Je suis reparti en Argentine ! Bientôt le nouveau blog ...
__________________ENCORE ET ENCORE DES NOUVELLES VIDEOS ICI !! _______________Tour en moto à Can Pho, Prière des moines bouddhistes ...

dimanche 29 août 2010

Digestion 2

Deux mois que je suis rentré, je suis toujours dans la phase d’atterrissage (la piste a-t-elle une fin ?). Pour prolonger le plaisir, encore deux-trois réflexions que m’ont suscitées le voyage.

Le voyage au long cours donne un autre rapport au temps. On a un an devant soi, un an rien que pour soi, sans contraintes sinon de tenir un budget, avec la possibilité de changer l’itinéraire selon les envies et les conseils. Je me répète sans cesse mais un an de voyage a duré comme deux ans, tellement les semaines étaient denses, remplies de découvertes. Pendant une visite, une activité, une balade en ville, une randonnée, chaque heure était remplie de surprises, de « wooow », de plaisirs simples. En général le temps passe vite lorsqu’on s’amuse, et lentement lorsqu’on s’ennuie. Là c’est l’inverse. Evidemment ça m’a fait bizarre de me retrouver à la fin et de repenser à ces temps lointains où ce voyage n’était encore qu’une envie, un vague projet. Donc en un sens je pourrais dire que le temps est passé vite, mais non, pas si vite.
Et si le voyage au long cours était le meilleur moyen de lutter contre la fuite du temps ? Je ne suis pas loin de le penser sérieusement.

Une chose m’a frappé pendant le voyage, c'est la différence fondamentale quant à l’appréhension du risque dans la vie quotidienne, entre les pays riches et ceux moins développés ou carrément pauvres. Il ne faut pas un recul énorme pour se rendre compte que les sociétés riches sont les sociétés du zéro-risque. On n’accepte plus les différents risques de la vie, et comme on en a les moyens, on paie pour (prétendre d’) éliminer ces risques. Pas un drame domestique ou de la route sans qu’on nous ponde une nouvelle loi, pas un JT sans qu’on nous parle d’un niveau d’alerte orange sur les orages ou la canicule ou l’ozone, etc … Nous passons notre vie à appliquer des réglementations qui ont pour ambition, louable à la base mais pas très réaliste, d’éliminer les risques et d’éviter les drames.
J’avais beau savoir déjà avant que cette politique du zéro-risque est poussée trop loin et insensée, voyager plusieurs mois dans des pays pauvres me l’a montré de façon encore plus éclatante. Les habitants de ces pays vivent avec l’acceptation du risque, avec le sens de la fatalité. Il suffit de prendre un bus au Pérou ou en Bolivie, sur une route de montagne escarpée, avec le vide à un mètre du pneu déchiré, avec un chauffeur qui conduit très vite malgré le danger aberrant, il suffit de voir chaque passager faire le signe de croix avant ce trajet en bus, pour comprendre que leur vie ne tient à pas grand-chose et qu’ils l’acceptent. Il suffit de voir les conditions de circulation en Asie, avec une concentration incroyable de scooters, quelquefois 3 ou 4 personnes sur le même scooter, souvent des enfants très jeunes sur le scooter, avec la loi du plus gros pour seul code de la route.
Quand on se retrouve dans cette culture du risque, il y a quelque chose de rafraîchissant, ON SE SENT VIVRE.


Sans rapport aucun, j’ai découvert à quel point le marketing touristique est fort et peut se montrer vicieux. Ma route a été jalonnée de fausses attractions, de faux endroits à-voir-absolument. Le marketing touristique a besoin de créer des noms qui frappent la curiosité, pour avoir quelque chose de concret à vendre. Les exemples sont innombrables, et heureusement je n’en ai gardé que peu en mémoire. En voilà un quand même : en Nouvelle-Zélande, à la pointe de l’île du nord, se trouve un bel endroit appelé Bay of Islands. Comme son nom l’indique, c’est une magnifique baie avec de nombreuses îles. Beaucoup d’activités sont proposées, comme les kiwis savent si bien le faire, et notamment du bateau, à moteur ou à voile, pour visiter la baie. En soi ce descriptif suffit largement à justifier un petit séjour dans ce coin. Mais non ça n’a pas suffi, ils avaient besoin d’un centre d’intérêt plus concret, sur les brochures ils ne veulent pas juste dire « Venez vous balader entre les îles, c’est tout mignon ! ». Un gros malin a vu que sur la pointe d’une de ces îles, un rocher au bord de l’eau comporte un beau trou, créé par l’érosion et le travail de la mer. Alors ils l’ont appelé très officiellement « Hole in the rock » et vendent des tours en bateau ultra-rapide (et ultra-cher) dont l’objectif principal est d’aller voir ce Hole in the Rock. « Voilà voilààà, il était beau le trou ! » doivent se dire les pauvres pigeons qui sont tombés dans le panneau.
En route on trouve d’autres exemples à la pelle, et cela demande un peu de flair pour les débusquer, le guide de voyage n’étant pas toujours un allié indéfectible …


Toujours sans rapport, je me rends compte que j’ai oublié un tas de choses, sur ma vie ici, sur des petites choses toutes bêtes dans la vie de mes amis, des choses qui étaient ancrées dans mon cerveau avant de partir. J’ai maintenant clairement une mémoire avant et une mémoire après voyage. C’est encore plus vrai pour les nouvelles de France apprises pendant le voyage. J’avais beau en réclamer, être content d’en recevoir, elles ne faisaient qu’un court séjour dans mon esprit. Aujourd’hui donc je redécouvre de nombreuses choses : « Ah oui un tel est parti dans telle ville, une telle a eu un enfant, ah oui tu fais telle activité … ».
Le cerveau était trop occupé au voyage, dans une vie différente. Je n’étais pas juste en voyage, le voyage était en moi. Un égoïsme involontaire, de circonstance, et salutaire. Comme c’est bon de ne s’occuper que de soi …
De même depuis le retour, je retrouve mes petites habitudes, qui étaient pourtant solidement ancrées mais que j’ai oubliées. J’en conclus que ce tour d’un an était plus qu’un moment dans une vie, c’était une autre vie, bien que temporaire.


C’est tout pour maintenant, et peut-être c’est tout pour ce blog. Là tout de suite, plus grand-chose à dire. Sauf si des dizaines de commentaires me supplient : « Steuplééé, encoooore ! Raconte encore un truuuuc !! » (on peut toujours rêver), alors je réfléchirai très fort pour trouver encore des petites réflexions.


Prochain blog, prochain voyage …



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jeudi 22 juillet 2010

Moments et lieux magiques

Depuis que je suis rentré, on me demande beaucoup ce que j’ai préféré, un endroit qui m’a marqué. Impossible de désigner une préférence. Il y a eu des visages, des paysages, des odeurs, des couleurs, des déserts, des mers, des montagnes, des lacs, des glaciers …
Je retiens surtout des moments magiques.

En Equateur …
Le premier voyage en bus de Manta à Puerto-Lopez
Le marché aux poissons sur la plage de Puerto-Lopez
La nuit au fond du cratère du Quilotoa
L’arrivée au sommet du Cotopaxi
Les voyages en bus de Alausi à Cuenca, de Cuenca à Vilcabamba

Au Pérou ...
Le trek dans le canyon de Colca
La montée et la visite des ruines de Pisaq, seul
Le trek de 3 jours vers le Machu Picchu
Le voyage en bus de Cuzco à Puno à travers l’Altiplano
La nuit sur l’île d’Amantani, sur le lac Titicaca

En Bolivie ...
La nuit sur la Isla del Sol, sur le lac Titicaca, et la randonnée autour de l’île
La descente de la Ruta de la Muerte en VTT
Les 3 jours en jeep à travers le Salar d’Uyuni et le Lipez

Au Chili ...
Le coucher de soleil sur la Valle de la Luna, à San Pedro de Atacama
Le trek solitaire dans le parc Torres del Paine
Les rues pleines d’âme de Valparaiso

En Argentine ...
La traversée de la Cordillère des Andes et l’arrivée à Salta
La vie trépidante de Buenos Aires, sa beauté et ses milongas
La vie “comme à la maison” à l’hostel Baluch de Cordoba
Le premier saut en chute libre à Cordoba
La dolce vita et les vignes à Mendoza
Les très longs voyages en bus à travers les plaines mornes et sans fin de Patagonie
La randonnée dans le parc naturel à côté d’Ushuaïa

Sur l’île de Pâques ...
Le lever de soleil sur les 15 statues Moaïs
Les couchers de soleil sur la terrasse du petit resto, en regardant les surfeurs et pêcheurs

En Nouvelle-Zélande ...
Les kilomètres en bus sur la Ninety Mile Beach
L’arrivée à Punakaiki au coucher du soleil
La journée en voiture sur la péninsule Banks autour d’Akaroa
Les jours passés sur la presqu’île de Kaikoura

En Australie …
Mon road-trip solitaire en van de Sydney à Melbourne, les kilomètres qui défilent sur la route déserte en fin de journée, le lever au bord d’une plage grandiose

Au Vietnam …
Les longues heures au fond d’un hamac, sur un bateau sillonnant le Delta du Mékong, au coucher du soleil
L’arrivée magique à Hoi An à 4h30 du matin
Les longs moments passés sur un trottoir de Hanoi, assis sur un mini-tabouret devant un Bia Hoi, à boire la bière locale
Le tour en scooter dans les montagnes autour de Bac Ha
L’interminable trajet en bus de Sapa à Dien Bien Phu

Au Laos …
L’entrée au Laos, l’attente au poste-frontière, et le trajet jusqu’à Muang Khua
La descente du fleuve en pirogue de Muang Khua à Muang Ngoi
Les 3 jours passés à Muang Ngoi, en dehors de la civilisation
Les lentes balades dans les rues de Luang Prabang
Le tour en scooter sur le Plateau des Bolaven, de cascade en village pittoresque
Le tour à vélo sur Don Khon, dans les 4000 îles

Cambodge ...
La balade en vélo sur l’île de Koh Pen, face à Kom Pong Cham
La traversée des rizières vers la grotte Phnom Chnork, près de Kampot
Les 3 jours idylliques sur Rabbit Island, entre hamac, shakes et poisson grillé sauce poivre et citron vert
Les 4 jours paresseux devant la plage splendide d’Otres Beach
Le voyage en pirogue de Battambang à Siem Reap, sur le Tonlé Sap

Thaïlande ...
Les longues soirées sur la petite terrasse en bois du bar reggae, à Chiang Mai
Le tour en scooter autour de Koh Lanta, jusqu’à la vieille ville Ban Lanta et son marché
La longue soirée au resto Time for Lime sur Koh Lanta
Les jours paresseux à Railay
L’après-midi sur la plage déserte de Say Nuan, sur Koh Tao
La découverte à scooter des plages isolées de Koh Tao


Maintenant que ces moments magiques sont derrière moi et que je suis rentré, ça fait bizarre …

De se réveiller toujours dans le même lit
De ne plus se soucier de l’heure du check-out
De trouver toute l’information facilement et précisément, sans galérer pour se faire comprendre
De ne pas devoir écrire ce que j’ai fait les 5 derniers jours
De ne plus pouvoir se régaler sur le trottoir pour 1 $
De ne plus adresser la parole à n’importe qui
De ne pas demander à tous ceux que je rencontre : « Where are you from, how long are you travelling for ? »
D’entendre parler français autour de moi
De ne plus voir des scooters partout
De ne voir qu’une seule personne sur les rares scooters que je vois
De redécouvrir comment les gens s’habillent en France
D'entendre certaines musiques … qu’on n'entend vraiment qu’en France
De ne pas me demander si je me fais arnaquer à chaque fois que j’achète quelque chose
De ne pas discuter les prix
De ne pas voir des gens souriants partout
De ne pas croiser des enfants qui me lancent des "Hello !" enthousiastes et souriants
De redécouvrir toutes mes affaires, vêtements, déco, objets inutiles …
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vendredi 16 juillet 2010

Digestion 1

Déjà un mois que je suis rentré. Le temps est rarement passé aussi vite. Vite, mais vide.
Ce voyage de presque un an a duré comme deux ans dans ma tête, tellement les semaines sont denses. Ici les journées passent les unes après les autres, mais remplies de façon assez futile. Je vais devoir me réhabituer à ne pas vivre exclusivement pour moi, sans contraintes. Et refaire des projets, même si ce ne sont pas les envies qui manquent, de repartir surtout. Il va falloir penser un peu plus qu’au jour le jour, le temps en tout cas de faire un choix.

Et finalement, après s’être fait plaisir pendant un an, on peut vite se demander : mais au fond c’est quoi la vraie vie ? Retourner dans la vie sédentaire, avec son confort mais surtout sa routine, ses contraintes, son stress ? Ou faire SA vie, celle dont on a envie, celle qui nous fait plaisir, faite de voyage, de découverte de plaisir ? La seule contrainte est financière, mais pour la résoudre on n’est pas obligé de rester dans un bureau, dans un environnement peu épanouissant …

En emménageant dans mon appart’, et en déballant mes cartons, je découvre la quantité de choses à l’utilité très discutable que je possède. Pourtant je m’étais allégé autant que possible dans les mois précédant le voyage, essayant de ne garder que les choses vraiment utiles. Mais je suis agacé d’en retrouver autant. Avant de partir je me demandais comment j’arriverais à composer mon sac à dos en restant dans une limite de poids raisonnable et sans me priver des choses essentielles ; pendant le voyage j’ai vécu avec 15 à 20 kgs d’affaires ; sur la fin du voyage la moitié au moins de ces 15 kgs s’est révélée inutile.
En bref j’ai vécu avec peu d’affaires, et c’était encore trop pour se sentir mobile et libre. Que dire maintenant de tout ce qui remplit (encombre) mon appartement, pourquoi s’embarrasse-t-on de tant de choses ? La réponse est simple : le besoin de confort dans la vie sédentaire. Mais vivre avec seulement un sac à dos, encore trop chargé à mon goût, montre qu’il faut peu pour vivre. Les yeux et les jambes suffisent à remplir ses journées.


Encore mieux que vivre avec peu de choses, c’est l’absence de contraintes, d’engagement quelconque dans les lieux visités : on visite, on consomme, on explore, on se régale, et on finit par partir ailleurs en ne laissant aucune trace, sans avoir de prise et sans subir les problèmes du quotidien des gens qui y vivent. La seule exception fut la Thaïlande, avec les événements liés aux Chemises Rouges, qu’on ne pouvait pas ignorer.
De retour à la maison, je retrouve tous mes meubles, tous les papiers administratifs archivés et qui continuent à affluer, les contraintes, l’obligation de s’engager et de se lier pour profiter d’un niveau de confort acceptable …

Pour répondre à une question que tu peux te poser, est-ce que un an de voyage, ce n’est pas trop long ? J’ai eu des moments de lassitude, au bout de 5 ou 6 mois. Mais jamais je n’ai imaginé rentrer plus tôt.
Et lorsqu’on voit autant de belles choses, est-ce qu’on devient blasé ?
Blasé peut-être pas, on continue à profiter de ce qu’on fait et ce qu’on voit. Mais on place la barre assez haute, on devient plus sélectif. Ce fut vrai surtout après l’Amérique du Sud, qui en met plein les yeux à un rythme effréné. A côté la Nouvelle-Zélande me parut belle mais pas impressionnante, dommage pour le vieux rêve qui fut brisé (même si la façon dont je l’ai visitée l’explique en partie, d’ailleurs si j’ai envie d’y retourner).
Beaucoup de voyage banalise le voyage, un rêve de toujours devient l’étape suivante. On a vu beaucoup de belles choses et on sait qu’on en verra encore le lendemain, logiquement. Beaucoup de voyage banalise un peu le voyage, mais paradoxalement donne envie d’encore plus de voyage, on se rend compte que tout est accessible sur cette planète, et on veut tout voir.
Il est difficile de réaliser quelquefois à quel point le moment présent est magique, le site où l’on se trouve absolument grandiose. Pour moi le premier vrai déclic a été le lac Titicaca, là je me suis rendu compte que dormir sur une île au milieu de ce lac n’était pas anodin, enfin pour moi. Peut-être parce qu’il renvoyait à de vieux rêves de gamin, le rêve de ce lac gigantesque et à une altitude impensable.
En regardant les photos et en relisant le blog, pendant et après le voyage, je réalise mieux à quel point c’était magique, et je voudrais retourner dans chaque endroit pour mieux explorer, fouiller … C’est cruel mais le souvenir est souvent plus fort que le moment présent, malgré les innombrables « Woooow !! » que j’ai pu lâcher, et les nombreux instants de bien-être.

Faut-il partir seul ? Je rigole un peu quand je pense que dans les premiers préparatifs du voyage, un an avant le départ, je voulais trouver un compagnon de voyage, redoutant la solitude et malgré tous les conseils reçus de voyageurs plus expérimentés. Je suis donc parti avec quelqu’un que je connaissais à peine, forcément ça n’a pas duré longtemps. Et peu de temps après la séparation je pensais déjà que voyager seul est peut-être la seule vraie façon de voyager. D’abord à cause d’une réalité matérielle simple : quand on voyage seul en mode routard, on n’est jamais seul, on rencontre qui on veut quand on veut en claquant des doigts, simplement en parlant voyage et plus si affinités. Et sans subir la moindre contrainte. Mais aussi et surtout parce qu’on apprend à gérer et même apprécier les quelques moments de solitude qui subsistent entre deux rencontres. C’est sûr, on rigole moins seul qu’à deux, on n’échange pas ses impressions, mais on est seul face à soi-même et la beauté des lieux, et on prend un plaisir différent. A tel point qu’à la fin du voyage, je faisais beaucoup moins d’efforts pour rencontrer d’autres voyageurs. J'étais peut-être lassé par les conversations répétitives mais surtout je n’en ressentais pas le besoin, ne prenant que les rencontres qui venaient d’elles-mêmes sans démarche, des rencontres forcément meilleures et essentielles. Quasiment plus aucune solitude subie, que de la solitude choisie.

Allez ne décroche pas tout de suite, j'ai encore un poil à dire ...
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mercredi 7 juillet 2010

lundi 14 juin 2010

Koh Tao et Railay pour un final en beauté

Je quitte Koh Lanta pour une journée très utilitaire et pas très agréable, avec pour seul but d’atteindre la frontière avec la Malaisie, sortir de Thaïlande et entrer à nouveau pour gagner 15 jours supplémentaires sur mon visa. La veille, j’ai passé une bonne partie de la journée à étudier les options, confrontant les infos du Lonely Planet avec celles que me donne un jeune employé de l’hôtel, très sympa et serviable mais pas très bien renseigné. Mais là ça y est, je connais mon itinéraire, mais je ne sais pas à quelle heure je m’arrêterai ce soir ni où je serai. Un peu d’incertitude et d’improvisation pour se sentir vraiment voyager …

Je prends un premier mini-van de 2h30 jusqu’à Trang, où j’ai juste le temps de me balader au marché. J’ai le plaisir de constater que les locaux me regardent, pas les yeux écarquillés mais quand même peu habitués à voir des touristes et se demandant ce que je peux bien faire ici. Le plaisir d’être hors des sentiers battus … Trois quarts d’heure plus tard je prends un autre minivan vers Hat Yai, plus au sud, où je descends au terminal de bus, attends une heure et prends un autre minivan vers Padang Besar, où l’on me dépose devant le poste frontière. Un tampon de sortie du pays, je contourne le bâtiment, un tampon d’entrée, et en cinq minutes c’est réglé, je peux rester 15 jours de plus en Thaïlande. Je me poste sur le trottoir d’en face, un peu dans l’incertitude sur les bus ou minivans qui vont passer là, j'attends 30 minutes en répondant aux écoliers hilares qui rentrent de l’école et me lancent des Hello. Un vieux bus public arrive, j’arrive tout juste à lire la direction sur le pare-brise et je monte à bord. Bien délabré, bien bruyant et polluant, comme il faut. J’arrive à Hat Yai en fin d’après-midi et décide de remonter un peu plus haut jusqu’à Trang, histoire d‘utiliser à fond cette journée bien pourrie mais sans vraiment savoir où je veux aller demain. J’arrive donc à Trang vers 20h après 12 heures passées dans les bus et terminaux. Je trouve un des rares hôtels un peu adaptés aux étrangers, et file au marché de nuit. Dans la rue, un mahout se balade sur son éléphant, tranquille, normal. Ce marché de nuit est un vrai plaisir, on trouve tous les délices de la Thaïlande et même plus, je suis le seul étranger et les gens me regardent, surpris ou amusés de voir un farang. Rassasié de brochettes et chargé de fruits que j’adore (mangostine, jackfruit, litchi …), je rentre à l’hôtel et essaie d’effacer cette longue journée de bus par une bonne nuit.

Au réveil je suis à nouveau d’attaque pour un nouveau trajet en bus. La destination : retour à la case départ, ou presque. Je repars à Krabi, près de Koh Phi Phi et Koh Lanta, pour rallier Railay. J’attrape de justesse mon bus, et deux heures plus tard je suis à Krabi. Le temps d’un petit trajet en pirogue, je débarque sur la plage, jette mes sacs sur le sable, et contemple le paradis où je viens d’arriver. Railay n’est pas une île, mais c'est tout comme puisqu’on ne peut y aller qu’en bateau, à cause des immense rochers qui clôturent le lieu. Et ces immenses parois rocheuses font de Railay un paradis de l’escalade. Mais pas besoin d’être un fan de grimpette pour profiter des lieux, c’est un vrai paradis. Une plage à l’ouest, une bande de terre de 300 mètres, une plage à l’est. De toutes parts, des parois rocheuses verticales et une végétation luxuriante.




Je m’installe à Railay Est, la plage accessible aux budgets modestes. Bordée par la mangrove, un peu boueuse, pas vraiment faite pour la baignade, mais bordée de petits bars, restaurants, commerces. Et Railay Ouest, la plage somptueuse mais aux hôtels très chers, n’est qu’à 5 minutes. Je passe quatre jours délicieux, bien qu’assez pluvieux à cause de la mousson qui commence, entre plage à Railay Ouest, plage à Pha Nang, photos, des couchers de soleil, piscine, grimpette dangereuse vers un point de vue, soirées avec tout un groupe d’expatriés irlandais-américains-québécois et thaïs qui vivent à Koh Lanta. Railay est mon petit paradis, mieux que Phi Phi et Lanta.




Le dernier soir, j’assiste enfin à un combat de boxe thaï, expérience à ne pas manquer ici. Sur un vieux ring pourri, dans un bar à 10 mètres de l’eau, un boxeur local affronte un vietnamien. Ça commence doucement mais ça monte rapidement en intensité. Ils se frappent violemment et se projettent dans les cordes, au son du commentateur qui lance des « Oh my Buddha, what happens ? Oh My Buddha !! ». Quand l’un se retrouve sur le dos de l’autre, « Oooh they are like a ladyboy ! ». Quand l’un jette l’autre dans les cordes, « Oooh they look like a monkey, oh my Buddha !». Une grand blonde qui n’a pas froid aux yeux, anglaise ou américaine, annonce le début de chaque round d’une manière, hummm ... très libérée.

Je dois quand même m’en aller, parce que les jours sont comptés. Je voulais m’enfiler le trio Koh Samui – Koh Pha Ngan – Koh Tao, mais il est clairement trop tard. Je voulais m’arrêter sur la côte est à Chumphon, face à Koh Tao, pour refaire du kitesurf, mais ce n’est pas la saison. Je choisis donc Koh Tao, qui sera l’ultime étape de ce voyage. Vingt minutes de pirogue, un débarquement hasardeux et périlleux dans la boue, et un minivan vient me chercher … il est vide ! Je me dis qu’on va prendre d’autres passagers plus tard, sur la route, mais non je me retrouve comme dans un taxi privé pendant quatre heures de route jusqu’à Chumphon. Dommage que le chauffeur ne parle pas un mot d’anglais. Sur la route, je verrai une des rares images exotiques de vie locale : des singes accrochés à l’arrière d’un pick-up chargé à ras bord de noix de cocos. Le pick-up roule vite, et les singes tiennent sur une minuscule barre de fer, accrochés à une chaînette, et apparemment pas stressés.




Après une pause dans le resto de l’agence, je suis emmené avec deux hollandais vers l’embarcadère du bateau, pour une nuit sur les eaux vers Koh Tao. C’est un vieux rafiot, il y a juste une grande pièce avec des matelas entassés pour dormir. Je trouve par chance un lit suspendu au plafond, qui m’évite d’être collé à quelqu’un et d’avoir le nez sous son aisselle.

Le bateau accoste à 5 heures du matin, je ne sais pas trop bien où je veux aller. Je pense bien à Tanote Bay, sur la côte est qui regroupe les plus belles plages, mais c’est apparemment isolé de tout et les taxis coûtent très cher à cause des routes défoncées, lesquelles dissuadent fortement l’utilisation d’un scooter. Donc je comate un moment sur les marches du 7 Eleven, en attendant que le jour se lève, et finis par me décider à prendre une chambre pas chère ici même près du port, pour une nuit en attendant d’avoir les idées plus claires. Je prends un bungalow chez Mr J, apparemment un homme haut en couleurs et connu pour sa foi inébranlable en la réincarnation. La réception de l’hôtel est pleine d’A4 plastifiés développant ses thèses, et on en trouve même en ville, sur des poteaux. Même le Lonely Planet en parle et recommande de le lancer sur le sujet, malheureusement il est en vacances.




Je me lance dans un petit tour de la ville et je tombe sur le shop de plongée Blue Diamond que l’on m’avait recommandé. Koh Tao est réputée pour la plongée (à juste titre ?), et depuis le temps que je contente du gentil snorkeling, je suis très tenté. Le gérant ne parle pas un mot d’anglais, mais appelle tout de suite un instructeur français, qui rapplique tout de suite et m’explique tout sur le cursus Open Water, me dit tout le mal qu’il pense des gros shops de plongée à Koh Tao, et me donne plein d’infos diverses sur la vie locale. Je suis convaincu et signe, d’autant que je vais profiter d’un cours privé pour le prix normal. Et le bungalow m’est offert pendant quatre nuits, pratique assez classique ici.

Je déménage donc à Blue Diamond, et entame un cours particulier de quatre jours de plongée. La salle de cours est à 10 mètres de mon bungalow, la mer est transparente, le ciel est bleu … Quelques heures de cours et de quizz, quatre plongées entre 12 et 18 mètres. Je n’ai pas vu les plus beaux sites, les couleurs étaient là sans être impressionnantes, mais quelle sensation magique de plonger avec la bouteille !

Entre deux cours je vais marcher le long de la côte, sur un petit sentier entre végétation et rochers, et je tombe sur une plage splendide, déserte si j’oublie deux filles qui bronzent. Il y a des bungalows mais ils sont tous vides. Je m’offre 30 minutes de snorkeling dans l’eau transparente, et reste un moment sur la plage pour contempler cette vision du paradis.




Je passe une soirée sympa devant une sorte de kiosque qui fait office de bar, au bord du trottoir, avec deux jeunes français et un suisse. Une fois la certification de plongée en poche, je profite du dernier jour pour louer un scooter et explorer le peu qui peut l’être. La plupart des routes sont très pentues et pleines de terre, les accidents sont nombreux, et les loueurs se font un plaisir de facturer des sommes monstrueuses pour la moindre rayure. Et comme mes deux légers accidents au Cambodge m’ont causé pas mal d’ennuis directs et indirects, je ne veux pas prendre le risque et je reste sur les routes faciles qui ne permettent de voir que le sud, la côte ouest (la moins belle), et l’ïle Nan Yuang au nord. Les rares pentes raides que j’ai descendues, en tentant un tour vers les belles plages de l’est, m’ont donné des frissons. J’arrive quand même à découvrir des plages somptueuses et désertes, des bungalows donnant sur l’eau, des sites de snorkeling. Même si j’ai dédié mon passage à Koh Tao à l’apprentissage de la plongée, je suis un peu déçu d’être passé à côté de ça. Les îles voisines Koh Samui et Koh Pha Ngan sont réputées plus belles, mais à Koh Tao aussi on peut trouver des petites criques paradisiaques.




Le lendemain je profite encore un peu du scooter pour retourner sur la magnifique plage de Ao Chalok au sud, et je vais prendre le bateau rapide vers la côte vers Chumphon pour ensuite prendre un train de nuit. A partir de là, une ligne droite se trace :
- Bangkok le 14 matin
- Londres le 15 matin
- Home sweet home le 15 dans la journée.

Je ne quitte pas la Thaïlande avec d’énormes regrets. Malgré la beauté des îles, ce n’était vraiment pas le pays le plus marquant pour moi. Mais en quittant la Thaïlande je termine ce voyage. J’ai eu beau y penser sans arrêt dans les derniers jours, j’ai quand même eu du mal à réaliser que la fin approchait. De Quito à Koh Tao, presque un an s’est passé. Je savais que le voyage passerait vite, et ce fut le cas, mais quand je regarde en arrière, cette année a duré comme deux années. Les aventures des premières semaines, des premiers mois, paraissent s’être passées dans une vie antérieure.

Pas de bilan tout de suite, c’est encore trop chaud. Le voyage s’arrête, le blog continue encore un peu, histoire de livrer une petite vidéo inédite et de mettre noir sur blanc ma digestion de tout ça … alors ne décroche pas tout de suite et reviens ici !
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samedi 5 juin 2010

Un petit tour du côté du paradis

Après une après-midi suffocante dans Bangkok apaisée (de force), je monte dans un bus de nuit, direction le sud, direction les îles. Il me reste presque trois semaines, j’ai décidé de les passer intégralement dans ces endroits de rêve, histoire de me reposer et de prendre le temps de repenser aux onze mois qui se sont écoulés. Exit la Malaisie et l’Indonésie, qui auraient fait de cette fin de voyage une vraie course contre la montre, l’antithèse du voyage pour moi. Toute la difficulté est maintenant de choisir sur quelles îles paresser, sachant que je devrai descendre jusqu’à la frontière malaisienne pour gagner 15 jours sur mon visa.

Une nuit plus tard, après un voyage pénible à cause d’un type pénible qui a soûlé le bus toute la nuit en parlant, et moi le premier puisque j’étais à côté, j’arrive à Krabi, sur la côte ouest appelée côte Andamane. J’avais entendu dire que c’était un beau coin, mais ma première vision n’est pas très réjouissante, et le Lonely Planet, consulté un peu tardivement, me confirme qu’il n’y a pas grand-chose à y faire. Par contre, à proximité immédiate se trouvent quelques-uns des plus beaux joyaux de la Thaïlande, à commencer par Koh Phi Phi. Donc je prends tout de suite mon ticket pour la traversée en bateau, et deux heures plus tard le bateau accoste au port. En route j’ai rencontré Steffi, une allemande qui voyage quelques mois en Asie.

Koh Phi Phi est une légende, autant pour sa beauté façon « carte postale », que pour avoir été ravagée par le tsunami en 2004. Au premier abord je ne suis pas impressionné, même si le temps couvert explique que la couleur turquoise des eaux ne soit pas au rendez-vous. La concentration touristique du village Hat Tonsai, concentration en agences de tourisme, restaurants, hôtels, bars … est là aussi pour casser le charme. En s’égarant dans des petites ruelles, on trouve tout juste une vraie vie locale. Après s’être sorti du labyrinthe de ruelles piétonnes, au rythme des « Phi Phi !» des locaux qui veulent se frayer un chemin en vélo, Steffi et moi trouvons une chambre basique à un prix abordable, c’est un soulagement au vu des prix pratiqués sur l’île. Une fois installés, on file voir la plage opposée au port. Koh Phi Phi est la carte postale parfaite parce que c’est un isthme de sable qui relie deux rochers immenses. Dans le village il y a donc deux plages distantes de 100 mètres à peine, surplombés par des rochers remplis de végétation. Mais aujourd’hui la carte postale n’est pas évidente. On attendra le soleil pour voir l’eau d’une couleur magique.

Après un dîner rapide au marché local, où même là les prix du continent sont multipliés au moins par deux, on fait un petit tour nocturne sur la plage, conquise par les bars qui rivalisent en lumières et en spectacles de feu. Le spectacle classique de l’ultra-tourisme … Et je vais m’écraser dans mon lit, après 40 heures sans sommeil.

Le lendemain, après avoir difficilement trouvé un petit-déjeuner à prix abordable, direction le port pour une journée de snorkeling. Nous avons réservé le tour classique d’une journée, qui fait le tour des îles voisines et des sites de snorkeling. Entassés à douze dans une pirogue, on commence par le petit arrêt obligé sur la plage aux singes, pour leur donner des bananes du bout des doigts. On continue vers un premier site de snorkeling. Evidemment ça ne vaut pas la vraie plongée, activité reine sur les îles, mais même avec un simple tuba, les poissons et le corail sont magnifiques. Au bruit assourdissant du moteur, on navigue vers Bamboo Island, plage splendide aux eaux turquoises et sable fin pour déjeuner.




On enchaîne un ou deux sites de snorkeling, pour terminer par le clou de la journée, une petite marche sur Phi Phi Leh pour arriver sur Maya Bay, la fameuse plage où a été tournée le film The Beach. Difficile de la reconnaître puisqu’elle avait été trafiquée au montage, avec un rocher supplémentaire pour donner l’impression qu’elle est quasiment fermée. Alors qu’en réalité elle est largement ouverte sur la mer. Mais cet endroit reste splendide, la plage est coincée entre de gigantesques rochers. Manquent encore les eaux turquoises, à cause du temps couvert, arrrgh !




Retour sur Phi Phi Don, où nous passons la soirée avec un jeune couple néo-zélandais, découvrant des pittoresques bars de plage et luttant contre la fatigue d’une longue journée sur la pirogue. Le lendemain nous prenons notre courage et notre bouteille d’eau pour monter au point de vue qui domine le village Ao Ton Sai et le fameux isthme. La montée est courte mais riche en transpiration, et en haut la récompense est bien là. La vision de l’île parfaite, la carte postale que l’on avait dans un coin de notre mémoire, la couleur magique de l’eau, l’isthme de sable presque trop beau pour être vrai qui relie deux plages arrondies, les rochers majestueux qui dominent le tout, et le soleil enfin éclatant.




Sur ce point de vue, on trouve une photo montrant le triste spectacle juste après le tsunami. Bien sûr il ne reste presque plus aucune trace de la catastrophe, sauf quelques débris dans les zones de vie locale, cachées derrière les ruelles touristiques. Et de nombreux restaurants affichent leurs propres photos, remerciant tous les touristes qui étaient là et ont aidé à la reconstruction.

Nous redescendons et marchons une demi-heure le long de la côte, longeant les bungalows cachés dans les arbres, jusqu’à Long Beach, bien plus belle que les plages principales et très calme en cette saison basse. Une après-midi de vrai farniente comme je n’en ai pas eue depuis longtemps, entre lecture et baignade dans les eaux chaudes couleur turquoise. De retour au village, je prends une initiation gratuite à la plongée dans une micro-piscine, histoire d’avoir une première sensation avant de dépenser des fortunes. A l’horizon de mon voyage pointe Koh Tao, ultra-réputée pour ses sites de plongée … On retrouve le couple néo-zélandais dans un petit restaurant de plage, mais la soirée se fait finalement très courte.

Dès le lendemain, nous quittons Koh Phi Phi, en ayant peut-être manqué quelques beaux coins isolés, mais je reste sur ma faim par rapport à sa réputation, et je veux avancer. Les jours sont comptés, je suis bien obligé d’y penser et de calculer. Direction une autre île très réputée, Koh Lanta, située à une heure de bateau. Les rabatteurs des guesthouses n’attendent pas gentiment que l’on débarque sur Koh Lanta, ils sont déjà à l’œuvre dans les rues de Koh Phi Phi, démarchant toute personne qui se balade avec ses bagages. Ils proposent tous des hôtels sympas avec piscine, en bord de mer bien sûr, à des prix deux à trois fois inférieurs à ceux de la saison haute. Ce n’était pas calculé, mais je me rends compte que je n’aurais pas pu voyager longtemps dans les îles si j’étais venu après la mousson et non avant. Je subis peut-être la chaleur écrasante depuis trois mois, mais il y a des avantages. Nous avons donc l’embarras du choix, quatre dépliants plus beaux les uns que les autres en main, avec l’assurance de ne payer que 5$ la nuit chacun.

Arrivés à Koh Lanta, nous sommes bien sûr pris en charge par l’hôtel que nous avons choisi. Changement total de décor, Koh Lanta est une île beaucoup plus grande, avec des routes larges et des voitures, et surtout une vraie vie locale. Et l’exploitation touristique paraît plus faible ici, malgré les innombrables panneaux indiquant les resorts cachés au bout des chemins. Installés dans notre petit bungalow avec TV et frigo (un luxe), nous pouvons profiter des lieux et surtout de la belle piscine devant la plage, et nous rendre compte que la plage n’est pas terrible. Enfin à ce prix-là, difficile de tout avoir, j’ai rarement eu autant de confort pendant mon voyage. Nous rencontrons Mickaël et Aurélie, un couple français qui rentre de trois ans passés en Nouvelle-Zélande. Nous partons marcher le long de la route, sans but précis mais pour découvrir les alentours, et sommes embarqués dans le tuk-tuk de trois femmes hilares qui vont vers le marché. La première impression en arrivant à Koh Lanta, c’est de voir combien la communauté musulmane est présente, et peut-être même majoritaire. On voit de nombreuses femmes voilées, même de très jeunes filles le sont, et l’on voit régulièrement des niqab. Déjà à Koh Phi Phi j’avais été frappé par le nombre de femmes voilées, mais c’était sans comparaison avec Koh Lanta. C’est toujours surprenant lorsque l’on n’a pas visité des pays comme la Malaisie et l’Indonésie, et que l’on a encore une image classique de l’Asie, associée au bouddhisme. Mais islam et bouddhisme semblent cohabiter paisiblement, et on ne sent aucune barrière, même avec les étrangers aux tenues légères.

On arrive donc au marché, et là on ne résiste pas, on goûte à tout ce qui se présente, fruits exotiques, pâtisseries encore jamais vues ailleurs en Thaïlande (et visiblement liées à la culture musulmane). On ne sent pas sur une île touristique, l’ambiance est très détendue et les gens souriants. Nos trois femmes hilares nous attendent dans leur « side-tük-tük », on repart vers notre hôtel. C’est amusant de voir qu’en Amérique du Sud et en Asie, chaque ville a ses propres engins originaux en guise de taxi, souvent basés sur une mobylette mais presque toujours différents. D’une ville à une autre, quelquefois peu éloignées, on trouve des mototaxis ou tük-tüks différents, mais tous strictement identiques à l’intérieur d’une même ville.




Onze mois de voyage m’ont habitué à ce que rien ne soit jamais désintéressé, et surtout pas les propositions de transport, et pourtant là elles ne nous demandent rien, alors on leur paie l’essence spontanément et avec plaisir. La journée se termine tranquillement entre piscine, dégustation du pad thaï acheté au marché pour presque rien, et un petit Uno pour réveiller le cerveau bercé par tant de douceur de vivre.

Le lendemain, on négocie sèchement le prix des scooters avec le patron taciturne de l’hôtel qui nous prend pour des cons, et on part explorer l’île. Premier arrêt au centre de l’île, dans un resto qui donne un point de vue magique sur la côte est, avec de nombreuses îles au large, de la verdure partout, et une eau bleue à se noyer les yeux. On savait que notre plage sur la côte ouest n’était vraiment pas la meilleure, mais là le contraste est raide.




On descend vers la vieille ville Ban Lanta. On se retrouve dans un petit village épargné du tourisme, endormi au bord de l’eau, aux maisons chinoises en bois plus authentiques les unes que les autres, un calme et une sérénité absolus. On visite d’abord Hammock House, le magasin le plus réputé en Thaïlande pour ses hamacs. Il y en a de toutes les sortes, toutes les couleurs, dans une superbe boutique en bois. C’est tentant mais ça risque de peser très lourd dans mon sac, et je ne vois pas bien où l’attacher chez moi (ou bien ai-je déjà oublié à quoi ressemble mon appart’ ?).

On se balade sur la très longue jetée, puis sur le petit marché du dimanche, encore plus charmant que celui de la veille. Là encore on goûte à tout, on essaie de se faire expliquer ce qui est devant nos yeux mais à peine une personne sur vingt baragouine quelques mots donc il faut prendre des risques, heureux … ou pas. On repart sur la magnifique route côtière vers le sud, qui se termine par un hôtel un peu désert avec des bungalows perchés dans les arbres. On ne peut malheureusement pas faire le tour complet par le sud, il n’y a plus de route, donc retour vers le nord en longeant les plages splendides, en jetant un coup d’œil au bleu magique de la mer, en admirant aux îles au large. Un petit arrêt pour Mickaël et Aurélie devant une maison qui propose des treks en éléphant, pour se rendre compte qu’ils ne paraissent pas très bien traités, donc on repart et on s’arrête devant l’Ecole des Singes, qui propose un spectacle très cher et apparemment attrape-touristes, donc on repart et on s’arrête pour une petite balade au milieu de la mangrove, un milieu étonnant bien qu’assez boueux. Les tours en kayak proposés dans la mangrove puis sur les îles sont tentants mais encore une fois très chers malgré l’énorme remise de basse saison. En Thaïlande je ne comprends décidément pas l’écart entre le coût moyen de la vie et le prix des tours organisés, même lorsqu’ils manquent cruellement de clients.

On fait le tour de l’île par le nord, on traverse la ville principale, on profite du 7 Eleven (la drogue du touriste en Thaïlande, le petit lien avec le confort occidental). Après un court arrêt à l’hôtel, je repars seul au restaurant Time for Lime, réputé pour ses cours de cuisine. C’est un endroit très cozy et plein de bon goût au bord de la plage, tenu par des expatriés. Je profite du wifi, de la margarita au lemongrass, du coucher de soleil, de l’excellente cuisine fusion avec Mickaël, Aurélie et Steffi qui m’ont rejoints, et passe une soirée juste idyllique grâce à la classe de ce lieu. Dans les pays pauvres, on mange local pour le dépaysement et soigner le portefeuille, mais on cherche aussi les lieux spéciaux tenus par des expatriés pour se sentir vraiment bien. On ne renie pas ses origines et ses goûts …




Le lendemain est une journée tranquille, entre petit-déj’ dans une pâtisserie française décevante, piscine, balade sur la longue plage, mon gros bouquin enfin fini, un peu d’écriture, et une soirée relax au bar voisin. Le surlendemain … aussi. Je renonce à reprendre un scooter, les yeux peut-être trop fixés sur mon budget de fin de voyage, et je glandouille tranquillement à l’hôtel, profitant un peu de TV5 Monde (pour me réacclimater progressivement !) et faisant exploser ma stat’ des cafards écrasés.

Je quitte Koh Lanta le surlendemain et quitte Steffi. Mon objectif n’est pas des plus réjouissants : aller jusqu’à la frontière malaisienne pour obtenir 15 jours de plus sur mon visa. L’assurance d’au moins une journée complète en bus ! J’avais prévu de m’en rapprocher en visitant Koh Tarutao ou Koh Lipe, mais en cette basse saison on m’a dissuadé d’aller m’enterrer sur ces îles. Tiens voilà une réflexion que je me faisais récemment, il y a un inconvénient à voyager seul, on fait souvent des choix moins audacieux, on ne sort que modérément des chemins battus, par peur que ce soit compliqué ou de se retrouver vraiment seul. Ou peut-être faut-il plus d’un long voyage pour passer ce cap et tout oser ?
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mardi 25 mai 2010

Sukhothai, Ayuthaya, Kanchanaburi, je descends petit à petit

Devant l’incertitude complète en Thaïlande, les événements graves de Bangkok, et mes petits problèmes de santé qui m’empêchent de me réfugier trop tôt dans les îles, je décide de descendre tout doucement à travers le pays, en m’arrêtant finalement dans des villes que je comptais éviter. Je voulais notamment éviter de visiter des temples, parce qu’après tous ceux que j’ai visités au Vietnam, au Laos, et au Cambodge, et avec l’apothéose des temples d’Angkor, je sature vraiment.

Je monte dans un bus qui m’emmène vers Sukhothai, ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco pour ses vieux temples bouddhistes. Elle fut la première capitale de la Thaïlande, et n’est réputée que pour son Parc Historique, façon Angkor en beaucoup plus petit et dans un autre style. Elle n’est d’ailleurs pas très touristique, on ne compte que quelques guesthouses et restaurants qui s’adressent aux voyageurs. Et ça c’est un bon point pour moi, j’adore ces petites étapes où l’on ne rencontre que très peu de touristes. A l'arrivé au terminal des bus, je suis gentiment emmené à moto par un belge installé ici, et je m’installe dans une petite guesthouse presque vide. Je m’offre encore l’air conditionné, comme à Chiang Mai et malgré la différence de prix. Lorsqu’on a des petites choses à faire guérir, c’est une aide considérable d’être au frais. Le premier soir je me balade rapidement en ville, où il n’y a rien de spécial à voir, et je dîne sur un des étals alignés sur le trottoir.

Le lendemain matin, j’ai le tort de traîner un peu, de discuter sur Facebook, et je ne prends le bus vers le Parc Historique qu’à 11h, quand la chaleur se fait écrasante. Je loue un vélo pour un prix dérisoire, et me lance dans le magnifique parc, où l’on trouve de vieux temples de plusieurs siècles, en briques, des statues de Bouddha, au milieu d’un réseau de petites routes qui les contournent, de plans d’eau et de pelouses qui allègent le tout. Le premier Wat Mahathat est vraiment beau et majestueux.




Je tourne dans tous les sens avec mon vélo, et prends plus de photos que je ne visite vraiment, histoire de ne prendre que le meilleur et ne pas réactiver ma lassitude des temples. Sukhothaï n’est pas une priorité pour la majorité des voyageurs, et nous sommes en basse saison, je compte donc au maximum 15 visiteurs sur les dizaines de kilomètres carrés. C'est un vrai bonheur d’être quasiment seul pour visiter ce lieu. Je sors de la zone centrale et m’aventure vers la zone Ouest, dans la campagne, surtout pour voir Wat Siphan, une grande statue de Bouddha en haut d’une colline, d’où l’on a une vue dominante à des kilomètres à la ronde. On distingue quelques temples qui dépassent timidement des arbres, et Sukhothai au fond.




En bas, un policier très sympa offre de l’eau et des fruits, essaie de discuter malgré son anglais limité. Il est affecté là toute la journée pour éviter que des visiteurs se fassent voler. Je fais encore deux ou trois détours, repasse par la zone centrale pour prendre de meilleures photos, et reviens en ville, pour passer toute la fin d’après-midi et la soirée dans la guesthouse, profiter du wifi, puisqu’il n’y a vraiment rien d’autre à faire à Sukhothai.

Je décolle dès le lendemain matin, cette fois pour me rapprocher vraiment de Bangkok, direction Ayuthaya. Cette ville est réputée exactement pour les mêmes raisons que Sukhothai, un Parc Historique plein de vieux temples et classé au Patrimoine Mondial. En fait ce n’est pas là que je veux aller, je voudrais aller directement à Kanchanaburi, à 3 heures à l’ouest de Bangkok. Mais vu le temps de bus pour Bangkok, et l’incertitude totale sur la possibilité ou non de prendre un autre bus dans la foulée, j’ai trop peur de rester coincé à Bangkok et de devoir y passer une nuit. Donc après une longue étude du Lonely Planet et des liaisons en bus entre les villes périphériques, j’ai opté pour une courte après-midi et une nuit à Ayuthaya. Mauvaise surprise, mon bus dessert surtout Bangkok et daigne me déposer sur le bord de l’autoroute, à 6 km du centre. Je sais qu’un taxi sera là pour proposer ses services, mais j’ai peur de me faire racketter sur le prix, et de ne pouvoir rien dire. Je suis le seul passager à descendre là, il n’y a qu’un chauffeur de taxi, je suis à sa merci … et pourtant j’arrive à lui faire baisser son prix ! Soit il est très honnête, soit il a des choses à apprendre … Il me dépose devant la guesthouse la plus populaire, et j’arrive encore à faire baisser le prix de la chambre parce qu’on vient me chercher sur le trottoir alors que je fais mine de ne pas être intéressé. Le temps de poser le sac, j’ai trois heures pour faire une visite expresse de l’essentiel du Parc Historique. C’est parti sur un vélo encore bien négocié (50 cents, ça va, c’est pas trop cher ?). Là encore je me contente de rouler en ville entre les temples et les grandes pelouses un peu désertes, prenant une petite photo par-ci par-là. Je suis quand même positivement surpris par la beauté des ruines, je ne m’attendais pas à ça.




On a beau être près de Bangkok et dans une ville classée, je sens qu’ils ne doivent pas voir beaucoup de touristes, vus les regards qui se tournent à mon passage. En me contentant de l’essentiel, sans passer au-delà de la rivière, je boucle mon affaire en deux heures, j’ai vu ce que je voulais voir en un minimum de temps et sans atteindre le fatidique point de lassitude. Je rentre donc à la guesthouse puisqu’il n’y a apparemment rien à faire en ville. J’ai l’excellente surprise de pouvoir réserver un minibus direct pour mon étape suivante, alors que le Lonely Planet recommandait deux bus publics avec changement dans une ville improbable, mes choix de voyage sont donc récompensés ! Je profite du wifi et ressors tard dans le quartier lorsque je me rends compte que je n’ai plus d’eau. J’en trouve mais on me rappelle quand même que c’est interdit de se balader, qu’ici aussi il y a un couvre-feu. J’avais presque oublié … Dans la guesthouse je rencontre rapidement quelques anglais et deux thaïlandais de Bangkok, mais il est déjà tard, je m’en vais demain matin de toute façon, et je suis dans ma période « je-me-balade-tout-seul-et-je-me-sens-bien-comme-ça,-je-ne-prends-que-les-très-bonnes-rencontres-qui-viennent-à-moi-sans-effort-particulier ».

Le lendemain à 9 heures, je suis déjà reparti, dans le minibus quasiment vide sauf deux australiens. A peine deux heures de trajet tout confort, et j’arrive à Kanchanaburi où je trouve une chambre pas chère dans la guesthouse la plus sympa, avec piscine, et avec vue sur … la rivière Kwaï ! Eh oui, c’est la première raison de la notoriété de Kanchanaburi, on y trouve le fameux Pont sur la rivière Kwaï. Je vais faire un tour au musée, pour prendre une petite leçon d’histoire sur la Voie Ferrée de la Mort, que les Japonais ont fait construire par leurs prisonniers dans des conditions terribles, entre la Thaïlande et la Birmanie pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ensuite forcément, je vais voir le pont, blindé de touristes locaux. On peut même marcher dessus, mais bon ça reste un pont !




Pour profiter du vélo et passer l’après-midi, je vais rouler dans la campagne sur l’autre rive. Des palmiers, du tapioca, des montagnes boisées au loin, des champs, un petit village tranquille … belle balade mais je cherche toujours, sans la trouver, la beauté et la magie que je trouvais partout au Laos et au Cambodge. Je rentre en ville et visite encore un minuscule musée consacré à la guerre et au pont, avec de belles photos d’époque. Je rends le vélo, profite de la piscine de la guesthouse, et je vais faire un tour dans le quartier backpacker, à la recherche d’un petit bar sympa. Au moins la moitié sont trustés par des jeunes filles thaï qui sourient trop et interpellent par-delà le trottoir … OK j’ai compris. D'ailleurs le nombre d'hommes occidentaux d'âge mûr, qui traînent dans le coin, célibataires ou avec une jeune thaï, est particulièrement élevé. Donc je me retrouve au vrai-faux bar, qui ne ressemble à rien, d’un vieil américain décoloré et obèse, installé ici depuis 38 ans, et qui trône toute la journée avec ses copains et clients tout aussi vieux et obèses, à boire de la bière et écouter du vieux rock. Ambiance sympa, heureusement quand même il y a un jeune couple irlando-écossais qui m’aide à me sentir moins intrus.

Le lendemain matin, je pars dans un bon vieux bus local déglingué pour visiter le joyau dans le coin, le Parc National Erawan. En fait de parc, c’est surtout une cascade en sept niveaux, avec de nombreuses petites piscines aux eaux turquoises et des poissons qui viennent tâter de nos mollets, au milieu d’une forêt très verdoyante. Pour monter jusqu’au niveau le plus haut, il y a une bonne petite marche, et tout le long, à chaque niveau, des thaïs et des touristes qui se baignent.




Je termine la journée tranquillement entre la piscine et le wifi, et je passe une soirée sympa avec Giles et Ally, le couple irlando-écossais de la veille, et je fais mon sac pour rejoindre Bangkok le lendemain puis les îles. Je termine quatre jours de petites étapes, sans grandes attentes mais agréables, et entame la dernière ligne droite de ce voyage, par un long séjour au paradis …
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dimanche 23 mai 2010

Dolce vita à Pai

Je quitte enfin Chiang Mai après trois petits jours, et avec Natalia je pars vers Pai, plus haut dans les montagnes. Le minivan tourne et nous ballotte dans les virages sinueux pendant trois heures. A l’arrivée une bonne et une mauvaise surprise. La bonne c’est que c’est mignon comme tout, touristique mais mignon ; la mauvaise c’est qu’il fait aussi écrasant de chaud qu’à Chiang Mai, alors que nous espérions y trouver un peu de fraîcheur. Nous nous installons dans une guesthouse recommandée par Benjamin et Chloé, croisés et recroisés au Cambodge et à Bangkok. Recommandée surtout pour son propriétaire australien très sympa et serviable, et ça se confirme. Entre autres infos utiles sur la ville, il nous indique un bar-piscine. Après le bonheur de la trempette de la veille, on n’hésite pas et il nous emmène gentiment dans son hybride de tuk-tuk et side-car, en faisant des détours dans le centre pour tout nous montrer.

Arrivés là-bas, on trouve une piscine vraiment grande, dans une ambiance très cool, et qui voit-on barboter dans l’eau ? Raphaël et Eva, qui ont quitté Chiang Mai quelques jours avant nous et devaient normalement quitter Pai aujourd’hui. Une après-midi de glandouille rafraîchissante plus tard, nous rentrons en ville, et prenons chacun un scooter. A moins de 3 $ la journée, ce serait dommage de se priver.

Petit resto sympa, pendant lequel nous vivions notre premier black-out. A Pai, au moins une fois par jour et parfois pendant des heures, il y a une coupure complète de l’électricité. Donc plus d’eau fraîche à boire, plus possible de se réfugier sous la clim’ des magasins 7 Eleven … et pas d’eau au robinet non plus donc pas de douche ! La veille la coupure avait duré 9 heures, on prie pour ne pas subir ça pendant notre séjour. On termine dans un bar bien animé, et après un passage au cybercafé, au lit sous le tourbillon de deux ventilateurs, pour être sûr de bien couvrir toute la surface du lit ...

Le lendemain je découvre que j’ai encore attrapé un nouveau problème de santé, sous forme d’éruption faciale très disgracieuse. Comme si je n’avais pas assez cumulé récemment … Un peu inquiétant mais j’accompagne quand même Natalia pour l’activité qui l’obsédait, monter à dos d’éléphants. Direction la campagne et la rivière sur nos scooters, on choisit la ferme qui nous inspire parmi toutes celles alignées, et c’est parti pour 1 heure 30 de balade en éléphant, sans la moindre nacelle à touristes. Monter dessus est déjà impressionnant, on pense qu’on va tomber alors que l’éléphant ne bouge pas d’un poil et qu'il sent probablement l’équivalent d’une fourmi lui marcher sur le dos. Et les premiers mètres ne sont pas rassurants, on pense qu’on va basculer d’un côté ou de l’autre, mais l’éléphant est tellement large, on a les jambes tellement arquées sur chaque flanc, qu’en fait on est bien calé. Enfin, pas super confortable non plus, et les énormes poils, visibles seulement de près, grattent monstrueusement. On arrive dans la rivière, le mahout nous conseille de lui confier toutes nos affaires, et au premier ordre l’éléphant nous envoie valser dans l’eau brune de la rivière. Le fond est très mou et vaseux, on préfère ne pas savoir ce que c’est. Vingt bonnes minutes à grimper sur le dos de l’éléphant, faire du rodéo, valser à l’eau, grimper encore, se faire arroser par la trompe … On finit par rentrer à la ferme, et on peut repartir trempés sur nos scooters, une odeur corsée d’éléphant sur nos fringues.




On s’offre un détour par la campagne alentour, et on rentre en ville pour s’enfiler un fried-rice et se glisser dans la piscine salvatrice, où nous attendent déjà Raphaël et Eva. Quatre heures et cinquante ronds dans l’eau plus tard, on repart en scooter pour explorer une cascade, dommage elle est sèche, et pour monter vers un temple sur la colline, pour profiter d’une vue magnifique sur Pai, sur la montagne d’en face, et le soleil qui surgit d’entre les nuages, après une petite pluie qui fait toujours plaisir à voir par cette canicule. Le temple n’est pas spécialement beau, mais on y trouve des peintures murales impressionnantes, qui montrent des scènes de torture et d’extermination par différents moyens, comme une photographie de l’enfer. Première fois que je vois ça dans un temple bouddhiste …




Encore quelques kilomètres pour atteindre la cascade plus réputée, un énorme rocher où les enfants Thaï se jettent comme des inconscients dans les petites piscines. Sur la route de la cascade, en traversant un village, toutes les femmes nous font signe qu’elles vendent de quoi fumer, herbe ou opium. Absolument toutes et quasiment à ciel ouvert, c’est effarant quand on voit la répression qui existe et les risques pour ceux qui se font attraper. D’ailleurs la police ferait souvent des contrôles dans le coin, fermant sûrement les yeux sur les vendeurs locaux qui arrondissent les fins de mois, et se concentrant sur le touriste à qui on fera cracher des milliers d’euros, de la main à la main bien sûr.

Retour en ville, petit stress au moment de prendre la douche à cause d’une nouvelle coupure générale (éléphant du matin + transpiration : état sanitaire préoccupant), et on repart vers la guesthouse de Raphaël et Eva, où l’on retrouve par chance François, Damien et Elise, les savoyards rencontrés quelques jours plus tôt à Chiang Mai. On passe donc une soirée tranquille, ponctuée par les aller-retours au 7 Eleven pour acheter des bières et profiter de la clim’ un moment. Je finis par me sentir brutalement fatigué et avoir même froid alors qu’il fait encore 30°C à minuit. Je rentre donc rapidement et m’enfouis sous mes draps sans allumer la ventilo, espérant faire passer le mauvais trip. Le matin, le diagnostic est clair, je suis tombé malade, en plus du « problème facial » apparu la veille. Avec tous les accidents, chutes, infections et autres depuis plus d’un mois, ça commence à faire beaucoup. Faut-il y voir un signe ? Une accumulation de fatigue qui m'exhorterait à terminer ce voyage ?

Toujours est-il que je n’ai pas la grande forme. La journée se passe tant bien que mal autour de la piscine, de plus en plus bondée. Et le soir je ne trouve pas la force de rejoindre les autres, m’écrasant au lit pour plus de 12 heures. Le lendemain, quasiment tout le monde s’en va, sauf Damien et Elise. Je déménage dans la même guesthouse, plus sympa, et passe une nouvelle journée de glandouille en attendant que ça aille mieux. J’aimerais rester quelques jours à Pai, mais je me décide à rentrer à Chiang Mai pour trouver un hôpital moderne, où l’on me confirme le diagnostic infection + allergie. Ben voyons, ça devient une habitude. Enfin je me sens déjà mieux … on ne peut pas en dire autant de la situation politique en Thaïlande ! La situation a dégénéré à Bangkok, et de petits incidents éclatent dans le nord du pays, d’où sont originaires les Chemises Rouges qui sont essentiellement des paysans. En voulant me rendre à la gare pour acheter mon billet, je suis bloqué devant un pont où brûlent des pneus, avec des policiers prêts à intervenir. Un expatrié me dit qu’un coup de feu a été tiré sur un manifestant qui voulait mettre le feu à la maison du gouverneur.

Là je ne sais plus comment faire, je suppose que la gare ne fonctionne pas. L’avion vers le sud coûte un peu trop cher (et je ne veux pas y arriver trop vite à cause de mon infection). Le soir on annonce un couvre-feu à 21h, il ne manquait plus que ça. Je décide de descendre doucement vers le centre puis vers le sud en bus, avec plusieurs petites étapes, pour me laisser le temps de guérir et en espérant que Bangkok se calme. Malgré mon overdose, et la promesse que je m’étais faite, l’étape suivant sera faite de temples, je n’ai rien trouvé d’autre sur la route ! Et qui sait, je trouverai peut-être enfin un charme à la Thaïlande qui pour l’instant me laisse de glace, exceptée l’ambiance relax de Pai … vivement les îles !!
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jeudi 20 mai 2010

Cuisine et cure de français à Chiang Mai

Je quitte le quartier backpacker de Bangkok en début de soirée, et je ne résiste pas à la tentation d’un taxi climatisé.  Par principe ce n'est pas trop dans mes habitudes, mais la fournaise est vraiment pénible. Direction la gare de Bangkok, pour un trajet de nuit vers Chiang Mai, la deuxième ville du pays, la plus culturelle par réputation et beaucoup plus relax que Bangkok. J’ai une joie presque bête et enfantine à prendre un train, parce que je n’ai pas eu l’occasion d’en prendre en plus de 10 mois de voyage, et qu’une nuit en train a toujours un petit quelque chose de spécial, indéfinissable. Contrairement au bus, on peut vraiment dormir, on peut se balader. J’entre dans mon Wagon 2nd Class Sleeper, avec ventilo mais sans clim, et là malgré l’énorme différence de prix j’ai peut-être fait une erreur, parce que le train va rester immobilisé en gare pendant plus de deux heures, sans explication du personnel, et la température est monstrueuse. En plus mon lit est en haut, et le ventilo juste à côté de moi ne m’envoie quasiment aucun air frais. Intenable … J’en profite quand même pour prendre des photos des Thaïs sagement assis sur le quai d’en face, attendant leur train très en retard et utilisant tout ce qu’ils peuvent comme éventail.




A minuit le train démarre enfin, et après quelques minutes de secousses, j’arrive à m’endormir et passe une nuit étonnamment bonne. Au réveil il reste encore de nombreuses heures avant d’arriver, c'est l’occasion d’admirer le paysage dans le wagon quasiment vide, de nombreux voyageurs ayant migré vers les wagons avec clim’. Je remarque que même en son coeur la Thaïlande est un pays très développé. On m’avait prévenu. Ah j’ai parlé trop vite, lors d'un arrêt des femmes montent avec des paniers pleins de nourriture à vendre. De l'Equateur à la Thaïlande, des scènes identiques ...

On arrive enfin à Chiang Mai vers 14h, je monte dans un « taxi-remorque » avec d’autres backpackers, et je choisis la guesthouse qui me paraît la plus conviviale. Gagné, ça grouille de gens, le petit coin pour backpackers. En fait de dortoir, on me donne une chambre double à partager, pour 2 €. Encore moins cher ça existe ? Au moment de partir découvrir la ville, je rencontre Elise et Damien, qui voyagent depuis déjà 1 an et encore pour 6 mois, et leur pote François qui n’arrive que pour ses vacances mais avec du saucisson. Plaisir intense et inattendu. S’ajoutent bientôt Raphaël, Pierre un belge, Eva une allemande qui parle un peu français, et deux suisses francophones. Bref ça ne parle que français et ça fait du bien. Sauf pour la pauvre anglaise Sophie qui se sent perdue malgré nos efforts pour parler anglais. On dîne tous sur un étal de nourriture thaï, sur le trottoir. En Thaïlande plus qu’ailleurs, je ne vois pas l’intérêt de manger dans un restaurant, la nourriture est la même et deux à trois fois plus chère. Puis direction le Freedom, un bar reggae tenu par un thaï rasta au moins aussi stone qu’il est sympa, pour une petite soirée sur la terrasse en bois, agrandissant le cercle chaque heure pour tous les gens qui arrivent.

Le lendemain je pars visiter quelques temples en ville avec François, il faut dire que Chiang Mai en compte presque 300, donc malgré mon overdose j’en trouve encore quelques-uns qui m’impressionnent. Surtout nous montons dans un taxi-remorque pour aller visiter Doi Suthep, perché sur une montagne qui domine la ville. C’est très touristique, du tourisme local surtout, le temple est plein de vendeurs de toute sorte qui font leur beurre de la ferveur bouddhiste. Le temple n’est pas remarquable à mon goût, bien qu’il brille beaucoup. Au centre les gens tournent autour d’une stupa dorée or en tenant une fleur les mains jointes devant leur front, apparemment une spécificité du bouddhisme thaï, que je n’avais jamais vue ailleurs. Je vois avec amusement un occidental ventru s’adonner à ce rituel en suivant une petite thaï, apparemment sa copine qui l’a initié et instamment prié de faire comme elle. A moins qu’il ait décidé de se convertir au bouddhisme, cela m’amuse beaucoup, et j’ai déjà vu cette scène plusieurs fois, la dernière en date à Bangkok. Mais surtout, pas besoin d’aller dans un temple, et pas forcément en Thaïlande, pour voir cet attelage récurrent d’une jeune thaï avec un occidental bien plus vieux ou pas très attirant …




De ce temple on a au moins une belle vue plongeante sur la ville et il fait plus frais, enfin un peu moins étouffant. Des étudiants sillonnent les allées pour proposer un sondage aux étrangers, visant à savoir si les événements politiques liés aux Chemises Rouges ont un impact sur la fréquentation touristique. Personnellement je ne regrette pas d’être quand même venu, puisque je suis passé à Bangkok juste au bon moment, et que le reste du pays ne connaît aucun problème.

Nous redescendons en ville, avalons vite fait un pad thaï dans un resto local, et l’après-midi se passe vite, entre cybercafé à un prix dérisoire (0,40 € de l’heure !), massage exquis et petit tour en ville. Malheureusement je me rends compte que Chiang Mai, malgré sa réputation de ville culturelle et son ambiance relax, n’a quand même pas grand-chose à offrir sinon ses temples. Ah si, les guesthouses et agences proposent de nombreuses activités comme les cours de cuisine thaï, les cours de massage, les treks dans les montagnes proches, les soins aux éléphants … mais elles sont toutes facturées très cher, des prix sans relation avec le coût de la vie en Thaïlande. Et je ne suis toujours pas très chaud pour partir en trek, mon pied n’étant pas encore bien remis. Donc déception rapide sur cette ville, confirmée par d’autres voyageurs.

Je reviens à la guesthouse, grouillante de vie à l’heure de l’apéro, et je retrouve tout le petit groupe. On a perdu les deux suisses mais on a gagné Natalia, parigo-colombienne ou colombo-parisienne. Le scénario de la soirée est immuable : dîner sur le trottoir devant un étal, et squat de la mini-terrasse en bois du bar reggae, accueillis par le patron toujours stone, rafraîchis par les bières thaï et les cocktails, et endoloris par les longues heures assis par terre. Beaucoup de monde qui dort à la Family Guesthouse, de nouvelles têtes bien sûr mais toujours un seul cercle. A part dasn le voyage, y a t-il une seule autre situation où les gens se mélangent aussi facilement ?

Le lendemain matin, quasiment tout le monde est parti vers diverses destinations. Je repars courageusement pour un petit tour en ville sous la fournaise. Je parle de la chaleur intenable depuis Vientiane, au Laos, mais il faut savoir que cette saison sèche, qui précède l’arrivée de la mousson, est la plus chaude depuis 15 ans. Et selon l’expression, il n’y a que trois saisons en Thaïlande : chaude, très chaude, et trop chaude. Cela me fait un peu regretter d’être venu en Asie du Sud-Est à cette période, parce qu’en plus d’être sous la fournaise, on perd l’essentiel de la beauté du paysage, et de nombreux treks perdent de leur intérêt. Par contre il y a beaucoup moins de moustiques, argument qui ne me laisse pas insensible, vu que je suis l’une de leurs proies préférées.

J’atterris encore dans un temple, et assiste un moment à une cérémonie bouddhiste, avec des moines qui chantent et une vieille dame qui paraît être le centre d’intérêt. Je me promène surtout autour du temple et de la stupa blanche, et je découvre de nombreux principes de sagesse sur des écriteaux accrochés aux arbres, comme je l’avais déjà vu hier dans un autre temple.




Je rentre doucement à la guesthouse, la bouteille d’eau dans une main et la serviette dans l’autre. L’après-midi se passe doucement, entre écriture peu inspirée du blog et glandouille. Le soir je retrouve Natalia et Gianna, l’américaine qui partage sa chambre. Soirée tranquille entre dîner sur l'étal habituel et discussions houblonnées, affalés sur les matelas de la guesthouse. Pas de bar reggae pour une fois.

Lever tôt le lendemain, Natalia et moi nous sommes inscrits pour un cours de cuisine thaï. On vient nous chercher avec quelques anglais de la guesthouse et trois autres voyageurs, et le camion nous emmène d’abord au marché pour une explication des différents produits de base. Le marché est magnifique, à la fois exotique pour nos yeux d’occidentaux et parfaitement propre et organisé. Pour ce qui nous intéresse directement, on trouve des pâtes à curry déjà prêtes, on voit la fabrication du lait de coco, les innombrables sauces qui font toute la particularité de la cuisine asiatique. Et côté viande, des têtes de cochons, des brochettes, des choses indéfinissables … et des criquets, des cafards, et autres insectes repoussants. Je me suis toujours dit que je devais essayer mais je n’ai pas encore sauté le pas.




Le camion nous emmène ensuite vers la ferme bio, en pleine campagne. Un endroit magnifique, bien qu’aussi brûlant qu’en ville. Et une belle machinerie commerciale, avec trois petits bâtiments permettant d’accueillir autant de groupes simultanément, avec un petit espace de cuisine fonctionnel pour chaque élève. Et dehors un potager bio, avec quasiment tous les légumes et herbes utilisés pour les leçons. On nous explique tout (pas de bol nous sommes tombés sur la seule prof qui parle un anglais horrible), on nous fait sentir, et on passe rapidement aux travaux pratiques. Chacun a choisi quatre plats et un dessert, prévus pour être mangés dans la foulée. On commence par un curry, vert, rouge ou jaune. Piler les herbes dégage des senteurs incroyables. Ça va très vite à faire finalement, rien de compliqué. Pour la suite j’ai choisi la soupe au poulet et lait de coco, encore un régal qui actionne méchamment le réflexe de Pavlov, puis le poulet au basilic. Voilà trois plats qui embaument, nous avons enfin le droit de goûter tout ça. Ajoutés au riz collant et au riz vapeur, forcément on a le ventre explosé, et sous la fournaise de midi, on n’en mène pas large. Après la sieste avec les fourmis, on reprend le cours avec le dessert, pour moi le fameux « sticky rice mango », un régal d’une simplicité bête et méchante. On ne résiste pas à manger le dessert, malgré les trois vrais plats mangés juste avant la sieste. Et on attaque le dernier plat, j’ai choisi le fameux pad thaï, à base de noodles. On repart chacun avec notre dernier plat dans un sac plastique, et un livre de recettes avec tous les plats. Reste à trouver les mêmes ingrédients en France, pas gagné …




De retour en ville, je vais m’incruster avec Natalia et Gianna dans la piscine d’une guesthouse, sur les conseils de Phil, un quarantenaire canadien rencontré au cours de cuisine. La piscine est abritée du soleil, ultra-fraîche, c’est un bonheur AB-SO-LU. On rencontre par la même occasion Mike, le copain de Phil, le bon gars avec sa longue natte, que l’on imagine bien traverser le Canada au volant d’un énorme truck.

Le ventre encore plein et le corps temporairement rafraîchi, le sourire aux lèvres, nous partons vers le temple de Wat Sisuphan. A Chiang Mai, plusieurs temples proposent des retraites pour apprendre la méditation de 2 jusqu’à 21 jours. Ici c’est une simple introduction d’une heure à la méditation, précédée d’une session de discussion avec un moine. Depuis le Laos, j’ai souvent eu des petites conversations avec des moines et novices, pour en savoir plus sur leur vie et leurs principes, mais à chaque fois je suis tombé sur des jeunes qui ne passaient qu’un court moment de leur existence comme novices, et voulaient surtout pratiquer leur anglais. J’étais disposé à leur rendre ce service, mais la discussion restait très terre-à-terre et ça en devenait lassant.

Ici nous avons droit à une discussion de fond, avec un moine jeune mais très réfléchi, qui parle un anglais correct. De nos simples questions sur certains de leurs préceptes, comme l’interdiction de toucher les femmes, il en vient à parler du karma, de ce qui provoque la création du karma. Pour bien comprendre il aurait fallu déjà avoir des bases, et passer des heures à discuter.

S’ensuit l’introduction à la méditation, dans le temple même. Il s’agit simplement de se concentrer sur une chose, qui a du sens ou pas, jusqu’à ce qu’on continue à la voir même les yeux fermés. Ou de se concentrer sur sa propre position, assise, couchée ou debout. Se concentrer sans penser à rien, une façon d’exercer l’esprit. Pour ceux comme moi qui cumulent deux handicaps, avoir les jambes raides comme un piquet et l’esprit qui divague toujours d’une idée à l’autre, c’est pas gagné … Et le lien de cause à effet entre la technique et l’objectif de sagesse et sérénité m’échappe largement, il faut probablement des années. Mais au moins j’ai vu ce que c’est, et j'éviterai de me lancer dans une session de deux ou trois jours … sauf si un jour je deviens souple, sur un malentendu.

Nous rentrons à la guesthouse en traversant quartiers populaires et marché de nuit avec ses étals, et goûtons enfin à notre pad thaï cuisiné dans la journée. Pas facile de manger avec des baguettes dans un sac plastique … Mike et Phil sont là aussi, profitant de l’ambiance animée et jeune de la guesthouse, et ne nous laissent pas payer une seule de nos bières. Comme si la journée n’avait pas été assez pleine, nous filons tous au bar reggae, saluons le patron toujours en harmonie avec la nature et Bob M., et venons agrandir le cercle déjà bien grand sur la petite terrasse en bois. Mike et Phil continuent d’arroser sans que nous puissions y redire quelque chose, et la soirée se passe comme d’habitude, comme sur un petit nuage animé au milieu d’un quartier endormi.




Le lendemain, je décolle enfin de Chiang Mai, ville qui me plaît bien peu mais où j’ai rencontré plein de gens sympas. Peut-être faut-il y passer un long moment pour la cerner ? Avec Natalia, je pars vers les montagnes, espérant y trouver un peu de fraîcheur. On peut toujours rêver …
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vendredi 14 mai 2010

Ça chauffe vraiment à Bangkok

L’avion se pose à Bangkok en début de soirée, j’arrive ainsi en Thaïlande, le douzième et dernier pays de mon voyage. Dernier parce que mes envies initiales, de poursuivre en Malaisie et en Indonésie, sont complètement irréalistes et intenables si je veux éviter de courir. J’ai voyagé plus lentement que bien des voyageurs, mais encore beaucoup trop vite, et je n’ai donc aucun remords à enlever deux pays de l’itinéraire, pour mieux prendre mon temps en Thaïlande.

Je prends la navette vers le centre, absolument frigorifiée à cause de la clim. Je descends dans une rue assez calme entre la rivière Pra Chraya et la rue Khao San, le célèbre quartier des backpackers. Je prends la guesthouse recommandée par le Lonely Planet, qui propose en guise de chambre des petits carrés claustrophobiques avec le bruit de la rue en direct, pour 5 $ ! Et autour les autres guesthouses proposent à peu près la même chose pour plus cher. Qui m’a dit que la Thaïlande était bon marché ? Assommé par la chaleur écrasante même en pleine nuit, je ne pars pas me balader et me réfugie sous la clim du cybercafé.

Après une nuit étonnamment bonne, le matin n’est pas plus frais, et je prends tout mon temps pour visiter le quartier backpacker. On ne m’avait pas menti, la Thaïlande est très développée et occidentalisée. Autour de ma guesthouse, deux ou trois rues piétonnes assez tranquilles, mais un peu plus loin se trouve l’infâme Khao San. Le pire visage du tourisme à outrance pour occidentaux, des magasins partout, des vendeurs qui ne nous lâchent pas la grappe, des enseignes et de la pub partout, des chauffeurs de tuk-tuk et taxis insupportables qui ne se contentent pas de proposer leurs services et mais demandent « Where you go ? what you’re looking for ? » (ce que je cherche ? pas toi boulet !). La laideur incarnée. Pas de photo pour illustrer ça, même avec un numérique ce serait du gâchis d’en prendre une.

Malgré mon pied encore très douloureux, je marche doucement vers le Mont Doré, un temple en haut d’une petite colline, assez beau et surtout qui donne une vue à 360° sur Bangkok. Contre toute logique et toute raison, je pars pour une longue balade urbaine vers le centre. Rien de très beau mais le Bangkok non touristique, des quartiers populaires et vivants. En voulant photographier une ruelle, tous les habitants qui s’y trouvent me regardent avec curiosité et sourire, et un homme s’empresse de me demander une photo avec son petit garçon, dans son vieux et beau camion. Une petite requête simple et bon enfant, comme j’en avais satisfaites plusieurs au Vietnam. La gentillesse des Thaïs ne paraît donc pas être une légende, même si elle reste moins évidente qu’au Laos et au Cambodge, et il faut impérativement sortir des coins touristiques pour la voir. Sinon c’est plutôt une indifférence blasée que l’on reçoit.




Soudain la rue est pleine de policiers en tenue d’intervention, et de militaires. A peu près un tous les 50 mètres, arme au poing, avec des plots de béton qui peuvent faire office de barrage. Bangkok est agité par des troubles politiques, avec les manifestations des Chemises Rouges, et je comprends que j’arrive en zone chaude. Mais dans l’immédiat, il ne se passe rien, et tout le monde circule librement, véhicules et piétons, donc je ne me prive pas d’approcher toujours plus du centre. Et la vie semble suivre son cours normal, même dans cette zone sous haute surveillance. Je vois même un cours de gym collective sur le trottoir. Encore un ou deux kilomètres de marche - un bon centimètre sur ma carte, Bangkok est immense - et j’arrive en plein centre, à proximité de Siam Square. Autour d’un grand carrefour au trafic dense, et au-dessus duquel se chevauchent les passerelles piétonnes et métro aérien, se pressent des grands centres commerciaux, un centre culturel, et les barricades des Chemises Rouges. Je ne me prive pas d’aller jeter un œil du haut de la passerelle, d’autant que c’est calme malgré les discours permanents qui sortent des hauts-parleurs. Il y a quand même des contrôles à l’entrée des barricades, et même si je me doute bien que les étrangers ne sont absolument pas indésirables, je m’abstiens pour le moment d’aller voir de plus près.




Je vais me balader un long moment dans l’énorme centre commercial MBK, le plus populaire et surtout le seul qui puisse encore ouvrir malgré les barricades à 20 mètres. Je suis tout sauf un fou du shopping, mais c’est une balade pas désagréable avec le soulagement qu'apporte la clim’. Je rentre en bus, aidé par une jeune Thaï qui m’indique le bon bus et le bon arrêt sans même m’avoir demandé où je dors. Je passe une soirée tranquille dans mon quartier et retrouve Benjamin et Chloé, que j’ai croisés plusieurs fois au Cambodge, et qui partent le lendemain à l’Australie. Leur tour du monde est à peu près le même que le mien mais en sens inverse.

Le lendemain est culturel, je ne résiste pas à l’envie d’aller visiter le Grand Palais et le temple Wat Phra Kaew, qui sont les emblèmes absolus de la Thaïlande et de la royauté. Je m’étais pourtant promis de ne plus visiter de temple, mais il faut reconnaître que celui-là vaut le coup d’œil, avec une débauche de stupas, dorures, petits édifices plus beaux les uns que les autres … Juste à côté trônent majestueusement des édifices non religieux mais monarchiques, et au milieu, bizarrement, un grand bâtiment de style complètement français, comme un grand hôtel ou un casino des années fastes.




Je poursuis vers le temple voisin Wat Pho, toujours abordé par des chauffeurs de tuk-tuk ou par des gens qui se font passer pour la police du tourisme et me racontent les pires bobards pour m’envoyer là où je ne veux pas et me vendre quelque chose. Autant de menteurs, de harceleurs, d’escrocs croisés en deux jours, ça fait beaucoup et je me montre progressivement indifférent et méprisant avec tous ceux qui m’abordent sans que j’aie rien demandé, commençant à connaître par cœur leurs techniques et leurs mensonges, assez récurrents en fait.

Au temple Wat Pho, je vois surtout un Bouddha allongé absolument énorme, environ 50 mètres de long et 15 de haut, comme emprisonné dans son bâtiment et ses colonnes. Somp-tu-eux. Je rentre à peu près tranquillement à pied, ne prêtant pas la moindre attention aux « Sir, where you go, where you’re from ? ». Je m’égare volontairement dans de petites ruelles qui mènent aux embarcadères et cachent les petits délices visuels habituels de l’Asie du Sud-Est. Enfin un peu d’exotisme dans cette moderne méga-cité !




Je rentre tranquillement dans mon quartier, je mange comme d’habitude dans la rue sur les petits étals qui servent des plats excellents pour à peine plus d’un dollar. J’apprendrai le lendemain que de nouveaux affrontements avec les Chemises Rouges, ou des éléments incontrôlables peut-être, ont fait deux morts chez les policiers. Pas si calme que ça la situation, malgré les signes positifs de discussion.

Le lendemain, je retrouve Fiona, arrivée de Siem Reap la veille. Je lui fausse vite compagnie pour partir à l’hôpital, un peu inquiet par les douleurs persistantes au pied gauche. Les hôpitaux privés à Bangkok n’ont rien à envier aux européens : confort, hygiène, médecins pointus … Bangkok est même une destination prisée pour son « tourisme médical ». J’en repars rassuré et retourne vers Siam Square. Cette fois je décide de contourner les barrages, je m’engage dans les rues commerçantes qui restent paisibles à moins de 100 mètres, et j'entre en plein dans le quartier de résistance des Chemises Rouges. Ils vivent là depuis un long moment, s’appropriant plusieurs kilomètres des principaux axes de circulation et organisant leur petite vie sur le bitume, sous des tentes. Un grand écran diffuse les discours qui se tiennent en direct à plusieurs blocs d’ici, ponctués par les applaudissements réguliers des militants qui approuvent. De temps en temps ils s’expriment même en anglais, pour expliquer leur combat et sensibiliser les étrangers qui se baladeraient par là. J’attire bien quelques regards étonnés, mais l’ambiance est bonne et je peux me balader sans problème au milieu d’eux. Une jeune Thaï sur son stand me propose même en rigolant d’acheter une chemise rouge, elle comprend bien que je ne veux pas, je veux pouvoir passer les check-points au retour !




Je retourne au MBK où je retrouve Fiona et son ami d’études qui vit ici. Après un dîner japonais dans un des innombrables restaurants du centre, on se fait un film en anglais dans un vrai grand cinéma, depuis le temps ça fait du bien. Avant le début de chaque film, une sorte de clip en l’honneur du roi est diffusé, et tout le monde se lève. Même si l’on est étranger et qu’on se moque de la royauté, mieux vaut suivre le mouvement et ne pas montrer le moindre signe de non-respect au roi. On peut se retrouver un prison pour presque rien … On rentre en taxi en pleine nuit, passant les check-points qui regardent attentivement les passagers de chaque voiture. Devant nous une voiture est arrêtée pour contrôle plus appuyé. Bah oui forcément elle est rouge, on n’a pas idée de circuler en voiture rouge !

Le lendemain je profite un long moment d’un wifi gratuit, y retrouve Fiona presque par hasard, et retourne vers le centre pour y visiter la maison de Jim Thompson, un américain ex-CIA qui s’était installé ici pour y développer le commerce de la soir. Sa maison est sublime, d’une architecture authentiquement thaï en teck, dans un petit jardin tropical. J’y retrouve Loïc, un français que j’avais rencontré à Sydney il y a quatre mois, avec sa copine. Une grosse coïncidence comme je n’en ai plus eue depuis longtemps !

Je les quitte et rejoins à nouveau Siam Square, hésitant à aller visiter Chinatown ou le parc Lumphini. Il est un peu tard, je quitte Bangkok dans quatre heures, donc je reste là et visite le Arts and Culture Centre, un bâtiment futuriste (et climatisé !) qui exhibe surtout des photographies sur la Thaïlande contemporaine. Retour en bus dans ma guesthouse, dîner rapide sur un étal de rue, et je file à la gare en taxi. Je n’en peux plus de la fournaise de Bangkok, et de cette méga-cité bien peu agréable à vivre, enfin pour ce que j’en ai vu. Mais je devrai revenir de toute façon, juste à la fin. Maintenant direction le nord et Chiang Mai, pour un peu de fraîcheur j’espère et forcément plus de charme.
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