Je suis reparti en Argentine ! Bientôt le nouveau blog ...
__________________ENCORE ET ENCORE DES NOUVELLES VIDEOS ICI !! _______________Tour en moto à Can Pho, Prière des moines bouddhistes ...

mercredi 17 février 2010

Tintin au pays des scooters

J’arrive à l’aéroport d’Ho-Chi-Minh Ville, impatient de tomber dans le grand bouillon culturel. Il fait chaud, très chaud. L’hôtel m’a envoyé une voiture, c’est toujours plus simple lorsqu’on arrive dans un nouveau pays et un nouveau continent, sans savoir trop à quoi s’attendre. Et le parking de l’aéroport à peine quitté, je n’en crois pas mes yeux, grand ouverts : je vois un flot monstrueux et ininterrompu de motos et scooters. Une véritable motorrhée !

Elles se frôlent, le taxi les frôle, ça klaxonne de partout, ça s’arrête n’importe quand et n’importe comment. Quand une moto doit tourner à gauche, elle s’enfonce littéralement dans le flux contraire, forçant les motos à contresens à les éviter, et elles finissent par sortir de ce torrent pour s’engager dans la rue perpendiculaire. Je repense au trafic dans les pays pauvres d’Amérique du Sud, qui n’ont pas ces deux-roues mais sont aussi bordeliques, ou aux pays arabes que j’ai pu visiter, et je me dis que la conduite dans les pays pauvres se résument à cette règle : je passe là où il y a de la place.

Nous continuons notre route dans les quartiers populaires, le long d’un canal aux rives pas très reluisantes. Nous sommes une des rares voitures, et naviguons doucement, comme portés par le flux des motos. Nous les frôlons, toutes les vingt secondes j’ai l’impression qu’on va en percuter une. Devant nous, un homme et ses deux jeunes enfants sur une moto, nous passons à moins de 50 cm d’eux. Les gens sont sur le pas de la porte, le flux des motos passent à deux mètres à peine d’eux, et ni le bruit ni la pollution ne semblent les gêner. Je vois un garçon de 12 ans à peine. Il est au milieu de la route, frôlé par les motos qui lui passent devant et derrière, et ça n’a pas l’air de le gêner, il est impassible au milieu du flot. Le quartier n’est vraiment pas terrible, je sais que mon hôtel est une valeur sûre mais j’espère que mon chauffeur ne va pas s’arrêter dans les instants qui suivent. On progresse dans de meilleurs quartiers, mais le flot de motos et scooters ne faiblit pas.

J’arrive enfin dans mon hôtel où je suis chaleureusement accueilli par une bande de jeunes filles très souriantes et familières. Même dans le hall de l’hôtel, le bruit est impressionnant, les motos passent à quelques mètres dans la rue étroite. On touche déjà à la fin de la journée, je reste à l’hôtel et reporte ma première sortie au lendemain ... et le lendemain, il faut se jeter dans le bain, affronter la rue à pied ! A peine sorti de l’hôtel, je ne peux pas faire 50 mètres sans devoir déjà traverser, puisque le trottoir est encombré … par des scooters, forcément. Comme ils sont des dizaines de milliers à circuler, il faut bien qu’ils se garent aussi, et sont donc partout. Je me demande comment je vais traverser cette rue qui n’est pourtant pas bien large. Impossible d’attendre un créneau, autant revenir vingt heures plus tard, en pleine nuit. Je repense au très jeune garçon de la veille, serein au milieu d’un flot bien plus effrayant que celui-là, et j'en conclus qu’il faut se lancer. J’attends quand même un léger creux (très relatif) pour les deux premiers mètres de la traversée, et j’y vais. Je me retrouve vite avec des scooters qui me passent devant et derrière, ex-trê-me-ment près. Je progresse mètre par mètre, au fil des déviations ou non-déviations des deux-roues qui arrivent sans freiner, et finit par atteindre le milieu. Maintenant je suis frôlé par des motos venant des deux sens, et me tourne donc à droite pour gérer la deuxième moitié de la traversée, puis je finis par arriver sur l’autre semblant de trottoir. Gros stress pour cinq mètres à franchir !

Je sors du quartier animé des backpackers, trouve quelques secondes de répit dans une belle ruelle oubliée par le bruit (bien que les scooters ne se gênent pas pour la prendre), et entre dans le marché Ben Thanh, le plus réputé de la ville. Je retrouve l’atmosphère classique des innombrables marchés que j’ai parcourus en Amérique Latine, avec ses couloirs très étroits entre les étals, et ses sollicitations permanentes. D’ailleurs les jeunes filles qui essaient de vendre aux étrangers sont très directes et tactiles, elles me tiennent le bras, me demandent comment je m’appelle. Déjà dans l’hôtel, j’ai remarqué que les filles qui y travaillent sont très tactiles, avec une vraie chaleur en toute simplicité, enfin surtout avec les hommes.



Dans le marché comme en ville, les sollicitations sont nombreuses mais toujours avec le sourire. Et un « No thank you » avec le sourire suffit généralement, éventuellement répété pour certains « xe om », les motos-taxis qui nous demandent toujours « Hello, where you go ?». A l’extérieur du marché, je croise une jeune vietnamienne qui porte un tee-shirt « Tintin au Vietnam ». C’est un des tee-shirts à touristes les plus courants.

En poursuivant dans le centre, je passe devant le superbe hôtel de ville, puis l’Opéra, et m’assieds un moment parce que marcher dans cette ville, sous le cagnard, avec le bruit et la pollution des motos, est éreintant. Je suis abordé par un vieux malaisien très sympa, qui me dit être en vacances ici pour rendre visite à son neveu. Tout ce qu’il me raconte est très cohérent, mais je me méfie quand même quand il me propose de venir déjeuner avec sa famille, après même pas cinq minutes de discussion. Mon radar à bobards et arnaques se met en route. Mais il est vraiment sympa et ne se contredit pas, j’hésite donc entre être trop méfiant et rater une belle rencontre, ou le suivre et risquer de mal tomber. Il prend son portable et annonce qu’il a un invité, et m’assure qu’il va payer le taxi. Je suis vaguement rassuré et tente le coup, tentant quand même de surveiller où nous emmène le taxi, très loin du centre mais dans des quartiers corrects. Je suis accueilli chaleureusement par son neveu, invité à passer à table, et mitraillé de questions sur ma vie, mon voyage … Et rapidement le neveu m’explique qu’il est croupier, organise des parties de cartes privées, a d’ailleurs organisé une partie la nuit dernière chez lui et a été très mal rémunéré par la gagnante, très riche et pingre. Rapidement il entre dans diverses explications, et finit par me proposer une partie truquée pour arnaquer la dame riche et pingre, dans le but de financer l’opération du cœur de sa grand-mère. Je n’en reviens pas, ne décline pas et pose différentes questions, et je découvre progressivement que c’est moi qu’il veut arnaquer. Je m’en vais rapidement et rejoins le centre en taxi.

C’est toujours un peu d’avoir décourageant d’avoir cru à une vraie rencontre, tout en restant prudent, et de s’apercevoir qu’il y avait une mauvaise intention derrière. On ne sait plus où placer le curseur entre méfiance et ouverture. Et ici, dans le sud du Vietnam, où les gens sont réellement gentils et souriants, il est difficile de savoir à quoi s’en tenir à chaque fois qu’on est abordé. Enfin il y a des problèmes plus graves, tant qu’on garde du flair et qu’on ne se laisse pas embarquer dans des plans louches.

J’oublie ce petit épisode et je reprends ma visite du centre de Saïgon. Comment ça Saïgon, je n’étais pas à Ho-Chi-Minh City ? Saïgon est le nom originel de la ville, et tellement plus charmant. Officiellement ce nom n’existe plus, mais tout le monde l’utilise encore. Le nom d’Ho-Chi-Minh City (HCMC) semble n’avoir d’existence que pour le gouvernement communiste.

Je passe devant la cathédrale, au style tout à fais français, et devant le majestueux bureau de poste à l’ancienne. Je poursuis devant le Palais de la Réunification, qui a vu les communistes du nord prendre le contrôle du sud. Je confie avec un peu d’appréhension mon appareil photo à un petit magasin pour un petit nettoyage. Il commence à souffrir, lointaines conséquences de la poussière bolivienne. En attendant que ce nettoyage soit fini, et en espérant que je retrouverai mon appareil correctement réassemblé, je vais me balader au bord de rivière Saigon. Pour atteindre la promenade le long de la rive, je dois traverser la pire route jusque là, une 2x2 voies, quasi-autoroute urbaine. La seule technique possible fonctionne, avancer doucement et accepter de se retrouver au milieu du flux et des scooters qui me frôlent, mais cela donne des sueurs froides.

La rivière n’est pas spécialement belle, très sale, et les rives ne valent pas le coup d’œil. J’observe un bac qui fait la traversée incessamment, chargé de dizaines de motos. Il accoste, une petite fille descend avant tout le monde à côté de son vélo, et rapidement elle est absorbée par les motos et scooters qui dégorgent du bac dès que la passerelle est posée. A peine cinq minutes plus tard, c’est une autre vague de deux-roues qui monte dans le bac. Ici les deux-roues sont partout, on n'y échappe pas.



Je continue mon tour de ville, il fait maintenant noir et le flux de motos tous phares éclairés est encore plus impressionnant. Comme toujours je suis abordé par les xe om, autrement dit les motos qui proposent leurs services. Mais maintenant qu’il fait noir, la simple proposition de jouer les taxis a évolué, on me propose maintenant des massages « approfondis » avec des filles très jeunes.

Une chose aussi que j’ai remarquée aujourd’hui, c’est que les baratineurs dans la rue, une fois qu’ils savent que je suis français, me parlent systématiquement de Lyon, et que leur sœur (très mignonne, photo à l’appui) va venir vivre en France comme infirmière à la Salpétrière. Dommage mon gars, la Salpétrière c’est pas à Lyon. Ca me rappelle immédiatement les baratineurs de Lima, au Pérou, qui me parlaient toujours de Toulouse et du camembert … Faites preuve d’originalité les gars, différenciez un peu votre baratin !

Je retourne doucement vers le réparateur d’appareils photos, par des rues grouillantes d’activité. Les enseignes sont quasiment masquées par les grappes énormes de fils électriques. Les maisons sont toutes très étroites et s’étirent en longueur à l'arrière, et aussi souvent en hauteur. Même des hôtels d’un certain standing respectent cette forme étriquée, simple habitude ou raison fiscale ? Je récupère mon appareil photo, il a l’air de marcher et la lentille est effectivement plus propre. Je souffle mais on verra à l’usage …

Je rentre à l’hôtel en enchaînant les traversées de rues dangereuses. Un petit truc simple pour diminuer le danger : attendre qu’un autre piéton se lance et traverser à côté de lui. Sur la traversée la plus chaude ce soir, c’est une vietnamienne qui m’a utilisé comme écran, c’est de bonne guerre. J’arrive dans le quartier des backpackers, plus bouillonnant et fou que jamais. Les gargottes côtoient les bars branchés et les agences de tourisme, les scooters circulent rapidement en faisant des zigzags et en klaxonnant, on peut à peine marcher sur le trottoir, le bruit ambiant est proprement effrayant. Je suis abordé deux fois par des jeunes filles très belles et souriantes en scooter, qui proposent leurs services. Elles fonctionnent soit en duo, soit avec leur maquereau. Le tourisme sexuel n’est pas une légende en Asie, mais je pense que je verrai bien pire qu’ici en quatre mois.

J’arrive enfin à l’hôtel, sorte de refuge lorsqu’on s’est promené une journée entière en ville. Refuge partiel, le bruit reste bien là. Mais la gentillesse familière des filles de l’hôtel et le dîner soupe+nems suffisent à se sentir bien. Je tire la conséquence de la fatigue de la journée, et m’inscris immédiatement à un tour organisé le lendemain dans un lieu qui promet d’être magique : le Delta du Mékong.

Lever tôt le lendemain, le mini-bus vient me chercher à l’hôtel, je suis le premier et je n’ai donc pas le plaisir de voir immédiatement si j’ai choisi le bon tour, par rapport à la moyenne d’âge des clients. On fait quatre fois le tour du quartier des backpackers, déjà très bordelique à cette heure matinale, et le bus se remplit doucement, avec un petit mélange d’âges et de nationalités. Je fais la connaissance de Thu, jeune vietnamienne de Hanoi. Elle est en vacances ici « parce que les gens dans le sud sont vraiment gentils ».
- Et ceux du nord, ils ne sont pas gentils ?
- Humm, si mais c’est différent …
Petit voire gros euphémisme qui ne fait que confirmer tous les échos que j’ai eux sur le nord du Vietnam, je sais à quoi m’attendre et profite d’autant plus de la bonne ambiance du sud.

Avant d’arriver au delta, il faut trois bonnes heures de route sur une autoroute à peine finie. Doucement les paysages de carte postale s’affichent : rizières d’un vert éclatant, palmiers, silhouettes au chapeau conique s’affairant entre les plants de riz. Agréable moment d’un voyage où la réalité rejoint l’imaginaire … Il y a même des tombes au milieu des champs, c’est assez curieux. Les eaux brunes des rivières contrastent parfaitement avec le vert des plantations.

Nous arrivons enfin au delta. Sans même me demander mon avis, Thu m’achète un chapeau vietnamien. Fantastique pour se protéger du soleil qui cogne dur, mais pas très agréable à porter : dés que je parle ça résonne, et je me cogne partout. Mais bon c’est un cadeau, je dois le porter. Nous montons dans un petite pirogue à moteur, couverte, et naviguons jusqu’au marché flottant tout proche. Il ne s’y passe pas grand-chose, le marché se tient en fait très tôt le matin. On voit quelques bateaux chargés de fruits et légumes, mais rien ne se passe.



Nous accostons un peu plus loin pour voir la fabrication des feuilles de riz et goûter aux productions locales, surtout sucrées. Le lot normal des tours organisés … mais il faut reconnaître que c’est varié et très bon. On goûte aussi au vin de serpent, censé redonner une certaine vigueur. Le guide Duc ne veut en donner qu’aux couples, je prends mes risques. En fait de vin, c’est une sorte de liqueur un peu amère. Bon, je pourrai dire que je l’ai goûtée mais le souvenir s’arrêtera là. On revient au bateau par un petit chemin au bord du canal, forcément utilisé par des scooters. Dans les maisons au bord de l’eau et sur les bateaux, des vietnamiens laissent passer le temps dans les hamacs. La vie s’écoule doucement dans la torpeur, rythmée par l’activité des bateaux.



Le bateau repart, autour de nous des vieux rafiots, des moteurs ronronnant. Ces moteurs sont amusants, ils sont posés sur une longue barre en fer qui plonge dans l’eau un à deux mètres derrière. Nous voyons des jeunes qui jouent dans l’eau brune, un vieux qui se lave. A propos de l’eau brune, le guide nous assure qu’elle n’est pas sale, que les gens la boivent après l’avoir bouillie, et se portent tous bien. Mouais, mouais, le seul fait que toutes les eaux sales soient rejetées dans la rivière, et que les déchets flottent en nombre sur les bords, me fait un peu douter de sa sincérité.

Nous passons de notre bateau motorisé et couvert à de petites pirogues, dirigées par une femme debout à l’arrière et un système de rames verticales et croisées, d’une élégance sans pareil. Petite promenade dans des canaux très étroits, bordés par de petites maisons, dans un calme absolu, tout juste troublé par un ou deux scooters qui circulent sur les petites routes parallèles. Nous débarquons et marchons jusqu’au restaurant par un petit labyrinthe de chemins entre canaux, routes et maisons. Le déjeuner est très international à ma table, belge, espagnol, vietnamienne, français … Une fois avalée ma dizaine de petits nems, j’emmène Thu pour un petit tour en vélo dans le village. Pourquoi je n’ai pris qu’un tour de deux jours ? J’aurais pu me balader pendant des jours en vélo sur ces chemins, franchissant les ponts, essayant de se souvenir des virages pris à gauche ou à droite, saluant les vietnamiens un peu étonnés malgré la présence récurrente de touristes.



Retour forcé au restaurant pour rendre les vélos (aaah, le fameux temps libre accordé par les tours organisés …), et nous remontons dans les petites pirogues à l’équilibre précaire, toujours dirigées par les vietnamiennes et leurs rames. Le niveau de l’eau a largement baissé en une heure, elles rament maintenant dans la boue mais s’en sortent très bien. Nous revenons à la pirogue motorisée, et quittons ceux qui n’avaient prévu qu’un jour de visite, dont Thu. Elle s’est proposée de me guider à Hanoi lorsque j’y serai, ça ne se refuse pas !

Le groupe s’est donc largement réduit, et on commence à se connaître un peu. Nous changeons de bateau pour une croisière de trois heures sur les canaux, d’abord pendant le coucher de soleil puis en pleine nuit. Trois heures de magie absolue, installé dans un hamac, à contempler le décor. On croise de nombreux bateaux faisant les marchés, un petit bac avec trois scooters. Les maisons ont quasiment toutes un intérieur vert pâle éclairé par un néon blafard. J’imagine bien de longues soirées devant une de ces maisons modestes, autour d’une vieille table de jardin en plastique et de quelques bières, jouissant du plaisir rustique d’être dans un endroit pareil. Certaines maisons ont un intérieur plus chic, et on y devine un petit coin de prière avec un Bouddha, des petites lumières clignotantes.



Nous arrivons à Can Tho, les moustiques sont les premiers à nous accueillir. Nous débarquons sur le port de plaisance ultra-animé, avec sa digue-promenade, ses barbecues, des stands. L’animation paraît exceptionnelle, le nouvel an se rapproche. Nous prenons nos chambres dans un hôtel, je ressors pour profiter de l’énergie en ville et m’offrir un petit barbecue au bord de la rivière.

Le lendemain nous repartons tôt en bateau vers le marché flottant de Can Tho. Cette fois-ci nous arrivons à la bonne heure et assistons à un spectacle magnifique, digne de figurer au patrimoine immatériel de l’humanité : des dizaines voire centaines de bateaux qui se collent, se croisent, s’accostent. Ils sont tous chargés de fruits, de légumes, de fleurs. Ils manoeuvrent leur fameux moteur, posé sur une longue barre de fer, comme des maestros malgré le peu d’espace. C’est une vraie petite ville flottante. De tout petits bateaux s’ajoutent à cela, qui vendent des boissons, du café. Forcément c’est aux bateaux remplis de touristes qu’ils s’adressent surtout. Souvent c’est la mère ou le père qui dirige le bateau, et les enfants très jeunes qui vendent, en criant frénétiquement « Hellooooo » pour qu’on leur accorde de l’attention. Malgré toute cette activité, tous les vietnamiens sont très cool sur leurs bateaux, dans des hamacs ou avec cette position accroupie si caractéristique. Non seulement ils sont capables de rester pliés en deux pendant longtemps, mais ils en tirent une relaxation évidente. Pour nous, occidentaux plus volumineux et beaucoup moins souples, c’est difficile à envisager. Nous tournons entre les bateaux, nous nous amarrons à l’un, et montons sur une plus petite pirogue à rames croisées pour mieux se balader. Là aussi la prouesse de notre « gondolier » est remarquable, il n’a pas toujours la place pour ses rames et doit tourner en permanence. Je ne me rends pas compte de la force nécessaire pour diriger ces gondoles, mais les femmes ne sont pas en reste, peut-être même plus nombreuses que les hommes à la manoeuvre.



Rassasiés de belles images, de photos, et des sodas vendus par les enfants (ils en ont d’étonnants ici, aux lychees, à d’autres fruits indéfinissables …), nous repartons vers une autre usine de riz, déserte à cause du nouvel an qui arrive. Puis retour à Can Tho, où nous avons plus de deux heures de temps libre (ouaiiiis, supeeeeer !) avant de reprendre le bus. Je me balade sur la digue-promenade, je passe devant l’énorme statue d’Ho-Chi-Minh, signe parfait du fameux culte de la personnalité dans les régimes communistes. Les gens sont très souriants et un peu étonnés de me voir, alors que la région n’est pas franchement épargnée par le tourisme. Une dame a l’air contente de voir que j’ai un chapeau viet’. Je suis assailli par quatre enfants qui veulent jouer avec moi, juste par plaisir de voir un étranger et encouragés par leurs parents. Je sors l’arme absolue, l’appareil photo, et là ils se bousculent pour être dessus, en faisant le fameux V avec leurs doigts (il faudrait que je demande à un asiatique pourquoi ils font toujours ça sur les photos, sans jamais se lasser). Une fille attend clairement un cadeau, je lui donne avec plaisir mon chapeau vietnamien, beaucoup trop grand et sûrement d’un classique absolu pour elle, mais elle est ravie de sa prise. Moi aussi je suis ravi de ne plus avoir ce chapeau, malgré la gentille attention de Thu. Après un bon resto, nems et curry de serpent, je repars à l’hôtel, où le bus nous prend pour retourner à Saigon. Nous montons d’abord dans le bac pour traverser le fleuve, rempli à craquer de motos et scooters. Comme nous pouvons observer cette cage aux lions depuis le pont supérieur, je remarque que le casque est devenu un objet de mode, surtout les casques féminins. Certains ressemblent à des casquettes, d’autres à de vrais chapeaux féminins, avec beaucoup d’élégance et de bon goût.



Nous retrouvons le bus à l’extérieur, et partons pour quatre longues heures de trajet à Saigon. A l’arrivée, nous débarquons dans le quartier des backpackers, bouillonnant comme tous les soirs. L’hôtel m’envoie malheureusement dans une annexe, je ne serai pas accueilli par le grand sourire et le « Good morning, how are you ? » de l’équipe de filles les deux prochains matins. Dégoûté.

Le matin suivant, je suis décidé à aller visiter Giac Lam Pagoda, un temple bouddhiste, mais elle se trouve dans un quartier très excentré. Je suis bon pour un baptême du feu en cyclo, malgré la folie apparente de la circulation. Apparente parce que tous les motocyclistes et automobilistes sont en fait très fair-play. Le flux insensé de véhicules crée un bruit et un « certain » danger, mais ils sont très loin d’être des sauvages, à l’inverse d’autres pays pauvres que j’ai pu visiter, notamment le Pérou. J’attrape donc un cyclo, négocie le prix, et m’installe avec un grand sourire, prêt à vivre une expérience culturelle à part entière … enfin pendant 200 mètres. On n’avance pas, il y a plusieurs kilomètres à faire, et je n’aurai jamais le temps de faire tout ce que je veux à ce rythme. Je demande à mon chauffeur de cyclo de s’arrêter, lui explique le problème, et il prend cinq minutes pour aller chercher une moto. Là pour le coup je me mets vraiment en danger, moi qui ne suis déjà pas très à l’aise à l’arrière d’une moto, même en France. Je fais confiance, redoute les trous dans la chaussée, observe à quel point il ne respecte aucune règle, et espère arriver entier. Un gros bouchon se présente devant, les motos ont envahi le trottoir pour le contourner, et les malheureux piétons qui s’y trouvent n’ont pas l’air de trouver ça anormal. Donc mon chauffeur s’engage aussi sur le trottoir, essaie de passer une petite marche mais sa moto est trop faible, nous reculons et chutons sur le côté au milieu des autres motos. Nous retombons sur nos pieds mais je sens comme une grosse chaleur sur le mollet droit, je viens de me brûler comme il faut sur le pot d’échappement. Ca y est, je l’ai mon « Asian tatoo », qui c’est qui est heureux ? La douleur est supportable et nous remontons sur la moto, sans problème cette fois jusqu’au temple.

Lieu de quiétude et de sérénité, encerclé par la folie urbaine. En face la pièce des morts, pleine d’urnes funéraires avec petites bougies et offrandes : un paquet de gâteaux devant l’urne d’un enfant, une Heineken servie dans un verre pour l'urne d’un vieux monsieur. A droite trône un Bouddha géant, d’un blanc éclatant comme s’il venait d’être peint. A gauche le temple proprement dit, j’y trouve quelques moines bouddhistes drapés d’orange, en train de déjeuner. Très clairement ils suivent un protocole, mais d’une façon très décontractée. Le recueillement ne paraît pas évident. Je n’ai pas encore eu le temps de me renseigner sur le bouddhisme, mais ça vaudrait le coup. Partout des odeurs d’encens, un mélange d’ornements très nobles et d’autres très kitsch : ces fameuses boites de Lipton dans les offrandes, les auréoles clignotantes autour de Bouddha … A l’intérieur du site les lieux de prière sont nombreux, il y a des autels et des bouddhas partout. A l’entrée du site, un temple en forme de grande tour. Une famille y déjeune, apparemment chargée de la garder. Le mari bredouille quelques mots pour me demander de le prendre en photo avec sa petite fille, sans pour autant chercher à récupérer la photo par la suite. Je m’exécute avec plaisir devant tant de simplicité.



Je retrouve mon chauffeur et nous repartons vers le centre, non sans appréhension. Il me dépose devant le Musée de la guerre, que je visite après une petite bouffe dans le resto voisin. Ce musée est très réputé à Saigon, et à juste titre. Il présente tout ce qui s’est passé pendant la guerre du Vietnam, et d’une façon apparemment assez objective puisque de nombreuses sources sont américaines. A part les engins de guerre dans la cour (avions de chasse, tanks …) et une guillotine française, il n’y a quasiment que des photos suivant différentes thématiques : l’explication du pourquoi de la guerre en remontant jusqu’à la colonisation française, la torture des résistants et innocents soupçonnés, les destructions et massacres, les ravages du gaz Agent Orange sur les enfants d’après-guerre et certains enfants aujourd’hui, et les scènes de guerre proprement dites. Les photos sont saisissantes, certaines vraiment difficiles. On prend une sacrée leçon d’histoire, y compris sur la déroute des français à Dien-Bien-Phu, et on cerne mieux l’ignominie de cette guerre. Les américains qui le visitent doivent se sentir mal, j’en croise d’ailleurs très peu depuis que je suis au Vietnam. Mais les Vietnamiens semblent plutôt regarder vers l’avenir, en laissant de côté l'esprit de vengeance.

La guerre du Vietnam semble donc rangée dans les mauvais souvenirs. Pour ce qui est de la colonisation française, je peux ressentir ou lire ici et là une certaine nostalgie de cette époque. Sans me faire l’avocat de la colonisation, je note que les références à tout ce que nous avons apporté en Indochine, surtout en terme d’architecture, ne manquent pas. Et comme ils nous ont mis une belle raclée à Dien-Bien-Phu, et que nous ne les avons quasiment pas agressé (en comparaison avec les Américains), ils ne gardent pas de mauvais souvenir de l’occupation française. Et s’en sentent très loin de toute façon … On trouve régulièrement des références au français, sur certains noms de rue, dans des traductions touristiques, dans les cartes de restaurants. Mais cela reste de l’ordre des vestiges esthétiques, les Vietnamiens d’aujourd’hui se sentent aussi proches des français que moi des tribus reculées d’Amazonie, et n’en parlent pas un mot. Allez, il m’arrive d’entendre un « Bonjour » quand je dis que je suis français.

Je quitte le musée et repasse devant le Palais de la Réunification, encore fermé. Après un petit tour par la rivière Saigon, direction un hôtel assez classe au dessus de l’opéra, pour prendre un verre avec vue imprenable sur les toits de Saïgon by night. Avec les milliers de phares des motos et les illuminations du Nouvel An, c’est un beau spectacle.



Retour à l’hôtel, en déclinant les inévitables propositions de massages poussés. Le parc devant le quartier des backpackers est occupé par un énorme marché au fleurs, absolument magnifique bien qu’il fasse noir. Certaines plantes ou arbustes sont arrangés pour ressembler à des dragons ou autres figures asiatiques typiques. Quelquefois kitsch mais amusant. Un peu plus loin, de la musique, des couples dansent, sur fond de klaxons et de scooters. J’ai l’impression d’une effervescence inhabituelle en ce dimanche soir, c’est dire si ça bouillonne. Je rentre sagement à l’hôtel, et j’essaie de réparer le gros manque de sommeil qui s’accumule depuis un moment. Le lendemain matin, lever tôt encore une fois, pour prendre un bus qui m’emmènera un peu plus vers le nord, beaucoup plus vers la côte. Destination ensoleillée, sableuse et sportive …
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4 commentaires:

  1. Sacrément inspiré par ton arrivée en tout cas!
    J'ai hâte de continuer à te lire dans ce continent qui m'attire énormément.

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  2. @Fred :
    On ne peut être qu'inspiré quand on découvre autant en quelques heures, et c'est bien ce que j'attendais.
    Si je dois dresser le palmarès de mes commentateurs, il y aura le plus assidu, celui qui écrit le plus ... et tu auras le prix du plus rapide, quasiment sur chaque article !
    merci & @ +

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  3. Je suis sur le cul mon cher Nico...
    J'attendais une newsletter qui visiblement n'est plus envoyée, et je vais donc passer ma matinée à rattraper le temps perdu...
    Il faut dire aussi que depuis le 30 janvier je suis à nouveau papa, que mes nuits sont courtes, que ma maison est en travaux, que ma deuxième a fait une varicelle, qu'on m'a volé une voiture, etc... Petit répit donc pour te saluer et t'adresser de la part du bureau toutes nos félicitations pour la diffusion de tes nouvelles.
    Tu as le bonjour de Nacéra.

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  4. @Francois :
    Felicitations, j'ignorais completement !
    La newsletter n'est plus envoyee ? essaie de t'y reabonner ...
    Bonjour a Nacera !
    merci & @ +

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