Je suis reparti en Argentine ! Bientôt le nouveau blog ...
__________________ENCORE ET ENCORE DES NOUVELLES VIDEOS ICI !! _______________Tour en moto à Can Pho, Prière des moines bouddhistes ...

mardi 25 mai 2010

Sukhothai, Ayuthaya, Kanchanaburi, je descends petit à petit

Devant l’incertitude complète en Thaïlande, les événements graves de Bangkok, et mes petits problèmes de santé qui m’empêchent de me réfugier trop tôt dans les îles, je décide de descendre tout doucement à travers le pays, en m’arrêtant finalement dans des villes que je comptais éviter. Je voulais notamment éviter de visiter des temples, parce qu’après tous ceux que j’ai visités au Vietnam, au Laos, et au Cambodge, et avec l’apothéose des temples d’Angkor, je sature vraiment.

Je monte dans un bus qui m’emmène vers Sukhothai, ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco pour ses vieux temples bouddhistes. Elle fut la première capitale de la Thaïlande, et n’est réputée que pour son Parc Historique, façon Angkor en beaucoup plus petit et dans un autre style. Elle n’est d’ailleurs pas très touristique, on ne compte que quelques guesthouses et restaurants qui s’adressent aux voyageurs. Et ça c’est un bon point pour moi, j’adore ces petites étapes où l’on ne rencontre que très peu de touristes. A l'arrivé au terminal des bus, je suis gentiment emmené à moto par un belge installé ici, et je m’installe dans une petite guesthouse presque vide. Je m’offre encore l’air conditionné, comme à Chiang Mai et malgré la différence de prix. Lorsqu’on a des petites choses à faire guérir, c’est une aide considérable d’être au frais. Le premier soir je me balade rapidement en ville, où il n’y a rien de spécial à voir, et je dîne sur un des étals alignés sur le trottoir.

Le lendemain matin, j’ai le tort de traîner un peu, de discuter sur Facebook, et je ne prends le bus vers le Parc Historique qu’à 11h, quand la chaleur se fait écrasante. Je loue un vélo pour un prix dérisoire, et me lance dans le magnifique parc, où l’on trouve de vieux temples de plusieurs siècles, en briques, des statues de Bouddha, au milieu d’un réseau de petites routes qui les contournent, de plans d’eau et de pelouses qui allègent le tout. Le premier Wat Mahathat est vraiment beau et majestueux.




Je tourne dans tous les sens avec mon vélo, et prends plus de photos que je ne visite vraiment, histoire de ne prendre que le meilleur et ne pas réactiver ma lassitude des temples. Sukhothaï n’est pas une priorité pour la majorité des voyageurs, et nous sommes en basse saison, je compte donc au maximum 15 visiteurs sur les dizaines de kilomètres carrés. C'est un vrai bonheur d’être quasiment seul pour visiter ce lieu. Je sors de la zone centrale et m’aventure vers la zone Ouest, dans la campagne, surtout pour voir Wat Siphan, une grande statue de Bouddha en haut d’une colline, d’où l’on a une vue dominante à des kilomètres à la ronde. On distingue quelques temples qui dépassent timidement des arbres, et Sukhothai au fond.




En bas, un policier très sympa offre de l’eau et des fruits, essaie de discuter malgré son anglais limité. Il est affecté là toute la journée pour éviter que des visiteurs se fassent voler. Je fais encore deux ou trois détours, repasse par la zone centrale pour prendre de meilleures photos, et reviens en ville, pour passer toute la fin d’après-midi et la soirée dans la guesthouse, profiter du wifi, puisqu’il n’y a vraiment rien d’autre à faire à Sukhothai.

Je décolle dès le lendemain matin, cette fois pour me rapprocher vraiment de Bangkok, direction Ayuthaya. Cette ville est réputée exactement pour les mêmes raisons que Sukhothai, un Parc Historique plein de vieux temples et classé au Patrimoine Mondial. En fait ce n’est pas là que je veux aller, je voudrais aller directement à Kanchanaburi, à 3 heures à l’ouest de Bangkok. Mais vu le temps de bus pour Bangkok, et l’incertitude totale sur la possibilité ou non de prendre un autre bus dans la foulée, j’ai trop peur de rester coincé à Bangkok et de devoir y passer une nuit. Donc après une longue étude du Lonely Planet et des liaisons en bus entre les villes périphériques, j’ai opté pour une courte après-midi et une nuit à Ayuthaya. Mauvaise surprise, mon bus dessert surtout Bangkok et daigne me déposer sur le bord de l’autoroute, à 6 km du centre. Je sais qu’un taxi sera là pour proposer ses services, mais j’ai peur de me faire racketter sur le prix, et de ne pouvoir rien dire. Je suis le seul passager à descendre là, il n’y a qu’un chauffeur de taxi, je suis à sa merci … et pourtant j’arrive à lui faire baisser son prix ! Soit il est très honnête, soit il a des choses à apprendre … Il me dépose devant la guesthouse la plus populaire, et j’arrive encore à faire baisser le prix de la chambre parce qu’on vient me chercher sur le trottoir alors que je fais mine de ne pas être intéressé. Le temps de poser le sac, j’ai trois heures pour faire une visite expresse de l’essentiel du Parc Historique. C’est parti sur un vélo encore bien négocié (50 cents, ça va, c’est pas trop cher ?). Là encore je me contente de rouler en ville entre les temples et les grandes pelouses un peu désertes, prenant une petite photo par-ci par-là. Je suis quand même positivement surpris par la beauté des ruines, je ne m’attendais pas à ça.




On a beau être près de Bangkok et dans une ville classée, je sens qu’ils ne doivent pas voir beaucoup de touristes, vus les regards qui se tournent à mon passage. En me contentant de l’essentiel, sans passer au-delà de la rivière, je boucle mon affaire en deux heures, j’ai vu ce que je voulais voir en un minimum de temps et sans atteindre le fatidique point de lassitude. Je rentre donc à la guesthouse puisqu’il n’y a apparemment rien à faire en ville. J’ai l’excellente surprise de pouvoir réserver un minibus direct pour mon étape suivante, alors que le Lonely Planet recommandait deux bus publics avec changement dans une ville improbable, mes choix de voyage sont donc récompensés ! Je profite du wifi et ressors tard dans le quartier lorsque je me rends compte que je n’ai plus d’eau. J’en trouve mais on me rappelle quand même que c’est interdit de se balader, qu’ici aussi il y a un couvre-feu. J’avais presque oublié … Dans la guesthouse je rencontre rapidement quelques anglais et deux thaïlandais de Bangkok, mais il est déjà tard, je m’en vais demain matin de toute façon, et je suis dans ma période « je-me-balade-tout-seul-et-je-me-sens-bien-comme-ça,-je-ne-prends-que-les-très-bonnes-rencontres-qui-viennent-à-moi-sans-effort-particulier ».

Le lendemain à 9 heures, je suis déjà reparti, dans le minibus quasiment vide sauf deux australiens. A peine deux heures de trajet tout confort, et j’arrive à Kanchanaburi où je trouve une chambre pas chère dans la guesthouse la plus sympa, avec piscine, et avec vue sur … la rivière Kwaï ! Eh oui, c’est la première raison de la notoriété de Kanchanaburi, on y trouve le fameux Pont sur la rivière Kwaï. Je vais faire un tour au musée, pour prendre une petite leçon d’histoire sur la Voie Ferrée de la Mort, que les Japonais ont fait construire par leurs prisonniers dans des conditions terribles, entre la Thaïlande et la Birmanie pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ensuite forcément, je vais voir le pont, blindé de touristes locaux. On peut même marcher dessus, mais bon ça reste un pont !




Pour profiter du vélo et passer l’après-midi, je vais rouler dans la campagne sur l’autre rive. Des palmiers, du tapioca, des montagnes boisées au loin, des champs, un petit village tranquille … belle balade mais je cherche toujours, sans la trouver, la beauté et la magie que je trouvais partout au Laos et au Cambodge. Je rentre en ville et visite encore un minuscule musée consacré à la guerre et au pont, avec de belles photos d’époque. Je rends le vélo, profite de la piscine de la guesthouse, et je vais faire un tour dans le quartier backpacker, à la recherche d’un petit bar sympa. Au moins la moitié sont trustés par des jeunes filles thaï qui sourient trop et interpellent par-delà le trottoir … OK j’ai compris. D'ailleurs le nombre d'hommes occidentaux d'âge mûr, qui traînent dans le coin, célibataires ou avec une jeune thaï, est particulièrement élevé. Donc je me retrouve au vrai-faux bar, qui ne ressemble à rien, d’un vieil américain décoloré et obèse, installé ici depuis 38 ans, et qui trône toute la journée avec ses copains et clients tout aussi vieux et obèses, à boire de la bière et écouter du vieux rock. Ambiance sympa, heureusement quand même il y a un jeune couple irlando-écossais qui m’aide à me sentir moins intrus.

Le lendemain matin, je pars dans un bon vieux bus local déglingué pour visiter le joyau dans le coin, le Parc National Erawan. En fait de parc, c’est surtout une cascade en sept niveaux, avec de nombreuses petites piscines aux eaux turquoises et des poissons qui viennent tâter de nos mollets, au milieu d’une forêt très verdoyante. Pour monter jusqu’au niveau le plus haut, il y a une bonne petite marche, et tout le long, à chaque niveau, des thaïs et des touristes qui se baignent.




Je termine la journée tranquillement entre la piscine et le wifi, et je passe une soirée sympa avec Giles et Ally, le couple irlando-écossais de la veille, et je fais mon sac pour rejoindre Bangkok le lendemain puis les îles. Je termine quatre jours de petites étapes, sans grandes attentes mais agréables, et entame la dernière ligne droite de ce voyage, par un long séjour au paradis …
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dimanche 23 mai 2010

Dolce vita à Pai

Je quitte enfin Chiang Mai après trois petits jours, et avec Natalia je pars vers Pai, plus haut dans les montagnes. Le minivan tourne et nous ballotte dans les virages sinueux pendant trois heures. A l’arrivée une bonne et une mauvaise surprise. La bonne c’est que c’est mignon comme tout, touristique mais mignon ; la mauvaise c’est qu’il fait aussi écrasant de chaud qu’à Chiang Mai, alors que nous espérions y trouver un peu de fraîcheur. Nous nous installons dans une guesthouse recommandée par Benjamin et Chloé, croisés et recroisés au Cambodge et à Bangkok. Recommandée surtout pour son propriétaire australien très sympa et serviable, et ça se confirme. Entre autres infos utiles sur la ville, il nous indique un bar-piscine. Après le bonheur de la trempette de la veille, on n’hésite pas et il nous emmène gentiment dans son hybride de tuk-tuk et side-car, en faisant des détours dans le centre pour tout nous montrer.

Arrivés là-bas, on trouve une piscine vraiment grande, dans une ambiance très cool, et qui voit-on barboter dans l’eau ? Raphaël et Eva, qui ont quitté Chiang Mai quelques jours avant nous et devaient normalement quitter Pai aujourd’hui. Une après-midi de glandouille rafraîchissante plus tard, nous rentrons en ville, et prenons chacun un scooter. A moins de 3 $ la journée, ce serait dommage de se priver.

Petit resto sympa, pendant lequel nous vivions notre premier black-out. A Pai, au moins une fois par jour et parfois pendant des heures, il y a une coupure complète de l’électricité. Donc plus d’eau fraîche à boire, plus possible de se réfugier sous la clim’ des magasins 7 Eleven … et pas d’eau au robinet non plus donc pas de douche ! La veille la coupure avait duré 9 heures, on prie pour ne pas subir ça pendant notre séjour. On termine dans un bar bien animé, et après un passage au cybercafé, au lit sous le tourbillon de deux ventilateurs, pour être sûr de bien couvrir toute la surface du lit ...

Le lendemain je découvre que j’ai encore attrapé un nouveau problème de santé, sous forme d’éruption faciale très disgracieuse. Comme si je n’avais pas assez cumulé récemment … Un peu inquiétant mais j’accompagne quand même Natalia pour l’activité qui l’obsédait, monter à dos d’éléphants. Direction la campagne et la rivière sur nos scooters, on choisit la ferme qui nous inspire parmi toutes celles alignées, et c’est parti pour 1 heure 30 de balade en éléphant, sans la moindre nacelle à touristes. Monter dessus est déjà impressionnant, on pense qu’on va tomber alors que l’éléphant ne bouge pas d’un poil et qu'il sent probablement l’équivalent d’une fourmi lui marcher sur le dos. Et les premiers mètres ne sont pas rassurants, on pense qu’on va basculer d’un côté ou de l’autre, mais l’éléphant est tellement large, on a les jambes tellement arquées sur chaque flanc, qu’en fait on est bien calé. Enfin, pas super confortable non plus, et les énormes poils, visibles seulement de près, grattent monstrueusement. On arrive dans la rivière, le mahout nous conseille de lui confier toutes nos affaires, et au premier ordre l’éléphant nous envoie valser dans l’eau brune de la rivière. Le fond est très mou et vaseux, on préfère ne pas savoir ce que c’est. Vingt bonnes minutes à grimper sur le dos de l’éléphant, faire du rodéo, valser à l’eau, grimper encore, se faire arroser par la trompe … On finit par rentrer à la ferme, et on peut repartir trempés sur nos scooters, une odeur corsée d’éléphant sur nos fringues.




On s’offre un détour par la campagne alentour, et on rentre en ville pour s’enfiler un fried-rice et se glisser dans la piscine salvatrice, où nous attendent déjà Raphaël et Eva. Quatre heures et cinquante ronds dans l’eau plus tard, on repart en scooter pour explorer une cascade, dommage elle est sèche, et pour monter vers un temple sur la colline, pour profiter d’une vue magnifique sur Pai, sur la montagne d’en face, et le soleil qui surgit d’entre les nuages, après une petite pluie qui fait toujours plaisir à voir par cette canicule. Le temple n’est pas spécialement beau, mais on y trouve des peintures murales impressionnantes, qui montrent des scènes de torture et d’extermination par différents moyens, comme une photographie de l’enfer. Première fois que je vois ça dans un temple bouddhiste …




Encore quelques kilomètres pour atteindre la cascade plus réputée, un énorme rocher où les enfants Thaï se jettent comme des inconscients dans les petites piscines. Sur la route de la cascade, en traversant un village, toutes les femmes nous font signe qu’elles vendent de quoi fumer, herbe ou opium. Absolument toutes et quasiment à ciel ouvert, c’est effarant quand on voit la répression qui existe et les risques pour ceux qui se font attraper. D’ailleurs la police ferait souvent des contrôles dans le coin, fermant sûrement les yeux sur les vendeurs locaux qui arrondissent les fins de mois, et se concentrant sur le touriste à qui on fera cracher des milliers d’euros, de la main à la main bien sûr.

Retour en ville, petit stress au moment de prendre la douche à cause d’une nouvelle coupure générale (éléphant du matin + transpiration : état sanitaire préoccupant), et on repart vers la guesthouse de Raphaël et Eva, où l’on retrouve par chance François, Damien et Elise, les savoyards rencontrés quelques jours plus tôt à Chiang Mai. On passe donc une soirée tranquille, ponctuée par les aller-retours au 7 Eleven pour acheter des bières et profiter de la clim’ un moment. Je finis par me sentir brutalement fatigué et avoir même froid alors qu’il fait encore 30°C à minuit. Je rentre donc rapidement et m’enfouis sous mes draps sans allumer la ventilo, espérant faire passer le mauvais trip. Le matin, le diagnostic est clair, je suis tombé malade, en plus du « problème facial » apparu la veille. Avec tous les accidents, chutes, infections et autres depuis plus d’un mois, ça commence à faire beaucoup. Faut-il y voir un signe ? Une accumulation de fatigue qui m'exhorterait à terminer ce voyage ?

Toujours est-il que je n’ai pas la grande forme. La journée se passe tant bien que mal autour de la piscine, de plus en plus bondée. Et le soir je ne trouve pas la force de rejoindre les autres, m’écrasant au lit pour plus de 12 heures. Le lendemain, quasiment tout le monde s’en va, sauf Damien et Elise. Je déménage dans la même guesthouse, plus sympa, et passe une nouvelle journée de glandouille en attendant que ça aille mieux. J’aimerais rester quelques jours à Pai, mais je me décide à rentrer à Chiang Mai pour trouver un hôpital moderne, où l’on me confirme le diagnostic infection + allergie. Ben voyons, ça devient une habitude. Enfin je me sens déjà mieux … on ne peut pas en dire autant de la situation politique en Thaïlande ! La situation a dégénéré à Bangkok, et de petits incidents éclatent dans le nord du pays, d’où sont originaires les Chemises Rouges qui sont essentiellement des paysans. En voulant me rendre à la gare pour acheter mon billet, je suis bloqué devant un pont où brûlent des pneus, avec des policiers prêts à intervenir. Un expatrié me dit qu’un coup de feu a été tiré sur un manifestant qui voulait mettre le feu à la maison du gouverneur.

Là je ne sais plus comment faire, je suppose que la gare ne fonctionne pas. L’avion vers le sud coûte un peu trop cher (et je ne veux pas y arriver trop vite à cause de mon infection). Le soir on annonce un couvre-feu à 21h, il ne manquait plus que ça. Je décide de descendre doucement vers le centre puis vers le sud en bus, avec plusieurs petites étapes, pour me laisser le temps de guérir et en espérant que Bangkok se calme. Malgré mon overdose, et la promesse que je m’étais faite, l’étape suivant sera faite de temples, je n’ai rien trouvé d’autre sur la route ! Et qui sait, je trouverai peut-être enfin un charme à la Thaïlande qui pour l’instant me laisse de glace, exceptée l’ambiance relax de Pai … vivement les îles !!
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jeudi 20 mai 2010

Cuisine et cure de français à Chiang Mai

Je quitte le quartier backpacker de Bangkok en début de soirée, et je ne résiste pas à la tentation d’un taxi climatisé.  Par principe ce n'est pas trop dans mes habitudes, mais la fournaise est vraiment pénible. Direction la gare de Bangkok, pour un trajet de nuit vers Chiang Mai, la deuxième ville du pays, la plus culturelle par réputation et beaucoup plus relax que Bangkok. J’ai une joie presque bête et enfantine à prendre un train, parce que je n’ai pas eu l’occasion d’en prendre en plus de 10 mois de voyage, et qu’une nuit en train a toujours un petit quelque chose de spécial, indéfinissable. Contrairement au bus, on peut vraiment dormir, on peut se balader. J’entre dans mon Wagon 2nd Class Sleeper, avec ventilo mais sans clim, et là malgré l’énorme différence de prix j’ai peut-être fait une erreur, parce que le train va rester immobilisé en gare pendant plus de deux heures, sans explication du personnel, et la température est monstrueuse. En plus mon lit est en haut, et le ventilo juste à côté de moi ne m’envoie quasiment aucun air frais. Intenable … J’en profite quand même pour prendre des photos des Thaïs sagement assis sur le quai d’en face, attendant leur train très en retard et utilisant tout ce qu’ils peuvent comme éventail.




A minuit le train démarre enfin, et après quelques minutes de secousses, j’arrive à m’endormir et passe une nuit étonnamment bonne. Au réveil il reste encore de nombreuses heures avant d’arriver, c'est l’occasion d’admirer le paysage dans le wagon quasiment vide, de nombreux voyageurs ayant migré vers les wagons avec clim’. Je remarque que même en son coeur la Thaïlande est un pays très développé. On m’avait prévenu. Ah j’ai parlé trop vite, lors d'un arrêt des femmes montent avec des paniers pleins de nourriture à vendre. De l'Equateur à la Thaïlande, des scènes identiques ...

On arrive enfin à Chiang Mai vers 14h, je monte dans un « taxi-remorque » avec d’autres backpackers, et je choisis la guesthouse qui me paraît la plus conviviale. Gagné, ça grouille de gens, le petit coin pour backpackers. En fait de dortoir, on me donne une chambre double à partager, pour 2 €. Encore moins cher ça existe ? Au moment de partir découvrir la ville, je rencontre Elise et Damien, qui voyagent depuis déjà 1 an et encore pour 6 mois, et leur pote François qui n’arrive que pour ses vacances mais avec du saucisson. Plaisir intense et inattendu. S’ajoutent bientôt Raphaël, Pierre un belge, Eva une allemande qui parle un peu français, et deux suisses francophones. Bref ça ne parle que français et ça fait du bien. Sauf pour la pauvre anglaise Sophie qui se sent perdue malgré nos efforts pour parler anglais. On dîne tous sur un étal de nourriture thaï, sur le trottoir. En Thaïlande plus qu’ailleurs, je ne vois pas l’intérêt de manger dans un restaurant, la nourriture est la même et deux à trois fois plus chère. Puis direction le Freedom, un bar reggae tenu par un thaï rasta au moins aussi stone qu’il est sympa, pour une petite soirée sur la terrasse en bois, agrandissant le cercle chaque heure pour tous les gens qui arrivent.

Le lendemain je pars visiter quelques temples en ville avec François, il faut dire que Chiang Mai en compte presque 300, donc malgré mon overdose j’en trouve encore quelques-uns qui m’impressionnent. Surtout nous montons dans un taxi-remorque pour aller visiter Doi Suthep, perché sur une montagne qui domine la ville. C’est très touristique, du tourisme local surtout, le temple est plein de vendeurs de toute sorte qui font leur beurre de la ferveur bouddhiste. Le temple n’est pas remarquable à mon goût, bien qu’il brille beaucoup. Au centre les gens tournent autour d’une stupa dorée or en tenant une fleur les mains jointes devant leur front, apparemment une spécificité du bouddhisme thaï, que je n’avais jamais vue ailleurs. Je vois avec amusement un occidental ventru s’adonner à ce rituel en suivant une petite thaï, apparemment sa copine qui l’a initié et instamment prié de faire comme elle. A moins qu’il ait décidé de se convertir au bouddhisme, cela m’amuse beaucoup, et j’ai déjà vu cette scène plusieurs fois, la dernière en date à Bangkok. Mais surtout, pas besoin d’aller dans un temple, et pas forcément en Thaïlande, pour voir cet attelage récurrent d’une jeune thaï avec un occidental bien plus vieux ou pas très attirant …




De ce temple on a au moins une belle vue plongeante sur la ville et il fait plus frais, enfin un peu moins étouffant. Des étudiants sillonnent les allées pour proposer un sondage aux étrangers, visant à savoir si les événements politiques liés aux Chemises Rouges ont un impact sur la fréquentation touristique. Personnellement je ne regrette pas d’être quand même venu, puisque je suis passé à Bangkok juste au bon moment, et que le reste du pays ne connaît aucun problème.

Nous redescendons en ville, avalons vite fait un pad thaï dans un resto local, et l’après-midi se passe vite, entre cybercafé à un prix dérisoire (0,40 € de l’heure !), massage exquis et petit tour en ville. Malheureusement je me rends compte que Chiang Mai, malgré sa réputation de ville culturelle et son ambiance relax, n’a quand même pas grand-chose à offrir sinon ses temples. Ah si, les guesthouses et agences proposent de nombreuses activités comme les cours de cuisine thaï, les cours de massage, les treks dans les montagnes proches, les soins aux éléphants … mais elles sont toutes facturées très cher, des prix sans relation avec le coût de la vie en Thaïlande. Et je ne suis toujours pas très chaud pour partir en trek, mon pied n’étant pas encore bien remis. Donc déception rapide sur cette ville, confirmée par d’autres voyageurs.

Je reviens à la guesthouse, grouillante de vie à l’heure de l’apéro, et je retrouve tout le petit groupe. On a perdu les deux suisses mais on a gagné Natalia, parigo-colombienne ou colombo-parisienne. Le scénario de la soirée est immuable : dîner sur le trottoir devant un étal, et squat de la mini-terrasse en bois du bar reggae, accueillis par le patron toujours stone, rafraîchis par les bières thaï et les cocktails, et endoloris par les longues heures assis par terre. Beaucoup de monde qui dort à la Family Guesthouse, de nouvelles têtes bien sûr mais toujours un seul cercle. A part dasn le voyage, y a t-il une seule autre situation où les gens se mélangent aussi facilement ?

Le lendemain matin, quasiment tout le monde est parti vers diverses destinations. Je repars courageusement pour un petit tour en ville sous la fournaise. Je parle de la chaleur intenable depuis Vientiane, au Laos, mais il faut savoir que cette saison sèche, qui précède l’arrivée de la mousson, est la plus chaude depuis 15 ans. Et selon l’expression, il n’y a que trois saisons en Thaïlande : chaude, très chaude, et trop chaude. Cela me fait un peu regretter d’être venu en Asie du Sud-Est à cette période, parce qu’en plus d’être sous la fournaise, on perd l’essentiel de la beauté du paysage, et de nombreux treks perdent de leur intérêt. Par contre il y a beaucoup moins de moustiques, argument qui ne me laisse pas insensible, vu que je suis l’une de leurs proies préférées.

J’atterris encore dans un temple, et assiste un moment à une cérémonie bouddhiste, avec des moines qui chantent et une vieille dame qui paraît être le centre d’intérêt. Je me promène surtout autour du temple et de la stupa blanche, et je découvre de nombreux principes de sagesse sur des écriteaux accrochés aux arbres, comme je l’avais déjà vu hier dans un autre temple.




Je rentre doucement à la guesthouse, la bouteille d’eau dans une main et la serviette dans l’autre. L’après-midi se passe doucement, entre écriture peu inspirée du blog et glandouille. Le soir je retrouve Natalia et Gianna, l’américaine qui partage sa chambre. Soirée tranquille entre dîner sur l'étal habituel et discussions houblonnées, affalés sur les matelas de la guesthouse. Pas de bar reggae pour une fois.

Lever tôt le lendemain, Natalia et moi nous sommes inscrits pour un cours de cuisine thaï. On vient nous chercher avec quelques anglais de la guesthouse et trois autres voyageurs, et le camion nous emmène d’abord au marché pour une explication des différents produits de base. Le marché est magnifique, à la fois exotique pour nos yeux d’occidentaux et parfaitement propre et organisé. Pour ce qui nous intéresse directement, on trouve des pâtes à curry déjà prêtes, on voit la fabrication du lait de coco, les innombrables sauces qui font toute la particularité de la cuisine asiatique. Et côté viande, des têtes de cochons, des brochettes, des choses indéfinissables … et des criquets, des cafards, et autres insectes repoussants. Je me suis toujours dit que je devais essayer mais je n’ai pas encore sauté le pas.




Le camion nous emmène ensuite vers la ferme bio, en pleine campagne. Un endroit magnifique, bien qu’aussi brûlant qu’en ville. Et une belle machinerie commerciale, avec trois petits bâtiments permettant d’accueillir autant de groupes simultanément, avec un petit espace de cuisine fonctionnel pour chaque élève. Et dehors un potager bio, avec quasiment tous les légumes et herbes utilisés pour les leçons. On nous explique tout (pas de bol nous sommes tombés sur la seule prof qui parle un anglais horrible), on nous fait sentir, et on passe rapidement aux travaux pratiques. Chacun a choisi quatre plats et un dessert, prévus pour être mangés dans la foulée. On commence par un curry, vert, rouge ou jaune. Piler les herbes dégage des senteurs incroyables. Ça va très vite à faire finalement, rien de compliqué. Pour la suite j’ai choisi la soupe au poulet et lait de coco, encore un régal qui actionne méchamment le réflexe de Pavlov, puis le poulet au basilic. Voilà trois plats qui embaument, nous avons enfin le droit de goûter tout ça. Ajoutés au riz collant et au riz vapeur, forcément on a le ventre explosé, et sous la fournaise de midi, on n’en mène pas large. Après la sieste avec les fourmis, on reprend le cours avec le dessert, pour moi le fameux « sticky rice mango », un régal d’une simplicité bête et méchante. On ne résiste pas à manger le dessert, malgré les trois vrais plats mangés juste avant la sieste. Et on attaque le dernier plat, j’ai choisi le fameux pad thaï, à base de noodles. On repart chacun avec notre dernier plat dans un sac plastique, et un livre de recettes avec tous les plats. Reste à trouver les mêmes ingrédients en France, pas gagné …




De retour en ville, je vais m’incruster avec Natalia et Gianna dans la piscine d’une guesthouse, sur les conseils de Phil, un quarantenaire canadien rencontré au cours de cuisine. La piscine est abritée du soleil, ultra-fraîche, c’est un bonheur AB-SO-LU. On rencontre par la même occasion Mike, le copain de Phil, le bon gars avec sa longue natte, que l’on imagine bien traverser le Canada au volant d’un énorme truck.

Le ventre encore plein et le corps temporairement rafraîchi, le sourire aux lèvres, nous partons vers le temple de Wat Sisuphan. A Chiang Mai, plusieurs temples proposent des retraites pour apprendre la méditation de 2 jusqu’à 21 jours. Ici c’est une simple introduction d’une heure à la méditation, précédée d’une session de discussion avec un moine. Depuis le Laos, j’ai souvent eu des petites conversations avec des moines et novices, pour en savoir plus sur leur vie et leurs principes, mais à chaque fois je suis tombé sur des jeunes qui ne passaient qu’un court moment de leur existence comme novices, et voulaient surtout pratiquer leur anglais. J’étais disposé à leur rendre ce service, mais la discussion restait très terre-à-terre et ça en devenait lassant.

Ici nous avons droit à une discussion de fond, avec un moine jeune mais très réfléchi, qui parle un anglais correct. De nos simples questions sur certains de leurs préceptes, comme l’interdiction de toucher les femmes, il en vient à parler du karma, de ce qui provoque la création du karma. Pour bien comprendre il aurait fallu déjà avoir des bases, et passer des heures à discuter.

S’ensuit l’introduction à la méditation, dans le temple même. Il s’agit simplement de se concentrer sur une chose, qui a du sens ou pas, jusqu’à ce qu’on continue à la voir même les yeux fermés. Ou de se concentrer sur sa propre position, assise, couchée ou debout. Se concentrer sans penser à rien, une façon d’exercer l’esprit. Pour ceux comme moi qui cumulent deux handicaps, avoir les jambes raides comme un piquet et l’esprit qui divague toujours d’une idée à l’autre, c’est pas gagné … Et le lien de cause à effet entre la technique et l’objectif de sagesse et sérénité m’échappe largement, il faut probablement des années. Mais au moins j’ai vu ce que c’est, et j'éviterai de me lancer dans une session de deux ou trois jours … sauf si un jour je deviens souple, sur un malentendu.

Nous rentrons à la guesthouse en traversant quartiers populaires et marché de nuit avec ses étals, et goûtons enfin à notre pad thaï cuisiné dans la journée. Pas facile de manger avec des baguettes dans un sac plastique … Mike et Phil sont là aussi, profitant de l’ambiance animée et jeune de la guesthouse, et ne nous laissent pas payer une seule de nos bières. Comme si la journée n’avait pas été assez pleine, nous filons tous au bar reggae, saluons le patron toujours en harmonie avec la nature et Bob M., et venons agrandir le cercle déjà bien grand sur la petite terrasse en bois. Mike et Phil continuent d’arroser sans que nous puissions y redire quelque chose, et la soirée se passe comme d’habitude, comme sur un petit nuage animé au milieu d’un quartier endormi.




Le lendemain, je décolle enfin de Chiang Mai, ville qui me plaît bien peu mais où j’ai rencontré plein de gens sympas. Peut-être faut-il y passer un long moment pour la cerner ? Avec Natalia, je pars vers les montagnes, espérant y trouver un peu de fraîcheur. On peut toujours rêver …
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vendredi 14 mai 2010

Ça chauffe vraiment à Bangkok

L’avion se pose à Bangkok en début de soirée, j’arrive ainsi en Thaïlande, le douzième et dernier pays de mon voyage. Dernier parce que mes envies initiales, de poursuivre en Malaisie et en Indonésie, sont complètement irréalistes et intenables si je veux éviter de courir. J’ai voyagé plus lentement que bien des voyageurs, mais encore beaucoup trop vite, et je n’ai donc aucun remords à enlever deux pays de l’itinéraire, pour mieux prendre mon temps en Thaïlande.

Je prends la navette vers le centre, absolument frigorifiée à cause de la clim. Je descends dans une rue assez calme entre la rivière Pra Chraya et la rue Khao San, le célèbre quartier des backpackers. Je prends la guesthouse recommandée par le Lonely Planet, qui propose en guise de chambre des petits carrés claustrophobiques avec le bruit de la rue en direct, pour 5 $ ! Et autour les autres guesthouses proposent à peu près la même chose pour plus cher. Qui m’a dit que la Thaïlande était bon marché ? Assommé par la chaleur écrasante même en pleine nuit, je ne pars pas me balader et me réfugie sous la clim du cybercafé.

Après une nuit étonnamment bonne, le matin n’est pas plus frais, et je prends tout mon temps pour visiter le quartier backpacker. On ne m’avait pas menti, la Thaïlande est très développée et occidentalisée. Autour de ma guesthouse, deux ou trois rues piétonnes assez tranquilles, mais un peu plus loin se trouve l’infâme Khao San. Le pire visage du tourisme à outrance pour occidentaux, des magasins partout, des vendeurs qui ne nous lâchent pas la grappe, des enseignes et de la pub partout, des chauffeurs de tuk-tuk et taxis insupportables qui ne se contentent pas de proposer leurs services et mais demandent « Where you go ? what you’re looking for ? » (ce que je cherche ? pas toi boulet !). La laideur incarnée. Pas de photo pour illustrer ça, même avec un numérique ce serait du gâchis d’en prendre une.

Malgré mon pied encore très douloureux, je marche doucement vers le Mont Doré, un temple en haut d’une petite colline, assez beau et surtout qui donne une vue à 360° sur Bangkok. Contre toute logique et toute raison, je pars pour une longue balade urbaine vers le centre. Rien de très beau mais le Bangkok non touristique, des quartiers populaires et vivants. En voulant photographier une ruelle, tous les habitants qui s’y trouvent me regardent avec curiosité et sourire, et un homme s’empresse de me demander une photo avec son petit garçon, dans son vieux et beau camion. Une petite requête simple et bon enfant, comme j’en avais satisfaites plusieurs au Vietnam. La gentillesse des Thaïs ne paraît donc pas être une légende, même si elle reste moins évidente qu’au Laos et au Cambodge, et il faut impérativement sortir des coins touristiques pour la voir. Sinon c’est plutôt une indifférence blasée que l’on reçoit.




Soudain la rue est pleine de policiers en tenue d’intervention, et de militaires. A peu près un tous les 50 mètres, arme au poing, avec des plots de béton qui peuvent faire office de barrage. Bangkok est agité par des troubles politiques, avec les manifestations des Chemises Rouges, et je comprends que j’arrive en zone chaude. Mais dans l’immédiat, il ne se passe rien, et tout le monde circule librement, véhicules et piétons, donc je ne me prive pas d’approcher toujours plus du centre. Et la vie semble suivre son cours normal, même dans cette zone sous haute surveillance. Je vois même un cours de gym collective sur le trottoir. Encore un ou deux kilomètres de marche - un bon centimètre sur ma carte, Bangkok est immense - et j’arrive en plein centre, à proximité de Siam Square. Autour d’un grand carrefour au trafic dense, et au-dessus duquel se chevauchent les passerelles piétonnes et métro aérien, se pressent des grands centres commerciaux, un centre culturel, et les barricades des Chemises Rouges. Je ne me prive pas d’aller jeter un œil du haut de la passerelle, d’autant que c’est calme malgré les discours permanents qui sortent des hauts-parleurs. Il y a quand même des contrôles à l’entrée des barricades, et même si je me doute bien que les étrangers ne sont absolument pas indésirables, je m’abstiens pour le moment d’aller voir de plus près.




Je vais me balader un long moment dans l’énorme centre commercial MBK, le plus populaire et surtout le seul qui puisse encore ouvrir malgré les barricades à 20 mètres. Je suis tout sauf un fou du shopping, mais c’est une balade pas désagréable avec le soulagement qu'apporte la clim’. Je rentre en bus, aidé par une jeune Thaï qui m’indique le bon bus et le bon arrêt sans même m’avoir demandé où je dors. Je passe une soirée tranquille dans mon quartier et retrouve Benjamin et Chloé, que j’ai croisés plusieurs fois au Cambodge, et qui partent le lendemain à l’Australie. Leur tour du monde est à peu près le même que le mien mais en sens inverse.

Le lendemain est culturel, je ne résiste pas à l’envie d’aller visiter le Grand Palais et le temple Wat Phra Kaew, qui sont les emblèmes absolus de la Thaïlande et de la royauté. Je m’étais pourtant promis de ne plus visiter de temple, mais il faut reconnaître que celui-là vaut le coup d’œil, avec une débauche de stupas, dorures, petits édifices plus beaux les uns que les autres … Juste à côté trônent majestueusement des édifices non religieux mais monarchiques, et au milieu, bizarrement, un grand bâtiment de style complètement français, comme un grand hôtel ou un casino des années fastes.




Je poursuis vers le temple voisin Wat Pho, toujours abordé par des chauffeurs de tuk-tuk ou par des gens qui se font passer pour la police du tourisme et me racontent les pires bobards pour m’envoyer là où je ne veux pas et me vendre quelque chose. Autant de menteurs, de harceleurs, d’escrocs croisés en deux jours, ça fait beaucoup et je me montre progressivement indifférent et méprisant avec tous ceux qui m’abordent sans que j’aie rien demandé, commençant à connaître par cœur leurs techniques et leurs mensonges, assez récurrents en fait.

Au temple Wat Pho, je vois surtout un Bouddha allongé absolument énorme, environ 50 mètres de long et 15 de haut, comme emprisonné dans son bâtiment et ses colonnes. Somp-tu-eux. Je rentre à peu près tranquillement à pied, ne prêtant pas la moindre attention aux « Sir, where you go, where you’re from ? ». Je m’égare volontairement dans de petites ruelles qui mènent aux embarcadères et cachent les petits délices visuels habituels de l’Asie du Sud-Est. Enfin un peu d’exotisme dans cette moderne méga-cité !




Je rentre tranquillement dans mon quartier, je mange comme d’habitude dans la rue sur les petits étals qui servent des plats excellents pour à peine plus d’un dollar. J’apprendrai le lendemain que de nouveaux affrontements avec les Chemises Rouges, ou des éléments incontrôlables peut-être, ont fait deux morts chez les policiers. Pas si calme que ça la situation, malgré les signes positifs de discussion.

Le lendemain, je retrouve Fiona, arrivée de Siem Reap la veille. Je lui fausse vite compagnie pour partir à l’hôpital, un peu inquiet par les douleurs persistantes au pied gauche. Les hôpitaux privés à Bangkok n’ont rien à envier aux européens : confort, hygiène, médecins pointus … Bangkok est même une destination prisée pour son « tourisme médical ». J’en repars rassuré et retourne vers Siam Square. Cette fois je décide de contourner les barrages, je m’engage dans les rues commerçantes qui restent paisibles à moins de 100 mètres, et j'entre en plein dans le quartier de résistance des Chemises Rouges. Ils vivent là depuis un long moment, s’appropriant plusieurs kilomètres des principaux axes de circulation et organisant leur petite vie sur le bitume, sous des tentes. Un grand écran diffuse les discours qui se tiennent en direct à plusieurs blocs d’ici, ponctués par les applaudissements réguliers des militants qui approuvent. De temps en temps ils s’expriment même en anglais, pour expliquer leur combat et sensibiliser les étrangers qui se baladeraient par là. J’attire bien quelques regards étonnés, mais l’ambiance est bonne et je peux me balader sans problème au milieu d’eux. Une jeune Thaï sur son stand me propose même en rigolant d’acheter une chemise rouge, elle comprend bien que je ne veux pas, je veux pouvoir passer les check-points au retour !




Je retourne au MBK où je retrouve Fiona et son ami d’études qui vit ici. Après un dîner japonais dans un des innombrables restaurants du centre, on se fait un film en anglais dans un vrai grand cinéma, depuis le temps ça fait du bien. Avant le début de chaque film, une sorte de clip en l’honneur du roi est diffusé, et tout le monde se lève. Même si l’on est étranger et qu’on se moque de la royauté, mieux vaut suivre le mouvement et ne pas montrer le moindre signe de non-respect au roi. On peut se retrouver un prison pour presque rien … On rentre en taxi en pleine nuit, passant les check-points qui regardent attentivement les passagers de chaque voiture. Devant nous une voiture est arrêtée pour contrôle plus appuyé. Bah oui forcément elle est rouge, on n’a pas idée de circuler en voiture rouge !

Le lendemain je profite un long moment d’un wifi gratuit, y retrouve Fiona presque par hasard, et retourne vers le centre pour y visiter la maison de Jim Thompson, un américain ex-CIA qui s’était installé ici pour y développer le commerce de la soir. Sa maison est sublime, d’une architecture authentiquement thaï en teck, dans un petit jardin tropical. J’y retrouve Loïc, un français que j’avais rencontré à Sydney il y a quatre mois, avec sa copine. Une grosse coïncidence comme je n’en ai plus eue depuis longtemps !

Je les quitte et rejoins à nouveau Siam Square, hésitant à aller visiter Chinatown ou le parc Lumphini. Il est un peu tard, je quitte Bangkok dans quatre heures, donc je reste là et visite le Arts and Culture Centre, un bâtiment futuriste (et climatisé !) qui exhibe surtout des photographies sur la Thaïlande contemporaine. Retour en bus dans ma guesthouse, dîner rapide sur un étal de rue, et je file à la gare en taxi. Je n’en peux plus de la fournaise de Bangkok, et de cette méga-cité bien peu agréable à vivre, enfin pour ce que j’en ai vu. Mais je devrai revenir de toute façon, juste à la fin. Maintenant direction le nord et Chiang Mai, pour un peu de fraîcheur j’espère et forcément plus de charme.
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dimanche 9 mai 2010

Encore des temples … mais les temples d’Angkor !

Je quitte Battambang tôt le matin, en boîtant à cause de mon accident la veille. Les bandages se multiplient et je suis bon à expliquer 10 fois pas jour que j’ai eu un accident de scooter, enfin deux ! Le bus m’amène vers le port tout près de là, j’ai choisi un voyage en bateau réputé très beau pour rejoindre ma dernière étape cambodgienne, et pas la moindre, Siem Reap. Pas la moindre parce qu’à côté se trouve la 8ème merveille du monde …

Je monte dans la longue pirogue, avec quelques autres voyageurs et beaucoup de cambodgiens. Le bateau est bien plein, il y a juste la place de s’asseoir et peu de place pour les jambes, pendant 8 heures ça promet bien du plaisir … Je m’attendais à des conditions de confort rustiques, mais pas à être aussi serré, vu le prix du voyage bien supérieur au bus, et plus long. Mais la clé d’un voyage riche en souvenirs et en images fortes, c’est d’éviter les déplacements trop faciles, et de brader le confort contre un itinéraire inédit. Le vrai voyage c’est d’y aller, pas d’arriver …

La pirogue bien chargée démarre, et je découvre tout de suite une vie sur la rivière que j’ignorais, même en ville. Bien sûr les habitants qui habitent sur les rives s’y baignent et s’y lavent, rien de nouveau. Mais je vois aussi des cambodgiens vivre dans de petites pirogues, à peine 5 ou 10 mètres carrés tout en longueur. Tous les 20 mètres on voit ces petits tuyaux bleus qui plongent pour pomper l’eau brunâtre, on sait qu’ils font bouillir l’eau mais ça reste effrayant.




La pirogue avance lentement et prudemment, l’eau est très basse en cette fin de saison sèche. Au bout de deux heures, la rivière se fait plus étroite, les rives moins hautes et dénuées de toute maison, nous sommes en pleine campagne mais ne pouvons rien voir des environs. Il y a juste quelques pêcheurs sur les bords, avec un matériel de fortune mais beaucoup d’adresse. Le bateau progresse très difficilement, à la limite de l’échouage. Au bout de cinq heures nous faisons enfin un premier arrêt, au confluent de deux rivières. Endroit très spécial, très sale, où l’on confond la terre ferme et l’eau, les maisons entièrement sur pilotis et celles accrochées à un bout de rive. La petite boutique où nous accostons vend juste de quoi grignoter et boire, et les toilettes sont un simple trou dans le sol, au-dessus de la rivière. Sachant que non loin de là, des locaux utilisent probablement l’eau pour se laver, faire leur lessive. Deux jours plus tard, je verrai justement un reportage sur TV5 Monde à propos des conditions d’hygiène autour du lac Tonlé Sap, précisément là où je me trouve. De nombreux cambodgiens n’auraient pas de vraies toilettes parce qu’ils ont toujours vécu sans, et n’en ressentent pas le besoin.

Ravitaillés, dégourdis, et les fesses désendolories, nous repartons sur la pirogue. Nous arrivons à un premier village flottant mais encore attaché à la rive. Les maisons sont très correctes et flottent grâce à uns structure de bambous et de grosses citernes immergées. Elles sont toutes reliées entre elles, et donnent l’impression d’une vie paisible qui perdurera longtemps, parce que ses habitants ont toujours vécu comme cela et ne veulent rien changer, malgré les petits inconvénients évidents. Partout sur les « balcons d’entrée » et dans les pièces principales, des hamacs qui se balancent frénétiquement, premier symbole d’une vie tranquille.




Nous déchargeons un certain nombre de passagers cambodgiens et leurs marchandises diverses, et continuons le voyage, un peu plus légers et espacés. La rivière s’élargit beaucoup, devenant un fleuve puis un lac immense, le Tonlé Sap. En plein milieu du lac, seulement ponctué par quelques filets de pêche, le moteur a des ratés, cale plusieurs fois, mais le conducteur fait des réparations de fortune et nous repartons. Nous arrivons à un autre village flottant, celui-là en plein milieu du lac, avec des maisons toutes indépendantes les unes des autres, formant des rues et des boulevards plus ou moins anarchiques.




Nous sortons du lac, et la pirogue engageons dans un canal qui paraît tracé artificiellement. La circulation est difficile, nous croisons des dizaines de pirogues qui emmènent les touristes vers le village flottant sur le lac. Et comme le niveau de l’eau est très bas, toutes les pirogues veulent passer au milieu. Nous les frôlons donc en sens inverse, et sommes arrosés par les hélices qui affleurent et font gicler une eau horriblement brune et épaisse. En plus de cette circulation fluviale, les maisons sur pilotis se font de plus en plus nombreuses, rendant le trafic très compliqué. Notre conducteur, apparemment impatient d’arriver après neuf heures de voyage, tente un dépassement en force … pas de chance il y a avait un banc de sable au milieu et nous nous retrouvons échoués en plein milieu, l’air fins, laissant repasser devant nous le bateau de touristes japonais hilares (tiens, ils n’ont même pas pris de photos à ce moment, bizarre non ?). Nous finissons par arriver à destination, enfin, et sommes littéralement abordés par de nombreux chauffeurs de tuk-tuk, qui sautent sauvagement sur la pirogue avant même qu’elle ait touché le pont, dans le but d’attraper un client. Le genre « d’agression » que je déteste, mais le chauffeur qui me choisit comme proie est tout gentil et me propose le prix incroyable de 1 $ alors que nous sommes loin de la ville. Il serait indécent et même stupide de discuter ce prix, puisque je m’attendais à payer au moins 5 $, voire à être racketté étant donné notre dépendance complète. Leur stratégie est simple : essayer de nous emmener dans une guesthouse qui leur paiera une commission, et nous proposer leur service pour la visite obligée autour de Siem Reap : les temples d’Angkor. Des courses d’une journée, très lucratives.

Pour 1 $, je ne partage même pas mon tuk-tuk avec l’allemand sympa que j’ai rencontré sur la pirogue, et nous nous suivons dans deux tuk-tuks différents, histoire de satisfaire les deux chauffeurs qui nous ont abordé. Et finalement nous n’allons même pas dans la même guesthouse, parce que sa priorité est de trouver une guesthouse pas chère, alors que la mienne est d’être près du centre à cause de mon pied mal en point, entre autres blessures. Une fois installé dans une guesthouse correcte mais sans intérêt, je pars refaire le plein à la pharmacie, puis un rapide tour du centre. On ne m’avait pas menti, Siem Reap est très touristique, le centre est en fait réduit à trois ou quatres blocs où s’alignent les restaurants et bars branchés et occidentalisés. Aucun intérêt culturel donc mais ce n’est pas désagréable de temps en temps de se retrouver dans ce genre d’endroit, pour se faire un peu plaisir en tout confort. Aligner uniquement des lieux touristiques et occidentalisés enlèverait tout sens au voyage ; aligner uniquement des lieux hors des sentiers battus, au confort spartiate, serait un peu dur et lassant. Dans un long voyage, on ne fait pas que voyager, on vit aussi, donc il ne faut pas renier ce que l’on est, un occidental qui aime se faire plaisir.

Le jour suivant est entièrement paresseux, passant d’un bar cozy à un restaurant recommandé pour écrire le blog, reposer mon pied douloureux et surtout potasser ce qui va occuper l’essentiel de mon séjour ici : la visite des temples d’Angkor. J’embauche Vey, mon très sympa chauffeur de tuk-tuk de la veille, et nous convenons de partir à 5h le lendemain pour assister au lever de soleil sur le temple le plus connu et peut-être le plus majestueux : Angkor Wat. Le lendemain il est là à l’heure, et sur sa moto on se retrouve dans un trafic impressionnant pour une heure si matinale. Les temples d’Angkor sont quand même la huitième merveille du monde, ils drainent un public énorme (groupes d'asiatiques surtout), et le lever de soleil à Angkor Wat est un classique absolu. Une fois déchargé de 40 lourds dollars pour trois jours de visite, un prix astronomique pour l’Asie du Sud-Est, j’arrive avec mon chauffeur à Angkor Wat, au milieu d’une foule énorme qui se presse pour trouver un bon angle de vue avant le moment fatidique du premier rayon. Les tours du temple sont devant nous, les lueurs naissantes du soleil juste à gauche, la photo serait parfaite s’il n’y avait des centaines de silhouettes aux vêtements voyants devant moi, rendant difficile le cadrage d’une bonne photo en évitant ces tâches humaines disgracieuses dans un cadre si grandiose. Et le soleil apparaît enfin, me laissant un peu sur ma fin sur la magie habituellement attendue d’un lever de soleil dans un endroit spécial.
Lieu mythique n°9 atteint.




Pour battre le lever de soleil sur l’île de Pâques il y a quelques mois, il faudra repasser. Enfin bon je l’ai fait. Vey m’a concocté un petit itinéraire sympa, et me propose de ne pas visiter Angkor Wat aujourd’hui, mais de filer à Angkor Thom à quelques kilomètres de là. C’est le deuxième site le plus réputé, d’un style différent, comprenant plusieurs temples, bassins, terrasses. A cette heure-là il y a encore peu de monde, et je commence par le Bayon, splendide avec ses visages ronds sculptés dans la pierre et ses différentes tours.




Je fais le tour du site, avec notamment le Baphuon restauré par une équipe française, me balade seul sur de petits chemins dans les arbres, jette un coup d’œil à une grande cérémonie qui draine de nombreux moines, et retrouve Vey qui m’emmène à une série de petits temples tous très différents, pour finir au célèbre Ta Prohm, un temple envahi par la végétation et qui a notamment servi de décor au film Tomb Raider. Des arbres énormes ont poussé sur la pierre, fragilisant les édifices pour finalement en devenir le soutien. Quand les temples d’Angkor avaient été découverts, le plan de restauration avait judicieusement décidé de laisser ce temple dans cet état d’envahissement, pour ne pas risquer son effondrement, ce qui donne maintenant un site magique, qui donne presque l’impression d’être un décor en carton-pâte.




Malgré la chaleur écrasante à midi, et les demandes incessantes des locaux, adultes et enfants, qui essaient de vendre quelque chose, j’ai le courage d’en faire un de plus, le Banteay Srei, quasiment vide de touristes et vraiment très beau. Vey me ramène en ville, et m’aide à déménager mon sac vers une autre guesthouse beaucoup plus sympa, avec plein de gens, un bar en terrasse, tout ce qui peut rendre un séjour très sympa. Je glandouille donc toute l’après-midi, et le soir je retrouve Jola que j’avais quittée il y a dix jours à Kep après Rabbit Island. Je ne la suis pas avec sa copine hollandaise, je ne suis pas vraiment en état de sortir et de bouger.

Les trois jours suivants sont consacrés à ne quasiment rien faire, sinon bouquiner alternativement le Lonely Planet et un vrai bon bouquin enfin déniché, boire des shakes au bar de la guesthouse, essayer des petits restos sympas … et filer à la clinique pour soigner mon pied qui fait une petite infection (sûrement par jalousie envers l’autre pied qui avait fait la sienne une semaine avant).

Le dernier jour … revoilà Fiona. Elle sort d’une nuit de bus, mais je l’embarque pour aller visiter les temples que je n’ai pas encore vus. Mon pied est encore très douloureux, mais tant pis, pas question de rater ça. J’embauche Cobra, un chauffeur de tuk-tuk bien sympa que je connais depuis trois jours et qui traîne toujours dans la guesthouse. Nous commençons par le majestueux Angkor Wat, le plus célèbre de tous. Effectivement impressionnant mais peut-être pas le plus beau de tous. En milieu de matinée les touristes se font moins nombreux, la plupart le visitent à 6 heures après le lever de soleil.




On poursuit avec le Preah Khan, à quelques kilomètres de là et hors des principaux itinéraires touristiques. Ce temple est une succession de portes, plus ou moins en ruines. Nous y sommes presque seuls et par chance la pluie se met à tomber, ce qui nous permet de nous livrer à de petites expériences photographiques, entre pierre et pluie, silhouettes et noir et blanc.




Un petit effort supplémentaire pour visiter Ta Som et Pré Rup, encore très différents, et retour à la guesthouse sous un temps humide. Après-midi tranquille à trier les photos, et petite soirée au bar à discuter avec des français. Le lendemain on me prend à froid à 6h30, alors que mon bus part normalement à 7h30 pour Phnom Penh. J’ai choisi d’y retourner pour voler vers Bangkok et obtenir un visa plus long.

Je quitte donc le Cambodge, tout juste le jour où mon visa expire, après un mois à l’avoir parcouru. J’en retiendrai surtout la grande gentillesse des gens, la beauté de leurs villages et maisons traditionnelles, l’horreur de ce qu’ils ont vécu il n’y a pas si longtemps avec les Khmers Rouges, de belles balades à deux-roues rythmées par les Hello et les sourires, de belles plages et de splendides îles. J’ai évidemment aimé les temples mais ils ne m'ont pas marqué plus que ça. Finalement j’ai été comblé par de petites choses simples, notamment à Kratie et Kom Pong Cham alors que ces étapes étaient presque anecdotiques. Je n’ai quand même pas été charmé autant qu’au Laos, peut-être à cause de l’absence de paysages particuliers, et d’une certaine redondance justement avec le Laos.

Enfin je ne regrette pas d’avoir ajouté le pays khmer à mon itinéraire, et je le recommande vraiment. Maintenant je vole vers le chaudron rouge de Bangkok pour visiter mon dernier pays, la Thaïlande !
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dimanche 2 mai 2010

Petite étape et grosse poisse à Battambang

Je quitte Sihanoukville et entame une longue journée de bus, direction Battambang, avant-dernière étape au Cambodge. Quatre heures de bus jusqu’à Phnom Penh, une heure d’attente très bruyante pour changer de bus, et quatre heures à nouveau jusqu’à Battambang. Rien de particulier sur la route, sinon l’habituel trafic cambodgien, des femmes assises en amazone à l’arrière des motos (mais comment font-elles pour tenir si bien ?!), des enfants massés à l’arrière de pick-ups … Je réussis à acheter un journal cambodgien en français, Le Rénovateur. Tiens ! le principal sujet est le port du niqab au Cambodge,  comme en France et en Belgique. Les autorités cambodgiennes se posent les mêmes questions, mais ici leurs conclusions diffèrent, parce que leur contexte est différent, et qu’ils ne se sentent pas menacés par l’intégrisme.

J’arrive enfin à Battambang en début de soirée, et je me trouve un excellent hôtel en plein centre. Battambang est la deuxième ville du pays, alors qu’elle a l’apparence d’une bonne grosse ville de province qui ronronne. Il n’y a pas énormément à faire, surtout se balader dans les rues bordées de belles maisons coloniales. Encore ? Mais il n’y a que ça au Cambodge ! Eh bien oui, c’est souvent ça qui revient. Personnellement je ne me lasse pas d’admirer et photographier ces villas d’une autre époque, mais j’entends beaucoup de voyageurs que ça lasse, et qui n’en voient pas une seconde l’intérêt. C'est à la fois dommage et compréhensible, s’ils ne sont pas français.

Le premier jour je loue un vélo et me balade dans les rues, d’un temple à l’autre, le long des rives, m’arrête pour boire un jus de sucre de canne sur le trottoir, cherche un petit resto sympa tenu par des expats’, parcours les rues dans un sens puis dans l’autre, discute avec un père de famille émigré en Californie, erre du côté de la vieille gare pittoresque et son bidonville caché le long des rails. Je n’y resterai d’ailleurs pas longtemps dans ce bidonville, j’ai vite senti que je n’y étais pas totalement bienvenu.




Je termine la journée tranquillement, dans un magnifique bar le long de la rivière, dans une maison en bois. Et je rentre à l’hôtel pour m’enfiler un délicieux lok lak, ma spécialité cambodgienne préférée, du bœuf cuit dans de la sauce d’huître ( ?!?) avec des crudités, du riz frit, un œuf au plat, et l’incontournable sauce au poivre vert de Kampot. Ce plat est une vraie tuerie.

Le lendemain, je reprends un vélo, et pars à la recherche du temple Wat Ek Phnom. Je roule doucement sur une petite route le long de la rivière, longtemps, longtemps, je finis par comprendre que je suis du mauvais côté de la rivière. Mais j’arrive à me faire indiquer le chemin en prononçant maladroitement le nom du temple. En dehors des villes, il ne faut pas s’attendre à trouver quelqu’un qui parle anglais. Je roule toujours plus, sous le soleil qui cogne et sur la selle qui m’incommode. Régulièrement des enfants me lancent des Hello très souriants, je ne suis plus surpris mais j’apprécie toujours. Je tombe sur une procession funéraire, avec tout le village qui suit le cercueil sur son char, précédé d’un moine très recueilli. Je vois peu de tristesse en fait, chaque personne qui suit le cercueil se voit distribuer deux bouteilles d’eau bien fraîches, et a de ce fait le sourire en banane ! A ce sourire s’ajoute la surprise de voir un étranger ici, sur son vélo. Mais surtout ce que je remarque, c’est la musique stridante, grinçante, crachée à toute force par des hauts-parleurs qui grésillent. Plus grinçant et déprimant tu meurs.




Je reprens mon pédalage douloureux le long de cette route qui sinue le long d’un petit canal, devant de belles maisons. La vie se déroule paisiblement. Alors que je pense à abandonner, découragé et endolori du postérieur, je finis par arriver au dit temple. Il n’est franchement pas impressionnant, à part une statue géante de Bouddha à l’extérieur, et un côté dépouillé au milieu de nulle part. Et il ne correspond absolument pas à la description faite par le Lonely Planet, sans compter que j’ai vu d’autres temples qui paraissaient plus beaux sur la route. Mais une vieille femme édentée me confirme le nom, c’est bien ici. Encore un conseil pourri du Lonely Planet, merci ! Enfin la balade en vélo valait le coup, malgré mon vieux vélo qui me fait souffrir et n’avance pas.

Je repars donc illico, par la bonne route cette fois, en prenant mon temps. Un petit arrêt sous un parasol pour boire deux jus de sucre de canne, probablement une des habitudes cambodgiennes que je préfère, un régal malgré la quantité de glace qui remplit le verre. Je rentre en ville, explore encore les petites rues cachées et charmantes, qui abritent plein de petits restos d’expatriés. Je tombe sur un petit resto français au patron très sympa et à la carte excellente, je m’installe en terrasse et fais péter le budget.

Le lendemain, mes blessures sont presque effacées, je loue un scooter dans le but d’écumer les principaux sites à visiter à l’extérieur de la ville. Je pars vers le temple Phnom Sampeau, par une route pleine de graviers et peu rassurante. J’aperçois le temple en haut de sa petite montagne rocheuse, je me lance sur la route très raide à scooter, après avoir reçu les conseils de prudence d’un jeune garçon qui voulait être mon guide. C’est vrai que ça monte sec, mais j’arrive en haut sans problème. A l’entrée des moines se chamaillent pour passer le temps, les temples sont assez beaux, et surtout la vue est superbe sur l’immense plaine tout autour. Deux canons sont encore sur le site, il y a 30 ou 40 ans ils pointaient vers une position des Khmers Rouges.




Je croise trois jeunes cambodgiens qui m’abordent tout de suite. Je leur fais comprendre gentiment que je ne veux pas de guide (j'en ai un peu marre de me faire forcer la main en permanence, pour qu'on me montre des chemins très visibles). Mais ils disent seulement vouloir parler avec moi pour pratiquer leur anglais. Ça je ne peux pas refuser, d’autant qu’ils sont très sympas, mais j’ai l’impression d’en être à ma 100ème conversation basique de ce genre depuis deux mois (comment tu t’appelles, tu as quel âge, d’où tu viens …). Malgré toute la bonne volonté du monde et l’envie de les aider (parler anglais est crucial pour eux), ça devient un peu lassant. Mais ça reste dans l’habituelle gentillesse des cambodgiens, alors il est vraiment difficile de dire non.

Donc on fait le tour des temples, j’observe un moine en pleine méditation, et on se dirige vers des grottes un peu plus bas. Rien de particulier à part plusieurs statues géantes de Bouddha, et un Bouddha couché de 15 mètres dont j’observe que les lèvres et ongles d’orteils sont teints en rose, comme maquillés. Ça fait rire les trois jeunes que je remarque ça en priorité, et pourtant c’est vrai !

On part ensuite vers les Killing Caves, comme son nom l’indique une grotte où des Khmers Rouges ont tué à tour de bras. Un des trois jeunes monte derrière moi sur le scooter, je m’engage sur la pente raide et pleine de graviers, et avant que j’ai le temps de comprendre quoi que ce soit, je me retrouve par terre, la jambe coincée sous le scooter. Super, deuxième accident en 10 jours. Je me relève sans mal, mais à nouveau écorché de partout, une ancienne et de nouvelles plaies ouvertes. La poisse me poursuit … Je prends donc congé des trois jeunes et repart vers Battambang pour aller nettoyer tout ça, brûlé par les plaies et pas trop rassuré par la route pleine de graviers.

Une fois tout ça nettoyé et bandé, eh bien je repars en scooter ! Au prix où je l’ai payé, et avec tout ce qui reste à faire, je n’allais quand même pas le rendre ! Je déjeune dans le même resto français que la veille, toujours aussi bon et sympa, j’achète de nouvelles provisions de bandage au passage, et pars vers une petite attraction sympa dans le coin, le train en bambou.
En fait de train, c’est une simple planche en bois et bambou, posé sur de simples trains avant et arrière sur les rails, et un simple moteur du style tondeuse. C’est surtout utilisé par les locaux pour aller d’un village à l’autre et transporter des marchandises vers le marché. Et ils ont eu la bonne idée d’en faire la pub touristique, en faisant payer un prix salé aux touristes. Pas salé pour nos budgets, mais salé pour ce que c’est. Enfin bon, je cède à la tentation ludique, et monte avec un québécois, un anglais, une famille cambodgienne, et la toute petite fille du conducteur, d’1 an à peine. Apparemment il l’emmène une bonne partie de la journée sur son mini-train, et elle s’endort dans le vacarme assourdissant du moteur et des roues qui claquent sur les rails.




Le trajet de vingt minutes n’apporte rien de particulier, sauf lorsqu’arrive un train en sens inverse. En deux temps trois mouvements, on nous fait descendre du mini-train, les conducteurs des deux trains le démontent en posant la plate-forme et les roues sur le côté, et le remontent aussi vite juste derrière. Impressionnant de simplicité. Arrivés au village suivant, on fait une pause de 10 minutes, et on repart. Pas l’attraction du siècle mais amusant.

Je repars vers le magnifique bar au bord de la rivière pour finir l’après-midi, et vais rendre le scooter un peu rayé. Ça va ils sont honnêtes, ils ne me demandent que 12 $. Après un dîner à mourir pour un prix ridicule, je repars à l’hôtel, et essaie d’oublier mes innombrables écorchures pour dormir. Demain, un long trajet en bateau m’attend pour rejoindre ma dernière étape cambodgienne, et pas la moindre …
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