui jour du didgeridoo comme un dieu, et monte sur le pont pour le traverser aller et retour, et profiter d’un meilleur angle de vue pour photographier l’Opéra, sur fond de verdure et de gratte-ciels.

Je rentre à l’hôtel, à nouveau par le Botanic Garden mais en l’explorant un peu plus, et tombe sur une de ses meilleures attractions : les arbres aux chauves-souris. Des dizaines, des centaines même, qui ont élu domicile sur une paire d’arbres et décollent ou s’y posent frénétiquement. Il est 19 heures, la lumière tombe, elles s’excitent et risquent la collision à tout moment. Spectacle impressionnant. Leur atterrissage vaut le spectacle : je pose les pattes sur une branche, comme n’importe quel oiseau, et hop je bascule pour passer la tête en bas. Une demie seconde chrono !



Nous sommes samedi soir, pas un soir à rester dans l’hôtel conquis par les teutons et les froggies (deux de plus dans le dortoir, nous sommes maintenant sept français sur neuf). Avec Rémy et Xavier, direction les parcs pour d’hypothétiques concerts dont on nous a parlé. En ce moment c’est le Sydney Festival 2010, entre autres festivals, et il y a des évènements culturels de toute sorte partout dans la ville. Premier essai à Hagley Park, pas de chance un grand concert gratuit vient de se terminer. On pousse vers Hyde Park et on trouve un concert de reggae gratuit sous un petit kiosque pittoresque, au milieu d’une petite garden-party ni chic ni populaire. Soirée tranquille, rien d’excitant non plus. Au retour on ne résiste pas à passer par Darlinghurst Road, un samedi soir c’est un (triste) spectacle qui ne se rate pas. Et effectivement il faut se pincer pour y croire. Côté masculin, ça gueule comme des bourrins en buvant. Côté féminin, on se demande si la pire vulgarité est vraiment chez les « payantes » ... Un spectacle grandeur nature qui fait presque rire, au second degré.

Dimanche midi Sabrina, une jeune allemande de l'hôtel, nous entraîne vers le Fish Market, avec deux de ses copines Tatjana et Annie, allemandes aussi forcément. Déjeuner au soleil, huîtres et vin blanc, la vie comme elle devrait être tous les jours … Passage pour Paddy Market, petit tour du centre dans le monorail aérien, et retour à l’hôtel. Je ne peux pas profiter des pâtes cuisinées par les trois filles, mon spectacle m’attend. Je file donc à l’opéra, toujours en traversant le Botanic Garden, c’est fou le nombre de kilomètres qu’on peut faire tous les jours dans une grande ville … Le temps de me rafraîchir en plein vent, sur la terrasse de l’Opéra, face au Harbour Bridge, je constate que tout le monde est habillé en tenue de soirée, logique pour un spectacle à l’Opéra, non ? Et moi, j’ai mis mes chaussures de rando, propres quand même, et mon plus beau tee-shirt. La panoplie du backpacker, quoi ! Il y a des jours où l’on regrette de ne pas avoir alourdi un peu son sac pour pouvoir s’habiller un peu. Pour la même raison j’avais renoncé au cours de tango à Buenos Aires, mais j’en connais qui ne s’étaient pas gênés et qui se reconnaîtront ici, bien que je ne les aie pas vus (laissez-moi un commentaire si vous vous êtes reconnus, je verrai si vous me lisez encore !)… Le spectacle est le Balé de Rua, un spectacle brésilien de danse de rue et percussions qui a fait le tour du monde. J’aurai mis les pieds dans le célèbre Opéra de Sydney mais n’aurai pas encore vu un spectacle d’opéra. A l’intérieur la salle est énorme, mais un peu stylée années 70, comme l’extérieur finalement. Le spectacle est magnifique, les danseurs de vrais athlètes, la chanteuse se déhanche comme une vraie brésilienne (j’ai dit une vraie !). J’arrive à prendre quelques photos en cachette, ne pas garder de souvenir eût été pour le moins regrettable, n’est-il pas ? A la sortie la vue sur le port est magnifique, l’Opéra et le pont sont illuminés et en imposent.



Le lundi matin, je dégote enfin une location de van quasiment donnée, je quitte donc Sydney le lendemain pour un road-trip solitaire mais court qui me fait déjà saliver. L’après-midi je prends le ferry pour Manly Beach, à l’entrée de la baie de Sydney. Petite station balnéraire plutôt mignonne, plage remplie de jeunes, surfeurs débutants qui s’essaient sur un petit rouleau … la plage à proximité d’une grande ville, on touche du doigt le lifestyle australien …



Cette après-midi tranquille sur la plage est aussi l’occasion aussi de confirmer l’impression très forte acquise en ville : les australiens font très attention à leur image, à leur corps. Les joggeurs au torse nu dévoilant les plaquettes de chocolat, accompagnés de leur copine elle aussi physiquement irréprochable (et habillée sexy quand elle ne court pas), sont légion. J’ai rarement aussi peu constaté les ravages de la société occidentale qu’à Sydney, les surcharges pondérales ne courent pas les rues. Et les MacDo et autres fast-food ne sont d’ailleurs pas très nombreux, on verra bien si c’est pareil ailleurs. La veille Tatjana m’affirmait que ce culte du corps poussait à l’obsession. OK mais il faut reconnaître que ça donne de sacrés résultats !

A part ça, que dire des australiens après quelques jours passés à Sydney ? Qu’ils sont plutôt sympas et cool, un peu comme en Nouvelle-Zélande. Et que leur accent est parfois un peu difficile à comprendre, un mélange d’américain nasillard et de hippie qui aurait forcé sur son plaisir quotidien …

Je rentre par le ferry et pour la énième fois par le Botanic Garden, pour le plaisir de voir les chauves-souris, qui dorment encore, et les magnifiques perroquets blancs à la houpette verte. Soirée tranquille à l’hôtel, nuit chaude et moite au bruit du ventilateur comme d’hab’. Et le matin je prends le métro (il était temps de le découvrir tiens !) pour aller chercher mon van presque gratuit et sillonner les routes australiennes vers l’ouest. Yesssssss !
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mardi 12 janvier 2010

Last days in NZ, very cool days

Nous quittons Lake Tekapo et son décor magique, et roulons vers Christchurch pour rendre le van, après une longue séance nettoyage et remise à niveaux dans une station service. Christchurch est la principale ville de South Island, c’est une petite Angleterre en NZ : beaucoup de verdure, architecture victorienne, calme et paix sous ce soleil d’été.

Une fois le van rendu, nous nous installons dans le YHA dans un des plus beaux quartiers, devant le Botanic Garden et le Arts Centre. YHA est cette chaîne de backpackers hostels complètement commerciale, soi-disant hospitalière mais surtout lucrative, qui m’avait sérieusement énervé à Auckland. Mais dans deux jours c’est le réveillon du Nouvel An, tout est plein ou presque, et Gabriela doit nous y rejoindre. Pour passer le Nouvel An, c’est quand même mieux de se retrouver entre amis de voyage.

Le temps de s’installer dans le grand dortoir et de faire une lessive d’urgence, je fais un petit tour en ville : très calme, sûrement parce que c’est les vacances d’été, plutôt agréable mais sans intérêt évident, extrêmement propre comme toutes les villes en NZ. Soirée tranquille et un peu anonyme à l’hôtel, on rencontre de tout comme dans un YMCA : jeunes et vieux voyageurs, familles … Comme je l’avais déjà remarqué en Amérique du Sud, l’attitude des gens à la réception d’un hôtel pour backpackers influe directement sur le comportement des voyageurs qui y passent : s’ils sont hospitaliers, sincèrement gentils, avec une démarche pas trop commerciale, les voyageurs se parleront facilement entre eux ; à l’inverse les voyageurs resteront chacun dans leur bulle. A quelques exceptions près bien sûr. Ici personne ne se parle ou presque, et on croise même quelques cas spéciaux ... voire sociaux.

Le lendemain Gabriela arrive à son tour, je ne compte plus le nombre de fois que nous nous sommes retrouvés, par hasard ou non, ça devient une habitude. C’est l’occasion de se cuisiner un bon gros dîner, comme si on était à la maison. Paul, un britannique du genre voyageur philosophe ultra-zen et pas matérialiste pour un sou, nous accompagne et c’est l’occasion d’une soirée tranquille et dense en conversations, hors du mouvement perpétuel du voyage. Tranquille si j’oublie la compagnie tardive d’un jeune allemand sympa mais mentalement un peu agité, qui s’est fait refouler par sa famille d’accueil et n’a apparemment pas compris pourquoi …

Le dernier jour de cette année, qui restera pour moi un gros virage, est encore assez tranquille, entre cybercafé pour mettre à jour le blog et les photos, énième balade en ville pour découvrir un coin sympa insoupçonné. En début de soirée, par miracle, l’hôtel se vide et nous avons l’immense cuisine quasiment pour nous trois, pour nous faire plaisir en cuisinant comme à la maison, avant de sortir pour fêter le nouvel an. Nous rejoignons Cathedral Square, la place principale censée être très animée. Effectivement elle est remplie de monde, grâce au concert qui y est donné. Concert de simili-rock familial et ultra-mou (encore un peu moins d’énergie et c’était la léthargie), un enthousiasme contenu lorsque sonne minuit (nous sommes les seuls à déboucher une bouteille, ayant échappés au contrôle des sacs). Histoire de fêter ça un peu plus, nous poussons jusqu’à une ruelle pleine de bars, mais tout ferme à 2 heures. Nuit du Nouvel-An très calme donc … mais cette nuit-là a-t-elle vraiment une importance ?



Christchurch est donc une ville agréable mais peu excitante, et pourtant nous sommes obligés d’y rester quatre nuits, c’est la contrainte posée par tous les hôtels. Il faut donc occuper le 1er janvier comme on peut, entre longues stations assises à l’arrêt de tramway en face de l’hôtel (quand je trouve un wifi gratuit, je suis prêt à m’installer n’importe où), et balade dans le superbe Botanic Garden, sous un soleil écrasant. Dernière soirée tranquille à l’hôtel, petite bouffe avec Gabriela et Iñigo, demain chacun reprend la route de son côté. Gabriela part voir les baleines à Kaikoura, qui sera une étape prochaine pour moi, et Iñigo vole vers Auckland puis vers Fiji. Il est possible que je les recroise en Asie …



J’ai dix jours à occuper avant de partir en Australie, je vais graviter autour de Christchurch et me reposer, retrouver un rythme de voyage plus lent. Le 2 janvier au matin, après avoir été réveillé par les nombreux voyageurs indélicats du dortoir, je vais attraper mon bus pour Akaroa, au cœur de Banks Peninsula, à une heure de Christchurch. Akaroa est réputée pour être un village français. C’est là qu’a abordé au 19ème siècle un équipage mené par l’explorateur d’Urville. Trop tard, les anglais étaient arrivés juste avant et avaient planté leur drapeau sur la Nouvelle-Zélande. Pour un peu elle aurait pu être française … mais ces explorateurs sont quand même restés là pour faire leur vie.

La route est magnifique, les montagnes se soulèvent doucement puis franchement, toutes en formes ondulantes. Nous passons le long d’un lac, franchissons un col, et découvrons l’intérieur de Banks Peninsula, une splendide cuvette bordée de ces mêmes montagnes vertes et douces. Même depuis ce col il est difficile de bien cerner la forme de toute la péninsule, j’ai vu une photo aérienne il y a quelques jours, c’est d’une beauté rarement vue.



Nous descendons dans la baie et arrivons à Akaroa. Le caractère français du village est évident : les noms de rues fleurent bon le vieux français, plusieurs commerces arborent le drapeau tricolore, les hôtels et lodges sont dans le même ton. Mais je découvrirai vite que pour le reste, Akaroa n’a plus rien de français. Je choisis un charmant petit hôtel pour backpackers appelé Chez la Mer. Il est tenu par des américains qui ont refait leur vie ici (la NZ est pleine d’occidentaux qui ont fait ce choix), ils sont aussi francophones que je suis danseuse-étoile. Je sens vite que je vais me sentir bien ici, dans cette petite maison qui fleure bon les vacances, avec son petit salon cozy squatté par quelques jeunes voyageurs qui se sont enracinés ici et glandouillent paisiblement.

Avant de glandouiller moi aussi, je file sur la jetée principale pour une activité que j’attendais depuis un moment : nager avec les dauphins. La baie en regorge, mais avec une exclusivité : ce sont les dauphins Hector, les plus petits au monde (1,5 m maximum), et on ne les trouve qu’ici, même pas ailleurs en NZ. Equipés de nos combinaisons intégrales très seyantes, nous sautons dans le bateau et partons à la recherche d’ailerons qui dépassent … ils apparaissent vite. Tous à l’eau, ça gèle ! Et nous attendons qu’ils veuillent bien s’intéresser à nous et s’approcher. Pour cela il faut se montrer dignes d’attention, nous chantons comme des débiles des airs improbables dans notre tuba plongé dans l’eau. Le pilote du bateau découvre que je frappe des petits cailloux pour les attirer, ça l’énerve un peu de voir que je connais le truc parce qu’il comptait n’en donner qu’à une seule personne. C’est Iñigo, qui m’a précédé d’un jour, qui m’a donné le conseil, et je ne vais pas me priver puisque ça marche à la perfection !



Lorsqu’un groupe de dauphins arrive enfin dans notre zone, ils ont une sérieuse tendance à venir tourner autour de moi. Nous n’avons pas le droit de les toucher, leur peau est très sensible, mais je frappe mes cailloux frénétiquement sous l’eau, jusqu’à la crampe, et un ou deux tournent à toute vitesse à un mètre de moi. L’eau est très sombre et ils vont vite, c’est difficile de distinguer parfaitement leur forme, mais ce moment est magique. Nous restons 45 minutes dans l’eau froide, chantant toujours comme des débiles dans notre tuba, mais ils ne viennent plus. Nous remontons dans le bateau, transis de froid mais contents d’avoir vécu cette expérience. Je passe la soirée à l’hôtel, tranquille peinard dans le petit salon cozy.

L’inconvénient de ces petits hôtels charmants et qui ont tout pour plaire, c’est qu’on y glandouille beaucoup. Je parle d'inconvénient mais c’est de ça que j’ai envie en ce moment, alors … Le lendemain je me bouge quand même un peu, j’emprunte un des vélos pour monter sur la Summit Road, route qui sillonne sur le sommet et permet d’avoir une vue magnifique des deux côtés, à l’intérieur de la péninsule et côté Pacifique. J’ai sur-estimé la qualité du vélo et sous-estimé la pente, je sue tout ce que je peux et abandonne à la moitié, avec quand même une petite vue sur Akaroa. Je redescends en à peine dix minutes ce que j’ai monté en deux heures, je fais un détour par le cimetière français, où reposent tous les explorateurs qui se sont installés ici, et m’installe devant une jetée pour bouquiner. Six mois que je suis parti et c’est seulement le deuxième livre que je lis, petit en plus ! Manque de temps, toujours quelque chose à faire (blog, gestion des photos, recherche d’infos …), voilà comment je me prive tristement de cette source de rêve complémentaire au voyage !

Le soir le coucher de soleil nous offre un feu d’artifice de couleurs, c’est l’occasion d’une belle séance de photos sur la jetée, à côté d’une famille qui s’offre des plongeons nocturnes dans l’eau froide.



Le lendemain est une journée courte, je dois prendre le bus l’après-midi pour rentrer à Christchurch-l’ennuyeuse. Je serais bien resté plus longtemps dans ce petit paradis, mais je ne savais pas à quel point il serait bon d’y rester, et j'ai tout réservé pour les nuits suivantes. Mon budget explose déjà assez en NZ, je vais éviter de payer des nuits d’hôtel non utilisées … J’ai quand même quelques heures devant moi, et puisque le vélo était un échec la veille, je pars à pied vers le sommet, par un chemin un peu raide mais splendide, très vert et avec une vue permanente sur la baie pour peu qu’on se retourne.



J’arrive vite au sommet, et la vue de l’autre côté est encore plus belle. Exceptées une ou deux fermes, le paysage est vierge, le vallon descend vers l’Océan Pacifique très paisible aujourd’hui. Je n’ai pas le temps de faire la boucle sur la crête, je redescends par le même chemin mais trouve un beau détour par la Tree Crop Farm, petite ferme touristique cachée au creux d’un vallon boisé. Le chemin m’offre une alternance de paysages en à peine une heure de descente, je ne croise presque personne. Retour forcé à l’hôtel pour prendre mon sac rapide et une douche sur l’épaule, ou l’inverse, et je file à l’arrêt de bus.

Deux jours utilitaires à Christchurch, entre wifi à l’arrêt de tramway, recherche d’une couturière pour retouche urgente, envoi d’un colis en France pour m’alléger de fringues trop chaudes et encombrantes, farniente dans la verdue du Botanic Garden, et soirées anonymes dans le YHA toujours aussi impersonnel.

Mon étape suivante s’annonce aussi délicieuse qu’Akaroa. C’est Kaikoura, à 2 heures 30 au nord de Christchurch. C’est aussi une péninsule, mais sa forme est absolument l’inverse d’Akaroa, c’est une majestueuse avancée dans la mer, et c’est aussi une superbe réserve de vie sauvage : baleines, dauphins, albatros, phoques à fourrure. J’ai retenu la leçon d’Akaroa, j’ai réservé quatre nuits dans un petit hôtel qui promet.

Après avoir croisé une pervenche au chapeau de cowboy, et des musiciens péruviens qui reprennent Abba à la flûte de paon (les mêmes qu’à Paris mais avec du matériel Bose en plein air !!), je monte donc dans le bus pour 2h30 de route dans de beaux paysages, collines aux courbes ondulantes, couvertes d’herbe jaune et de pins verts. Et je débarque dans un petit patelin tranquille, avec seulement une rue commerçante mais des quartiers résidentiels très étalés et paisibles, en bordure de l’océan ou en haut de la falaise. Kaikoura est blottie entre la falaise et l’océan sur la partie nord de la péninsule. Dix petites minutes de marche et j’arrive à l’hôtel, qui tient toutes ses promesses : c’est l’ancien bureau de poste, transformé avec beaucoup de goût en un hôtel pour backpackers. Il est tenu par un jeune couple de Manchester qui a bourlingué et connaît donc bien les besoins des backpackers, on dirait une grande maison familiale de vacances, et effectivement plusieurs voyageurs se paient du bon temps dans les canapés ou sur les coussins dans le coin. Une ambiance comme je n’en avais pas retrouvé depuis longtemps.



Après une première bonne nuit dans l’annexe de l’ancienne Poste, un choix difficile se présente à moi :
- voir les baleines en bateau ;
- voir les baleines en avion ;
- nager avec les dauphins (pas les mêmes qu’à Akaroa, et l’eau est plus claire) ;
- nager avec les phoques ;
- faire du kayak au milieu des phoques ;
- piloter un avion (véridique !) ;
- sauter d'un avion ;
- et d’autres possibilités …

La vie est dure, pleine de choix impossibles. Là c’est surtout le budget qui m’oblige à choisir, il explose depuis que je suis en NZ. Après moults conseils de Mark et Ruth, j’opte pour la nage avec les phoques. Une fois équipés de combinaisons intégrales peu flatteuses pour les formes (on voit encore les steaks énormes que j’ai mangés en Argentine), nous montons dans le zodiac vers le bout de la péninsule, une zone rocheuse où les phoques sont nombreux à se prélasser au soleil. Tout le monde à l’eau froide, avec masques et tubas, et nous furetons sous l’eau à la recherche des phoques. Le guide est aussi à l’eau, assis sur une planche, il nous indique les queues qui dépassent. On se retrouve vite à quelques mètres d’un phoque qui batifole sous l’eau, pour chasser ou jouer. On nous avait dit qu’ils étaient assez curieux, pas tellement en fait. Ils n’hésitent pas à nager près de nous, chasser un peu même, mais se contentent de nous regarder coin de l’œil. Yeux énormes et impressionnants par ailleurs. On nous a recommandé de ne pas les toucher, sous risque de se faire mordre. Je vois les dents de l’un en train de chasser … je vais me tenir à la recommandation.



Les phoques sont difficiles à suivre, ils virevoltent dans tous les sens à une vitesse impressionnante, le spectacle est magique. L’un d’eux est joueur, il me fonce dessus et m’évite de justesse, en me frôlant. Je me retourne pour le suivre des yeux mais il a déjà disparu. Quand nous n’en voyons plus sous l’eau, nous sortons régulièrement la tête à la surface comme des périscopes, cherchant les queues noires qui tournoient lascivement. Je me place à un endroit stratégique, au passage obligé des phoques qui quittent les rochers pour nager. Sous l’eau les vagues nous malmènent, les rochers coupants entament la combinaison déjà usée. Soudain je vois quatre phoques devant moi, tous à la verticale la tête en bas comme des nageuses synchronisées, scrutant les fonds à la recherche de nourriture comme des tours de contrôle, me surveillant quand même du coin de l’œil, au cas où je serais un peu trop téméraire. Au bout d’une heure il faut sortir de l’eau, et rentrer au petit port de plaisance de South Bay, dans une mer assez agitée. C'est un souvenir É-NOOOR-ME.

Je termine la journée tranquillement entre la plage et le salon de l’hôtel, et la soirée au pub avec Mark, Ruth, Debbie et Andy, entre autres. Un jour que je suis là et je me sens déjà chez moi. Au retour vers l’hôtel nous nous arrêtons pour observer le ciel, il est impressionnant alors que nous sommes au niveau de la mer. On peut voir la Voie Lactée à la perfection, et la lune orange sort de l’océan. Un lever de lune presque plus beau qu'un lever de soleil …

Le lendemain je suis décidé à retenter le grand saut dans les airs, mon deuxième saut en chute libre après mon baptême à Cordoba en Argentine. Le ciel est bleu immaculé, mais le vent souffle fort, c’est impossible. En lot de consolation je pars faire le tour de la péninsule à pied, en principe trois heures de marche mais cinq dans mon cas, tant le panorama est superbe, l’endroit unique. Je commence le long de la plage, longeant les lieux historiques où se sont installés les premiers pionniers. J’arrive à la colonie de phoques, moins nombreuse que celle où j’ai nagée, mais celle-là réside sur une petite plage de galets, on peut donc les approcher à quelques mètres pendant qu’ils se prélassent au soleil. Mais ne surtout pas approcher, sur terre ils se sentent beaucoup plus vulnérables parce que très lents, donc ils mordent facilement. Je monte sur la falaise pour poursuivre la marche, face à l’océan blanchi par la houle. Le vent souffle très fort, j’arrive à peine à prendre une photo stable. La vue sur les criques en contrebas, et sur l’intérieur de la péninsule de l’autre côté, est juste magique.



C’était une île il y a quelques millions d’années, mais c’est devenu une péninsule avec les différents dépôts de sédiments. On peut distinguer ces différents dépôts, qui forment des plateaux de différentes hauteurs. Le tout varie entre le vert et le jaune de l’herbe, les pins parsemés, dans des pentes douces et ondulantes. En voyant une photo aérienne, j’avais cru qu’il y avait un golf au milieu. Mais non la nature est bien préservée en NZ, et elle affiche souvent des formes toutes en douceur.

Tout en mitraillant, j’arrive à South Bay, sur l’autre face de la péninsule. Là-aussi les contrastes verts et jaunes viennent relever les teintes de l’océan, qui oscille entre le bleu nuit et le bleu vert. Et après un petit chemin bucolique qui traverse d’une baie à l’autre, je reviens à Kaikoura et m’offre quelques heures de « hang around » (traductible ici par glandouille) à l’hôtel, bercé par les playlists subtilement composées par Mark, qui décidément sait y faire pour mener un hôtel backpackers.

Je rencontre un jeune français qui se fait un tour du monde express, et voyage seul en voiture en NZ. Et aussi Theresa, une jeune allemande bien sympathique qui travaille à Wellington, et insiste pour qu’on entame et finisse sa bouteille de Chardonnay. Je ne dis pas non mais je la préviens qu’elle va le payer de mes ronflements puisqu’elle est dans le même dortoir ! Dortoir qui se vide tous les matins et se remplit à nouveau toutes les après-midis, les voyageurs sont tous de passage, je suis le seul à m’incruster. Le pinard aidant, les discussions passent d’un sujet à l’autre. Theresa est un peu lassée de croiser autant d’allemands, c’est vrai que leur nombre est impressionnant. La moitié d’anglo-saxons surtout british, un tiers d’allemands, et le reste varié, c’est à peu près la composition des voyageurs en NZ.

J’avais déjà remarqué à Paihia, dans la Bay of Islands dans le nord de North Island, que les voyageurs en NZ sont assez différents de ceux que j’ai rencontrés en Amérique du Sud. Pas seulement par la proportion de chaque nationalité représentée, mais par leur profil : âge, façon de voyager, comportement social. Ici aussi les voyageurs sont essentiellement européens, mais ce ne sont pas les mêmes. Beaucoup d’anglo-saxons, c’est logique, mais surtout beaucoup plus jeunes, qui cherchent à travailler grâce au visa Working Holidays. Et qui recherchent un « easy travelling », coupant très peu avec leur mode de vie habituel, cherchant surtout des paysages et des activités divertissantes, mais peu de découverte culturelle. En Amérique du Sud, j’avais été frappé de voir que la majorité des américains que je rencontrais ne collaient pas avec les clichés habituels, ils étaient beaucoup plus ouverts au monde extérieur et, détail anecdotique mais significatif, le problème d’obésité rampante aux US était très peu visible chez eux. Etaient-ils issus d’une minorité bien au-dessus de l’américain moyen, en quête de découverte culturelle dans des pays pauvres mais dotés d’une âme profonde ?

Pour corroborer ma thèse, à Paihia j’avais justement remarqué un détail frappant : 9 filles sur 10 (toutes jeunes) avaient une silhouette plus que ronde, quelque soit le pays occidental dont elles venaient (bizarrement les garçons non, je n‘ai pas l’explication et c’est un autre sujet). Le lien entre le mode de vie d’un occidental et ses choix de voyage m’a soudain paru plus évident. Ceux qui choisissent l’Amérique du Sud (exemple parmi d’autres), malgré sa précarité généralisée, son confort aléatoire, ses arnaques, la question omniprésente de la sécurité, sont à la recherche d’une immersion culturelle profonde et pas seulement de belles plages. Loin de moi l’idée de dénigrer ceux qui choisissent les pays « faciles » comme la NZ, on ne peut pas généraliser, et les paramètres qui dirigent le choix d’une destination sont multiples, en premier lieu la magie d’une terre lointaine. Et on aurait tort de se priver de visiter des pays grandioses comme la NZ, l’Australie, les Etats-Unis, le Canada, les pays de l’Europe de l’ouest, sous prétexte qu’ils sont riches et que leur âme s’est en partie dissoute dans le capitalisme et la vie "moderne".

Mais pour moi c’est cet « easy travelling » en NZ qui manque de sel, et m’empêche d’être vraiment charmé, malgré toutes les belles choses que j’ai vues. Dans un voyage de cette longueur, collectionner les paysages et les belles photos ne saurait suffire. Theresa a aussi entendu des voyageurs se plaindre des allemands en NZ, supposés pas sympas. Je suis un peu étonné, tous ceux que j’ai rencontrés depuis six mois sont plutôt cools. Mais en y repensant, parmi ceux croisés en NZ, il y en avait de très jeunes, pas encore « décrottés ». Et à leur âge, on comprend l’envie d’aller dans des pays sûrs (ils n'ont rien compris, quand on a peu de thunes c’est en Amérique du Sud ou en Asie qu’il faut aller !). Pour ma part je trouve les rencontres légèrement moins faciles ici qu’en Amérique du Sud, de nombreux voyageurs ne sont pas très ouverts, ou sont entre amis et ne « calculent » personne. c'est un petit détail qui vient étayer ma thèse sur le profil des voyageurs d’un continent à un autre …

C’est bon, je t’ai bien endormi et soûlé avec ma thèse du voyageur qu’est-pas-le-même-selon-le-pays-où-on-le-voit-alors-qu’il-vient-du-même-pays ? Alors je peux reprendre le récit de la soirée … ben non elle est terminée ! Le temps de raconter tout ça, on a fini la bouteille de Chardonnay, et même le tiers de bouteille que nous a donné un couple. Donc on va se coucher, et je vais me concentrer très fort pour ne pas ronfler après tout ce que j’ai bu.

Pas de hang over le lendemain, ça devait être du bon vin. Et apparemment je n’ai pas ronflé, l’honneur est sauf. Malheureusement Theresa est de transit, comme tous les autres voyageurs. Elle repart déjà sur North Island. Dans cet hôtel ne s’incrustent que les trois anglais et écossais qui font le ménage pour avoir un lit gratuit. Mais tous très sympas, en plus de Mark et Ruth. Des têtes qu’on revoit tous les jours, dans un hôtel qui invite à la paresse, voilà les ingrédients qui permettent de se sentir chez soi.

La bonne nouvelle du matin, c’est que le temps est parfait, ciel bleu et pas trop de vent. La première idée qui me vient, c’est donc de faire ce fameux skydive, me dropper d’un avion, pour une chute libre beaucoup plus longue qu’en Argentine et au-dessus d’un décor de fou. Un jeune hollandais rasta vient me chercher et me conduit à l’aérodrome, où je fais la connaissance de Henk, autre hollandais qui assure les sauts. Toute la journée il enchaîne les sauts en tandem avec les clients, et garde la même énergie sincère, le même grain de folie qui fait qu’on se marre bien avant de sauter. Aujourd’hui je saute de 13000 pieds (plus de 4000 mètres), contre 9000 en Argentine. cinquante secondes de chute libre contre à peine trente, ça s’annonce très fort. Quelques instructions, petite interview pour la vidéo, et c’est parti dans le tout petit monoplace pour au moins vingt minutes de vol en cercle. C’est la première récompense pour le prix chèrement payé, le décor est magique en-dessous : la pénisule qui s’avance dans l’océan, le patchwork de champs verts et jaunes, et les montagnes tout autour, dont l’une porte encore la trace de la neige tombée la veille.

Petite interview en vol, pour vérifier que je suis toujours confiant, et le frisson peut commencer : la porte s’ouvre, créant un bruit et un vent impressionnant dans l’habitacle. Je pose les pieds sur la marche à l’extérieur, et à peine le temps de dire ouf que c’est le grand plongeon. Comme la première fois, je ne comprends rien pendant les premières secondes, on tourne dans tous les sens, la violence du saut prend à froid. Puis on se stabilise et je peux apprécier les longues secondes de chute libre et admirer la sol qui se rapproche à grande vitesse. Je suis littéralement gelé, et j’ai presque du mal à respirer, mais la sensation d’extrême est grandiose.



C’est toujours trop court, les cinquante secondes passent comme vingt, Henk déclenche le parachute pour terminer par un beau vol, au bord de l’océan. Il me laisse même diriger le parachute et on atterrit rapidement sur l’aérodrome. Que c’était court et cher, mais que c’était bon. Je prends le virus, l’idée de suivre un stage pour sauter seul commence à germer …



Une clermontoise vient d’arriver à l’hôtel et fait son baptême juste après moi, je rencontre bien peu de français en NZ mais cette fois c’est moi qui quitte l’hôtel, enfin le lendemain. Ce qui lui laisse le temps de me donner quelques conseils sur l’Australie. Le soir c’est concert de reggae dans un pub en ville, j’y vais avec Mark, Ruth, Debbie, Andy et quelques têtes que je connais vaguement (toujours cette impression d’être chez soi, après 3 jours). Le groupe Mad Faces est juste awesome, tout le monde est déchaîné dans le bar, ça me rappelle un concert magique à Bariloche en Argentine, au bord du lac. Paradoxalement, le mieux dans un long voyage, ce sont justement les petits instants de vie et non de voyage, le plaisir de s’installer dans un endroit et d’y VIVRE. Quelques jours suffisent, mais je n’ai pas encore trouvé le temps de rester plus de dix jours sans trop bouger, juste en appréciant paresseusement l’endroit. Retour du concert, discussions de tout et de rien autour du frigo avec Debbie et Andy, et direction le pieu. Comme chaque soir en me couchant, je découvre les nouvelles têtes sur les oreillers, arrivées dans l’après-midi et qui feront leur sac de bonne heure, pendant que je prendrai du rab’ sous les draps. J’aurai juste l’occasion de dire good morning et ils disparaîtront déjà. Ce fameux mouvement perpétuel de check-in et check-out qui rythme le voyage …

Le lendemain, avant de prendre le bus qui me ramène à Christchurch (où j’ai déjà malheureusement tout réservé), j’ai le temps de retourner sur la falaise, pour quelques magnifiques photos de la péninsule en traversant un petit quartier résidentiel qui a des allures de paradis. La NZ est pleine d’endroits calmes avec une vue magnifique, où l’on pourrait s’installer quelque temps et ne rien faire.



Après le visionnage du saut de Debbie et du mien (ben oui, malgré le prix on n’a pas résisté à acheter le DVD), j’apprends que Mark et Ruth terminent une année de gestion de cet hôtel et rentrent en Angleterre, en fait ils ne sont pas propriétaires et ont juste tenté l’expérience un an. Cela donne des idées mais les opportunités sont rares. Je quitte ce petit monde qui m’a permis de me regonfler à bloc et je prends le bus pour Christchurch, dans une ambiance de dimanche soir orageux.

Je m’installe cette fois-ci dans un hôtel backpackers plus coquet mais excentré et à la moyenne d’âge plutôt plombée, pour profiter du wifi gratuit ! Un miracle de trouver ça en NZ, je ne pensais pas que ça existait. Un jour pluvieux et utilitaire à Christchurch, avec quand même la visite de la serre tropicale du Botanic Garden (décidément mon endroit préféré à Christchurch), de l’Arts Centre et de la Christchurch Arts Gallery, et une nuit forcée dans le YHA toujours impersonnel, où je commence à avoir mes habitudes.

Pour terminer en beauté je loue une voiture le dernier jour, et je repars à Akaroa pour sillonner la fameuse Summit Road et me balader en toute liberté dans les baies. Sept heures de conduite solitaires et de pur plaisir, m'arrêtant tous les cent mètres pour prendre une photo. La route domine toute la péninsule Banks, la vue est juste incroyable. Je descends de l'autre côté, côté Pacifique, dans Pigeons Bay. Je m'aventure dans des petits chemins qui mènent à des fermes isolés au décor fantastique, je remonte et redescends dans la baie suivante, remonte sur Summit Road, redescends dans Le Bons Bay, tourne dans tous les sens, m'arrête tout le temps sur des routes sinuueuses. Et je redescends vers Akaroa, pour jeter un dernier coup d'oeil à ce petit paradis où j'avais passé deux jours. Je rentre à Chrischurch en faisant un détour par Governor's Bay et Lyttelton, toujours dans ce décor de montagnes jaunies et plantées de pins. J'ai mis du temps à apprécier la Nouvelle-Zélande (bien que je n'ai pas trouvé le moindre endroit qui ne soit pas beau), mais je pars sur une excellente note, avec l'envie de revenir pour mieux la visiter et la cerner.

Retour à l'hôtel pour une nuit longue en wifi et courte en sommeil. C’est l’occasion de tout mettre à jour et de préparer mon arrivée dans le pays voisin, un autre riche pays anglo-saxon du bout du monde, immense celui-là. Allez, on se fait un petit vol vers l'ouest et on se retrouve chez les kangourous !
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mardi 5 janvier 2010

De la gasoline et de l’adrénaline … still in NZ

Nous arrivons à Wanaka en pleine nuit, il faut trouver une place pour se garer, au bord du lac si possible et près de toilettes publiques. Tout est interdit, tant pis on risque le coup, il est déjà minuit et nous sommes crevés. A 6h30, boum boum boum sur la tôle. Oups, je crois savoir ce que c’est. Je prends ma voix la plus enrouée et mon air le plus malheureux et ouvre la porte, un monsieur pas très souriant me dit qu’il est du Security Council (tant que ça ? ça a l’air sérieux !) et qu’on n’a pas le droit de camper ici.
« Oui monsieur on sait, mais il était minuit quand nous nous sommes arrêtés, nous étions trop fatigués pour continuer à conduire … (en anglais en vrai)
- No camping here, you have to move noooow !
- OK, on move naô.”
Bon au moins il ne nous met pas d’amende, et on bouge à exactement 200 mètres, dans une rue sans panneaux d’interdiction. On joue peut-être aux cons mais là c’est pas marqué que c’est interdit, ben alors !

Wanaka est une petite ville tranquille au bord d’un lac magnifique entouré de montagnes, et on peut voir au loin le Mount Aspiring, enneigé. Nous n’avons pas le temps de nous attarder (c’est triste à dire sur un voyage aussi long mais c’est vrai), et profitons seulement de deux points de vue principaux sur le lac.




Direction l'un des sites les plus réputés de la NZ, le Milford Sound. Après quelques heures sur une route magnifique, et un passage par Queenstown où nous reviendrons bientôt, nous arrivons à Te Anau sous la pluie où nous faisons le bonheur d’un auto-stoppeur israélien qui n’en revient pas d’être pris à 17h. Nous entamons les deux dernières heures sur une route réputée majestueuse, hors de toute civilisation. Effectivement la beauté va crescendo, dans une large vallée cernée par les montagnes, alignant les lacs et les champs de plantes violettes et roses. Nous nous arrêtons tous les cinq kilomètres pour prendre une photo. Un tunnel long, sombre et descendant dans les profondeurs de la montagne, débouche finalement sur un panorama incroyable, une sorte de cirque en forte descente, formé par des montagnes rocheuses où dégouline l’eau de toutes parts, en petites et grosses cascades. La pluie qui tombe toujours, et les nuages qui obstruent partiellement le ciel, ajoutent au prestige du lieu.



Nous descendons dans cette ambiance mystérieuse et arrivons à Milford Sound, qui compte un bar-restaurant, un ou deux hôtels, et un port de tourisme. L’atmosphère est incroyablement humide, la pluie n’arrête pas de tomber. Il paraît qu’il en tombe sept mètres par an. Il faut juste espérer qu’elle s’interrompe pour le lendemain, puisque nous voulons faire la croisière sur le Milford Sound, un fjord très réputé. Nous passons la nuit sur un parking interdit, encore une fois, espérant ne pas être réveillés brutalement. Réveil au petit matin, pas de mauvaise surprise mais la pluie n’a pas arrêté une seule seconde de toute la nuit, légère mais parfaitement régulière. Le fjord est encombré d’une brume épaisse, nous sommes un peu dégoûtés. Tant pis, nous prenons quand même la première croisière pour profiter du meilleur prix, et sur un bateau pas trop grand.

Le bateau démarre, la brume se lève légèrement pour nous laisser deviner la grandeur et la magie des lieux, sans la dévoiler totalement. Les montagnes qui forment le fjord tombent à pic, sont soit rocheuses soit parfaitement vertes. L’eau dégringole de partout, en cascades énormes et petits filets d’eau, la brume persistante s’étale en longues bandes. Le bateau s’amuse à venir stationner exactement en-dessous de grosses cascades. Toutes nos photos se parent d’une ambiance mystérieuse, mais ça va un moment, on aimerait voir le fjord parfaitement ! Nous sortons du fjord et faisons un tour rapide dans l’embouchure vers la mer de Tasmanie, et repartons vers le port, en observant au passage les phoques sur l’unique rocher qui leur est accessible.



Vu le temps, pas d’intérêt à rester ici plus longtemps, nous reprenons la route vers Queenstown, avec de nombreuses pauses photo sur la route vers Te Anau, et une pause déjeuner au bord du lac extrêmement calme de Te Anau. Nous arrivons à Queenstown en fin d’après-midi, le 24 décembre. Le contraste est net avec le reste de South Island : la ville est bondée, riche, pleine de magasins et d’agences de tourisme, mais pas désagréable malgré cette sur-activité touristique. Queenstown est au bord d’un grand et beau lac bordé de montagnes, mais au lieu de baser son « message » touristique sur la nature environnante, elle mise tout sur l’adrénaline. C’est la capitale néo-zélandaise sinon mondiale des sensations fortes : skydive, bungee jump (saut à l’élastique), jetboat … Partout on ne voit que des affiches vantant ces activités très chères, on peut les réserver absolument partout (parfois même dans un commerce, hôtel ou cybercafé, qui jouxte l’entreprise concernée ; on s’étonne après que tout soit très cher, avec toutes les commissions qui se perdent).

Il faut chercher une place autorisée pour dormir, dans une ville aussi active ce n’est pas gagné, les amendes tombent sûrement facilement. Nous trouvons miraculeusement devant un terrain de rugby à deux pas du centre. Ce mini-parking sans panneaux d’interdiction est squatté par des campervans et des voitures louées par des jeunes en vadrouille et prêts à dormir n’importe où. Nous nous offrons un bon resto pour fêter Noël un petit peu, et tâtons de l’ambiance hystérique des bars remplis de jeunes occidentaux assoiffés, mais ils ferment tous à minuit.



Réveil sans surprise au bord du terrain de rugby, les voitures autour sont remplies de jeunes voyageurs qui dorment dans des positions improbables. Je vois même une jeune fille dormir dans son sac de couchage, cachée dans l’arbuste derrière le van. Heureusement je l’ai vue in extremis avant de me soulager …

Après un débarbouillage sanitaire dans les toilettes publiques du port de plaisance, je me laisse embarquer pour une activité ultra-touristique : un tour en jet-boat. Apparemment c’est une invention néo-zélandaise, un bateau à moteur particulièrement rapide, qui passe partout et donne des sensations fortes. Pendant une heure nous parcourons le lac et remontons deux rivières, à coup de rotations à 360°, frôlement de tous les obstacles (dont les piliers de pont, à quelques centimètres et à pleine vitesse … hallucinant et effrayant), naviguons dans des eaux profondes de dix centimètres, passons sous les arbres. Grosses sensations pour un réveil brumeux, je sors trempé du bateau, sous les rires de ma joviale voisine kiwi, qui m’a beaucoup parlé pendant le tour sans que je comprenne tout (l’accent néo-zélandais est parfois bien particulier, bien que proche du britannique). Pour le coup j’ai fait mon touriste, mais bon c’est Noël et presque tout est fermé. Presque tout, car la ville grouille de backpackers orphelins pour Noël.

Alors que revoilà … Gabriela. Je la retrouve pour la cinquième fois, cette fois-ci pas par hasard, nous avions prévu de converger à Queenstown pour Noël. Elle est accompagnée de Vani, une jeune indo-britannique très sympa, et nous lézardons pendant presque trois heures dans un resto thaï, à passer d’un sujet à un autre, surtout de voyage, de rythme et de façon de voyager, des moments de lassitude et de doute, de contact ou de l’absence de contact avec son entourage … Cela faisait longtemps que je n’avais pris mon temps à ne rien faire sinon discuter, que c’est bon de se poser un peu !



Histoire de rester dans l’inactivité volontaire et salutaire, je me contente d’une marche le long du lac, longeant d’abord les groupes de backpackers-orphelins-de-Noël qui barbecutent et picolent sur les pelouses, et je pousse jusqu’à une petite crique d’où émergent quatre plongeurs. Le soir je retrouve Gabriela et Iñigo pour un resto indien qui arrache, une petite glace chez Patagonia (histoire de se croire encore un peu en Argentine), et une fin de soirée dans un bar à saké, le seul ouvert en ce 25 décembre, avec Vani qui nous a rejoints.

Le lendemain, je vais d’un pas décidé, bien qu’un peu rafraîchi par le prix, m’inscrire pour un nouveau skydive, un saut en chute libre. Le premier à Cordoba me laisse encore des souvenirs énormes, et ici il est possible de sauter de beaucoup plus haut, avec une chute libre de 60 secondes qui me laisse déjà rêveur … Pas de chance, le ciel est nuageux, c’est annulé, et déjà complet pour le lendemain. D’ailleurs il se met rapidement à pleuvoir, c’est parti pour une journée glandouilleuse et utilitaire : après une douche frauduleuse mais tellement bonne dans un hôtel backpackers, et un peu de wifi gratuit chez Patagonia, je me délaisse d’un fardeau en faisant un tour chez le coiffeur (après cinq mois sans couper, ça commençait à devenir long mais ça ne ressemblait à rien), et m’offre un semblant de ceviche dans un resto sur le port, pour ne pas perdre le goût de mon plat préféré dans toute l’Amérique du Sud.

Le soir je retrouve Iñigo et Gabriela, qui cette fois nous a dégoté un britannique mâle pour compléter la table. Nous poursuivons dans un bar jeune et agité, qui me motive très peu. Je retourne donc dormir dans le van, cette fois garé dans une rue en pente, Iñigo s’étant fait déloger le matin de notre beau petit parking quand j’étais parti.

Le lendemain nous avons prévu de quitter Queenstown, mais Iñigo veut absolument tenter le skydive qu’il a raté la veille. Faute de pouvoir m’inscrire, je me rabats sur un saut à l’élastique monstrueux. J’avais fait mon premier en Equateur, mais un peu court, et je m’étais promis de me refaire une vraie grosse frayeur. Une vraie grosse …
L’entreprise Nevis a été fondée par AJ Hackett, le pionnier du saut à l’élastique, le pont qui a servi de première est d’ailleurs non loin de là, toujours utilisé pour des petits sauts. C’est impressionnant d’efficacité, un grand hall avec des jeunes filles tout sourire, prêtes à nous alléger de nos dollars, des écrans partout. Le bus nous emmène, moi et quelques singapouriens et allemandes qui font leur premier saut. Le chauffeur a l’air d’un original mal fringué, mais là encore tout est pensé : il nous lâche quelques bonnes blagues et lance une chanson country ringarde mais appropriée : « Help me, I’m falling ».

Une demie-heure de route vers un site spécial, privé, au milieu des montagnes, et nous découvrons l’objet de notre supplice : une station accrochée à des cables tendus au-dessus d'un canyon, des petites cabines pour s’y rendre, et là encore un bâtiment spécialement bâti pour organiser tout cela. Redoutable. Dans le canyon d’à-côté on peut voir le Nevis Arc, là-aussi une station futuristique pendue au-dessus du vide, prévue pour un saut à mi-chemin entre le saut à l’élastique et la balançoire géante. Nous nous équipons de nos harnais, on m’annonce que je serai le premier à sauter, super, et partons vers la station à bord des petites cabines, où nous attend une petite équipe.



Pas de temps à perdre pour eux, ils font sauter des dizaines des personnes tous les jours. On nous pose les énormes scratchs aux pieds, et on me prie gentiment de m’avancer pour le vif du sujet : assis sur un fauteuil comme chez le dentiste, on m’harnache encore deux fois plus, on me fait sourire pour la photo, et on me fait lever pour que j’avance vers le sautoir, à coup de minuscules pas puisque j’ai les pieds solidement attachés. L’impression de me présenter devant un bourreau … et effectivement je vois le vide sous mes pieds, c’est à donner le vertige à un pilote. 134 mètres sous moi il y a la rivière et les rochers. Malgré la confiance totale accordée à l’élastique, je me demande comment je vais supporter la chute sans lâcher toutes mes tripes. On ne me laisse pas trop le temps de gamberger, on me rappelle de faire un vrai beau plongeon, 3 2 1, gooo, jump ! 134 mètres et presque 8 secondes de chute libre, une éternité.



Malgré l’ivresse de la chute, je me demande quand l’élastique va enfin faire son job et me remonter, parce que la rivière se rapproche vraiment vite. Y a qu’à demander, je suis retenu sans ambiguité mais sans mauvais choc, pour entamer une partie de yoyo dans ce décor rocheux, et je suis remonté vers la station. Tout le monde saute à la suite, ça enchaîne. Retour au bâtiment, où les photos et vidéos sont déjà disponibles sur de grands écrans plats, il suffit de savoir utiliser son doigt sur l’écran pour se voir facturer un beau petit supplément. Entreprise redoutable …

Retour à Queenstown, je retrouve Iñigo qui n’a toujours pas pu sauter à cause du temps, et nous mettons le contact vers la prochaine étape, le Mount Cook, avec un petit détour par Arrowtown, ville historique qui paraît sortie du Far West, bien qu’un peu trop pimpante et commerciale. Dans la brocante, je trouve même du fromage local inspiré de fromages français et européens. Très honnête si j'oublie nos standards ... après six mois de privation je ne résiste pas.

Petite halte supplémentaire pour regarder les sauts à l’élastiques sur le pont historique. 43 mètres seulement mais une option pour plonger la tête dans l’eau, c’est tentant pour une prochaine …

En route enfin vers le Mount Cook, à travers un paysage qui change rapidement, d’abord les canyons proches du lieu de mon saut, puis la plaine, puis à nouveau les montagnes et le magnifique lac Pukaki, qui précède le massif du Mt Cook. C’est le sommet culminant de la NZ, à plus de 3700 mètres, et c’était le lieu de retour aux source pour Sir Edmund Hillary, le premier alpiniste à gravir l’Everest. Le lac laisse la place à une grande plaine encadrée par des montagnes de plus en plus hautes. On devine l’ancienne présence d’un glacier entre chacune d’entre elles, mais tout a fondu. J’ai vu des photos aériennes du coin, prises en hiver, qui confirment mon impression depuis le début : ce pays est sûrement encore plus beau l’hiver, avec tous ses sommets enneigés.



Nous apercevons le Mount Cook, coiffé d’un magnifique glacier, et les pics voisins, encore bien blancs. Petite visite à l’Hermitage, le bâtiment historique du petit village Aotaki. Il avait brûlé entièrement dans les années 50, c’est maintenant un bâtiment moderne. Nous visitons le petit musée essentiellement consacré aux bravoures de Sir Edmund Hillary, et nous nous inscrivons pour une petite séance d’astronomie le soir-même, prometteuse avec le temps magnifique. A l’heure dite, le ciel se remplit de gros nuages, c’est annulé. C'est pas plus mal, on a un peu l’impression d’échapper à une arnaque, vu la taille des télescopes.

Nuit courte sur le parking rempli de campervans, au pied des chemins de randonnée, et nous partons pour un trek gentil, rempli de familles, vers le lac gris au pied du glacier du Mt Cook. Trek vraiment gentillet donc, mais décor magnifique. Les glaciers blancs, la verdure, le lac gris, les rochers bruns …



Après une douche gelée mais impérative, nous reprenons la route vers Lake Tekapo, avec de nombreux arrêts photos au bord du lac, pour capturer le Mt Cook sous tous ses angles, avec toutes ses variantes. Nous arrivons à Lake Tekapo, qui tient toutes ses promesses par son eau turquoise. Un tour à l’église du Bon Pasteur, une belle petite chapelle au bord du lac (quoiqu’un peu survendue par les locaux), un tour utilitaire pour renouveler tous les fluides du van, un tour inutile sur un chemin interminable pour trouver un supposé camping gratuit, et nous allons nous délasser dans la piscine thermale. Pourquoi ici en NZ elles sont toujours limitées à 40°C ? C’est pas assez !!

Petite nuit tranquille au bord du lac. Le lendemain est notre dernier jour avec le van, nous devons le rendre en début d’après-midi à Christchurch. Avant de prendre la route nous montons prendre le petit déj’ à l’observatoire St John, planté au sommet d’un mont qui domine la ville et le lac, et surtout doté de trois gros télescopes. La vue est incroyable à 360°C : deux lacs, les montagnes, une grande plaine jaune bordée au fond par la chaîne montagneuse voisine du Mt Cook, la petite ville qui se niche dans les pins. Juste splendide, on pourrait y rester des heures, mais il faut reprendre la route pour Christchurch.



C'est la fin de deux semaines d’itinérance rapide. Trop rapide pour moi, mais nous n’avions pas le choix. Ce road-trip nous aura permis de voir les plus beaux sites de South Island, mais sans bien cerner l’âme de la NZ. Il me reste deux semaines pour me rattraper … et retrouver ma liberté, vite !

Et à part ça, quoi de neuf à l'est ?
A l'est, l’Amérique du Sud me manque.

You guys take care and read me soon !
(and write down a comment, come on, don’t be shy !!)
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