Je suis reparti en Argentine ! Bientôt le nouveau blog ...
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vendredi 26 mars 2010

Le vrai voyage, du Vietnam au Laos

Je quitte Sapa au petit matin, une moto m’emmène à l’arrêt de bus par un temps toujours brumeux et glacial. Il est temps de retrouver de meilleures températures plus au sud, je n’ai plus de vêtement chaud à porter depuis que j’ai perdu ma micro-polaire dans quelque hôtel backpacker d’Australie. Et je me sens un peu bibendum lorsque je porte mes six tee-shirts à la fois …

La destination : Dien Bien Phu, connue pour la débâcle française, mais pour moi surtout porte de sortie du Vietnam, pour entrer au Laos. Le bus est bien vieux et bien pourri, rempli essentiellement de locaux sauf deux jeunes frère et sœur allemand qui m’apportent un peu de compagnie. C’est amusant comme parfois je me rassure de ne pas être le seul voyageur, lorsque je fais des choix de voyage un peu originaux. Et comme parfois je suis heureux d'être le seul voyageur au milieu des locaux. Bref je ne sais pas ce que je veux !

Le bus quitte Sapa et s’engage dans les lacets de montagne. Cette route est supposée être l’une des plus belles du Vietnam, mais nous n’y voyons pas à 20 mètres dans ce nuage. Rapidement de la fumée entre dans le bus, en provenance directe du moteur. Comme je suis assis à l’arrière, je suis le premier à en profiter. Nous finissons par appeler l’assistant du chauffeur et lui montrer, il fait signe que tout va bien. La fumée est brune, l’air devient irrespirable, le mal de tête commence, je suis obligé de pencher la tête par la vitre pour respirer, laissant l’air glacial s’engouffrer dans le bus. Je finis par croire que le moteur va prendre feu, là juste cinquante centimètres derrière moi, mais l’assistant n’est toujours pas disposé à s’arrêter. Finalement la route se fait moins pentue, le chauffeur n’utilise plus le frein moteur, et la fumée s’arrête. Une petite pause dans un patelin, devant un resto couleur locale qui n’inspire ni moi ni les deux allemands, et nous repartons. Nous avons eu tort de ne pas manger quelque chose, le reste du trajet va s’avérer encore plus difficile, d’une manière différente.

Les cinquante kilomètres suivants sont plutôt agréables, dans une vallée bordée de montagnes imposantes. Mais rapidement nous arrivons dans une zone de travaux, que nous n’allons pas quitter pendant trois heures. Des dizaines de kilomètres de routes en cours de construction, de bulldozers, d’ouvriers travaillant à la main sur le bord de la route, de camps pour les travailleurs. Une énorme centrale hydro-électrique est en cours de construction, et la vallée va être inondée d’ici 2 à 3 ans. Villes à engloutir, routes et ponts à reconstruire plus haut. Trois ou quatre heures à rouler dans la poussière et la saleté, sur des routes de terre défoncées, en traversant des villages où les gens vivent dans une atmosphère irrespirable et au rythme des camions. Comme en plus leur village va disparaître à court terme, on se demande ce qu’ils font ici, sinon travailler directement ou indirectement pour le chantier.




Après avoir quitté la zone de travaux, vu un camion couché sur son tas de pierres, et terminé par une route normale, nous arrivons à Dien Bien Phu après dix heures difficiles, avec presque rien à manger, les jambes comprimées par le manque de place (ici les bus sont vraiment faits pour les asiatiques).

Je partage une chambre avec Bioas et Salomé, les deux allemands, et après avoir difficilement trouvé un restaurant local correct où l’on puisse communiquer, nous partons rapidement au lit après avoir réclamé une autre chambre parce que l’autre était peuplée de souris. Je pensais enchaîner le lendemain avec un bus très matinal vers le Laos, mais c’est au-delà de mes forces et je vais m’offrir une petite leçon d’histoire française en visitant Dien Bien Phu.

Le lendemain matin, changement d’hôtel, et je pars découvrir la ville avec Salomé et Bioas. Dien Bien Phu est clairement hors des itinéraires touristiques, et ça se voit : encore plus qu’ailleurs au Vietnam, les gens sont étonnés de nous voir, les enfants n’arrêtent pas de nous dire « Hello ! » avec un grand sourire. En haut des escaliers de la tour de radio, dominant la ville, c’est surtout Salomé qui représente l’attraction pour les touristes asiatiques, sa peau très pâle et ses cheveux blonds sont leur idéal de beauté. Ils veulent absolument se faire prendre en photo avec elle et Bioas, les tenant fermement par la taille. Tandis que moi avec mes cheveux bruns et ma peau assez bronzée, ils ne me calculent même pas.




Les horaires d’ouverture des musées étant pourris comme partout au Vietnam, nous pouvons juste aller voir un vieux pont français préservé, et nous rencontrons deux jeunes parisiens qui parcourent le pays à moto. Direction le seul vrai resto de la ville, où nous payons assez cher un plat fait des pires morceaux d’un poulet. Et les musées rouvrent enfin, nous visitons celui de la guerre, qui montrent quelques belles photos mais commentées de façon très naïve et patriotique. On enchaîne avec le cimetière des soldats vietnamiens, quasiment tous sans identité. Et on termine par la colline Eliane qui a vu les affrontements les plus féroces entre français et vietnamiens. Tout le réseau de tranchées a été reconstitué, c’est criant de vérité et c’est étonnant de voir que cette colline est maintenant entièrement encerclée par la ville. Nous faisons un petit tour par le supposé bunker où s’est suicidé le général français Pirot, en fait un simple panneau, et rentrons à l’hôtel sous la chaleur écrasante. Après le froid glacial de Sapa le contraste est rude. Une dernière soupe de noodles dans un resto local avec Salomé et Bioas, et je leur souhaite bon voyage puisque je pars très tôt le lendemain matin. Ce n’était pas désagréable d’avoir de la compagnie dans une ville comme celle-là …

Je me lève aux aurores, au son d’une étrange et forte musique venant de la rue, apparemment diffusée pour la gymnastique des bons camarades patriotes. En sortant à 5h, je ne vois personne faire sa gymnastique, la rue est déjà bien active. Cinq minutes de marche vers la station de bus, et je vois qu’il y avait peut-être un peu plus de voyageurs que je ne le pensais, une quinzaine d’autres voyageurs sont également venus de Sapa la veille et prennent le même bus pour entrer au Laos, en plus de quelques locaux. Le bus est le pire que j’aie eu en huit mois de voyage, il y a exactement vingt centimètres entre chaque siège. Coup de chance, je n’ai pas de voisin, mais même en m’étalant sur deux places j’ai du mal à trouver une position tenable. Le bus part et s’arrête à peine dix kilomètres plus loin pendant une demi-heure, c’était bien la peine de partir si tôt. Après avoir gravi une route de montagne dans l’aube brumeuse, nous arrivons au poste de frontière vietnamien. C’est une formalité pour nous, et pour un douanier c'est l’occasion de s’enrichir en proposant de changer nos derniers dongs à des taux scandaleux.

Je sors donc du Vietnam, après six semaines à le parcourir du nord au sud. J’étais arrivé un peu méfiant, à cause de nombreux échos négatifs reçus d’autres voyageurs. J’en sors ravi, n’ayant vu quasiment que des gens gentils, souriants, toujours étonnés de voir un étranger alors ils en ont vu beaucoup avant, des gens voulant payer mon droit d’entrée sur un site sans même avoir discuté avant, des enfants lançant des Hello énergiques et souriants … J’oublie bien volontiers l’insistance des cyclos, motos et femmes Hmong de Sapa, la chaleur limitée (qui a des avantages) des habitants d’Hanoi, les petites tentatives d’arnaque (que l’on trouve bien banales quand on a voyagé un peu). Ce pays a été un vrai plaisir à visiter, bien que je m’attendais à être plus impressionné par les paysages dans l’ensemble. J’ai aussi été subjugué par la magie du Delta du Mékong, le décor surréaliste de Hoi An, la grandeur de la Baie d’Ha Long, l’authenticité des villages dans les montagnes du nord. Que du bonheur donc, mais je le quitte sans trop de regret parce que je sais que je vais vers encore mieux, le Laos.

Justement le voilà le Laos. Juste après le poste vietnamien, le bus passe le col et la route asphaltée devient un chemin de terre. Autour, des montagnes raides tapissées d’une végétation anarchique. Le bus s’arrête très vite devant un panneau indiquant des travaux. A cent mètres, des bulldozers en action, et pas de route. La route n’existe tout simplement pas ou plus, effacée par les coups de pelleteuse. Le chauffeur doit avoir l’habitude et nous fait descendre, il nous demande de marcher jusqu’au poste laotien pour faire les visas, parce que l’attente va être longue. Belle galère qui commence, le bulldozer s’arrête un instant pour nous laisser passer, et nous voilà à pied en pleine montagne laotienne. Ma première pensée est donc « Quelle galère », immédiatement suivie de « Mais non, c’est ça le voyage, c’est ça le vrai voyage, ces situations inattendues et en principe très désagréables, mais qui laissent les meilleurs souvenirs ». En l’espace de quelques secondes je suis en fait content d’être là, à pied vers un poste frontière en pleine montagne, le bus bloqué par l’absence de route, et je repense au titre de mon blog, citation célèbre de je ne sais plus qui : Le vrai voyage c’est d’y aller, pas d’arriver. Un trajet long et pénible de Sapa à Dien Bien Phu, et deux jours après cette situation dont je ne sais comment ni quand elle va se terminer, c’est le vrai voyage, la « récompense » de choix un peu plus originaux et moins faciles que l’avion. Beaucoup de voyageurs, moi inclus, veulent être de « vrais » voyageurs et se démarquer des touristes de base. Mais à certaines occasions je me suis demandé en quoi je me démarquais vraiment des touristes que je critique facilement, notamment quand je choisissais un tour organisé, par facilité ou par nécessité. Et là je tiens un élément de réponse, tout en continuant à penser que je suis bien peu aventurier. Les transports sont cet élément de réponse, la façon de se déplacer d’une ville à une autre. Je suis dans ce bus local pourri, dans cette galère, et je suis content d’y être. Ne nous réjouissons pas trop vite, mes efforts à faire sont encore nombreux pour être un voyageur non-touriste.



Vingt minutes de marche et nous arrivons au poste laotien, sous le soleil qui chauffe et au milieu de nulle part. Il faut une heure pour avoir le visa, après s’être faits facturer tout une série de frais fantaisistes : heures supp' le samedi, pas de photo, détection H1N1 (une seconde avec un pistolet dur le front) … On en rit parce que ça ne représente pas grand-chose pour nos budgets d’occidentaux, mais on peut dire que les douaniers cherchent à remplir leur poche. Une fois le visa en poche, nous allons attendre au petit café en bambou, installé là très opportunément, et tout ce que le bus compte d’occidentaux fusionne un en joyeux groupe, tous devant une grande bière à 9 heures du mat’, faisant connaissance, partageant nos histoires de voyage. Un voyageur a toujours quelque chose à raconter, les pays qu’il a vus ou qu’il va voir. Il ne s’en lasse pas et ne lasse pas les autres voyageurs.

Une heure plus tard, la table remplie de bouteilles, nous voyons le bus arriver à notre grand regret. Tout le monde lâche un « Oh nooo ! ». Le chemin a été reconstitué et le bus a pu passer. On était bien là, à boire des bières à côté du poste frontière en pleine montagne. Petit voire gros souvenir de voyage !




On remonte donc dans le bus, et il s’engage sur un chemin de terre sinueux et chaotique, en pleine montagne, au milieu de la végétation sauvage. Nous traversons des villages extrêmement simples, les maisons sont faites de bambou et de bois. Le contraste avec le Vietnam est marquant, on peut le considérer comme assez riche et développé par rapport au Laos, un des plus pauvres au monde. Mais c’est juste magique, splendide, et cela nous fait oublier que nos jambes souffrent dans ce bus pourri. L’assistant monte sur le toit en marche, en passant par une fenêtre. Ce détail ajouté à l’ambiance tropicale, me fait immédiatement penser au trajet en bus entre Manta et Puerto Lopez, en Equateur. Mon tout premier trajet en bus et peut-être le plus beau et le plus folklorique. Sur la route, certains enfants font des signes timides de la main, mais dans l’ensemble ils sont plutôt circonspects.

Etape obligée de tout trajet difficile, la crevaison. L’occasion de constater que le pneu était méchamment fendu, et qu'il est remplacé par un autre tout aussi douteux. Après l’Equateur, le Pérou et la Bolivie, ça ne me fait plus rien, ça m’amuse. Mais il faut reconnaître qu’au Pérou, même à 4000 mètres d’altitude dans des lacets vertigineux, ils se débrouillaient mieux pour changer un pneu, dix minutes chrono. Ici ils adoptent la technique dite du « je-creuse-en-dessous-du-pneu-pour-pouvoir-le-faire-sortir ». Intéressant mais pas très concluant.

Nous passons d’autres villages tous aussi simples, pauvres et beaux, traversons quelques rivières à gué, et arrivons enfin à Muang Khua, splendide petit village qui vit autour de la rivière Nam Ou, entre deux montagnes. Deux ou trois guesthouses pour les voyageurs, des baraques en bois à flanc de montagne, des bateaux qui permettent de traverser ou poursuivre le voyage, des bus qui font trempette dans la rivière pour être lavés … et un calme, un calme idyllique. Des locaux attendent à moitié endormis devant leur petit commerce de boissons sans essayer de nous faire acheter. D’autres se baignent ou se lavent dans la rivière. Seul le vieux remorqueur noirâtre qui pousse la plateforme d’une rive à l’autre, fait un bruit de fou toutes les vingt minutes.




Une partie du groupe attrape immédiatement un bus pour poursuivre plus au sud, tandis que les six irlandais se lamentent de rester coincés ici pour une nuit. Comme tous les irlandais que j’ai rencontrés, ils sont très sympas et ouverts, mais ils n’ont pas l’air de réaliser à quel point cet endroit est spécial, à quel point la nuit ici va être différente des autres. Pour ma part je reste très indécis sur mon itinéraire, faute de l’avoir préparé, mais je goûte au plaisir d’être ici. Le vrai voyage c’est d’y aller, mais aussi de s’arrêter en route, au milieu du trajet. Eviter de trop se focaliser sur l’objectif, et éviter de râler parce qu’on arrivera à destination un jour plus tard.

Je prends une chambre dans une belle guesthouse perchée sur des poteaux à flanc de montagne, dominant la rivière, et les six irlandais me suivent. L’occasion de discuter toute la soirée et d’apprécier leur simplicité. Repas sur la terrasse, à la lueur de la bougie parce que l’électricité n’arrive pas de 18h à 22h comme promis. Je m’arme de mes boules quiès pour dormir, parce qu’un concert indescriptible de grenouilles se met en marche, accompagné du vieux remorqueur qui pousse encore la plateforme à une heure avancée. Je me lève tôt pour voir le lever de soleil, mais nous sommes plongés dans la brume, dans cette région c'est signe de beau temps plus tard dans la journée. Quatre des irlandais attrapent un bus pour gagner du temps, les deux autres choisissent le bateau comme moi, direction le paradis. Nous montons dans une de ces petites pirogues pour quatre heures de magie sur la rivière Nam Ou. Elle serpente entre deux rangées de petites montagnes, flanquées de dunes sableuses et terreuses envahies par la végétation. Au sommet de ces dunes on discerne régulièrement de petits villages, quelques maisons précaires en bois et bambou. Les habitants se baignent dans la rivière, s’y lavent, y pêchent, s’y déplacent en pirogue. Certains embarquent sur notre pirogue pour aller au village suivant ou au marché, un peu intimidés de se trouver en présence de tant d’étrangers. Nous faisons une pause dans un marché surréaliste, au bord de la rivière. Quelques stands de bambous plantés sur le sable, vendant des vêtements, des fruits, des objets utilitaires. La marchandise est très banale mais le seul emplacement du marché est magique. Question marchés exotiques, je pensais avoir ma dose depuis huit mois, mais je n’aurais jamais imaginé trouver ça. Nous repartons dans ce décor splendide, les fesses quelque peu endolories par la simple planche de bois qui sert de siège, mais les yeux grand ouverts, émerveillés par la magie de ce pays qui vit encore dans une autre époque, ici en tout cas. Des buffles pataugent, laissant juste la tête hors de l’eau, des cochons se promènent, des vaches maigres broutent ce qu’elles trouvent.




Au bout de quatre heures nous arrivons à Muang Ngoi, ma destination, tandis que les deux irlandais Paul et Siobhan poursuivent jusqu’au village suivant. Muang Ngoi, c’est un petit village au bord de la rivière, accessible uniquement par bateau, dans un décor féerique de rizières, montagnes rocheuses à pic. Je me trouve un bungalow au-dessus de la rivière pour moins de 5 $ la nuit, hamacs et moustiquaire fournis, et me cale rapidement sur le rythme local : lent, silencieux, simple. Pas d’internet, électricité de 18h à 22h, quelques guesthouses, quelques restaurants, et une vraie vie locale avec ses maisons en bambou et bois. Les locaux se préoccupent peu des voyageurs, attendent toute la journée dans leur petit commerce en somnolant, en attendant que le temps passe. La vie paraît belle ici, avec très peu de divertissement.

Ma première après-midi se résume à mon hamac, à un petit tour du village pour découvrir la vraie vie. Les habitants sont un peu surpris de me voir sur les petits chemins de terre entre les maisons, et bredouillent des petits « sabaidii », d’une façon réservée et polie, sans sourire excessif. Cela fait une grande différence avec les Vietnamiens ultra-souriants et spontanés, mais je ne l’interprète pas mal, je vois ça comme le résultat de leur vie lente et nonchalante, d'une méconnaissance des étrangers mais pas d'un manque de chaleur. Ils sont encore plus perplexes lorsqu’on sort l’appareil photo, la modernité arrive difficilement ici, sauf la télé par satellite. Par contre ils sourient déjà plus lorsque l’on prononce deux mots en laotien, comme « sabaidii » ou « kop jai ». Je ne me lasse pas d’entendre ou de prononcer ce mot « sabaidii », un des plus beaux mots pour dire bonjour, un mot tout en sourire. Encore plus lorsqu’il est prononcé par les enfants, qui insistent sur le « i » final.




Je replonge au fond de mon hamac pour profiter de la belle lumière de fin de journée, face à la rivière et aux montagnes, et n’en ressors que pour m’offrir un succulent laap dans un petit resto. Le laap est une spécialité laotienne, de la viande émincée à la menthe et autres herbes, un dé-lice ! Je profite des rares heures d’électricité pour me faire un petit film sur le portable, sous la moustiquaire, et je m’endors devant, forcément. C’est bon de voir comme le temps est plus généreux quand on est coupé d’internet et de tout divertissement extérieur …

Difficile de dormir tard malgré mes boules quiès, au petit matin les coqs paraissant dépasser les habitants en nombre. Mais quel bonheur de mettre un pied sur le plancher, largement espacé et qui laisse transparaître le talus, et d’ouvrir la porte du bungalow pour redécouvrir la rivière et les montagnes en face. Après une douche froide de rigueur dans la salle de bains très rustique, je prends bien une heure pour petit-déjeuner … la lenteur du service est de rigueur au Laos, et pester contre cette lenteur témoignerait d’une totale incompréhension de ce pays. Il faut bien 15 minutes pour que le sympathique patron de ma guesthouse vienne prendre ma commande, et 30 minutes pour qu’elle me soit servie. Comme j’étais prévenu avant d’entrer au Laos, et que mon programme de la journée est très léger, j’en souris et apprécie autant que possible ce temps « perdu », comme un de pied-de-nez envoyé au stress de nos vies occidentales, stress auquel j’échappe moi-même difficilement.

Le hamac est le prolongement de mon lit pendant une partie de la matinée, jusqu’à ce que je me décide à bouger un peu, pour faire une belle marche dans les environs, la seule possible sans guide. En repassant dans la « rue principale », je vois un vieil homme assis en tailleur sur la terre, devant quelques médicaments posés sur un bout de tissu, et pas de première fraîcheur. Il explique à un habitant l’utilisation d’une ampoule, d’autres attendent leur tour. C’est la pharmacie mobile (et dérisoire), qui fait probablement le tour des villages le long de la rivière. Plus loin une vieille femme aiguise un couteau devant sa modeste baraque.

Je passe devant les écoles, primaire et collège, les seuls bâtiments en dur avec le temple. C’est justement l’heure de la récré, et en les voyant j’aurais rêvé d’aller dans une école comme celle-là. Je m’engage sur le beau chemin de randonnée, cerné par des montagnes vertes et vertigineuses. Je longe des rizières d’un vert éclatant.




J’arrive à une grotte. Coup de chance un allemand arrive et me prête une torche pour aller l’explorer. C’est extrêmement glissant et dangereux, mais magnifique. Je ne suis jamais allé aussi loin dans une grotte non aménagée.

Je poursuis jusqu’au premier village, à travers les rizières sèches broutées par des vaches bossues et maigres. C’est bizarre, j’ai l’impression de pénétrer à l’intérieur d’une île, alors que nous sommes en plein milieu d’un continent immense. Le village est splendide, les enfants réclament des photos et prennent leurs meilleures poses. On voit différents petits métiers devant les maisons, entre autres un grand tonneau qui sert à distiller l’alcool de riz. A part la dépendance agricole au climat, et les éventuels problèmes de santé difficiles à régler, leur mode de vie paraît parfait, basé sur peu de confort, aucun stress, pas de dépendance à la modernité. Seules les paraboles leur ouvrent une fenêtre sur le monde « normal », sans apparemment leur donner de tentation.




Le temps de me rafraîchir à l’unique et charmant petit café en bambou, avec vue magnifique sur les rizières, de discuter avec allemands, québécois, suédoise, et d'observer une sorte de criquet géant, je reprends doucement le chemin du village, pour y retrouver mon bungalow et le hamac, et terminer tranquillement l’après-midi. Je refais quand même un petit tour avant le coucher du soleil, et assiste à une partie de takraw, sorte de mix entre le volleyball et le football, qui demande une habileté impressionnante. Ces jeunes, bien qu’ils aient l’âge de chercher plus de divertissement, ont l’air d’aimer leur vie ici. Autour du terrain de takraw, des chiots se courent après et se mordillent sans relâche pour jouer. D’ailleurs, détail anecdotique mais révélateur, les chiens n’aboient jamais ici. Plus loin une femme bat des algues pour les cuisiner. Encore un choix cornélien pour choisir un petit resto dominant la rivière, et je file sous ma moustiquaire pour m’endormir devant un film sur mon portable.

Réveil au son des coqs, et des voix des hôtes qui franchissent sans mal la fine couche de bambous qui sert de cloison, et petit-déj’ dans la partie la plus animée du village. J’ai décidé de partir ce matin, un peu à regret parce que mon hamac m’aurait bien supporté une journée de plus, mais je n’en peux plus d’attendre pour voir Luang Prabang. Et mon intuition me dit que je vais y retrouver quelqu'un ... Je saute dans la pirogue déjà bien chargée, retour à la civilisation !
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16 commentaires:

  1. Excellent récit encore une fois.

    J'adore ces moments où le titre que l'on connait depuis un moment prend enfin tout son sens, c'est un effet d'apothéose superbe. Un peu comme pour certains films réussis, où le titre prend toute sa valeur après la moitié du scénario.

    Côté photo, j'adore celle des 5 enfants. Elle est très nette et chacun a une expression différente sur son visage. Espiègle, curieux, poseur, étonné.. Tres beau shot !

    Le Laos a l'air super et tu réussis bien à nous le démontrer. Bonne route !

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  2. Tes recits m'ont bien transporté dans un autre univers ! mon week end commence très bien ;-) .
    La photo de groupe de backpackers donne sacrément envie de partager ce moment !
    On te sent bien apaisé et harmonieux.
    Sur le titre de ton blog, complètement d'accord avec Romain .. la différence entre toi et un touriste, c'est bien le temps disponible, même si je suppose que tu voudrais bcp plus de temps. le manque de temps nous bouffe et nous rend un peu rabat-joie. C'est comme un conducteur parisien impatient qui s'enerve: à la base, c'est pas toujours un con, c'est juste qu'il manque de temps ;-)
    Bonne continuation dans ce beau pays !
    Vianney

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  3. Une vraie leçon de vie qu'est le voyage, je ne le dirai jamais assez !
    Tu réinventes bien plus que Facebook sur ton blog et tes commentaires cher frangin, tu réinventes le "café-philo(pop?)".

    :-)

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  4. Dis donc, tu prends de plus en plus gout à la philosophie dans l'analyse de ces environnements nouveaux!
    Apaisé, harmonieux, Vianney vise dans le mille ...c'est manifeste!
    Mais aussi , tu as défintivement pris gout aux impressions fortes: saut à l'élastique,Skydiving,itinéraire perdu à vélo au Chili,etc
    Et maintenant, découverte d'une grotte inconnue, traversée seul à pied d'un village avec les indigènes qui te dévisagent avec surprise: cela y ressemble !
    Allez, c'est magnifique, t'es manifestement pas blasé , bois le calice jusqu'à plus soif ...
    mais aussi, Take care
    Dad

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  5. @Rom' :
    A part pendant les trajets en bus en AmSud, je m'étais souvent demandé si le titre de mon blog n'était qu'un titre esthétique, mais là ça y est j'ai fait le lien.
    Il y a une autre photo des enfants encore plus marrante, upload en cours. Et ils n'arrêtaient plus de me demander une photo supplémentaire.
    Oui le Laos est un petit paradis
    @ +

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  6. @Vianney :
    Je la retiens celle-là : le conducteur parisien impatient, c'est pas toujours un con mais il manque de temps.
    Sûrement vrai, mais j'aurai quand même du mal à ne pas penser "Bande de cons" la prochaine fois que je conduirai à Paris !
    Sinon oui j'ai beaucoup de temps, mais pas encore assez. Deuxième postulat du vrai voyage : il doit se faire sans date de retour arrêtée.
    merci & @ +

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  7. @Dad :
    il faudrait que je me relise, mais non la traversée du village n'avait rien d'une aventure, et je n'étais pas le seul étranger !
    Apaisé, c'est le moins qu'on puisse être au Laos, sinon ça fait tâche ...
    merci & @ +

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  8. Bonjour mon koala,
    j'aime bien les photos du viet nam et du laos.
    pourquoi ils font toujours un "V" avec leurs doigts sur les photos?
    Gros bisous mon kangourou adoré

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  9. salut Nico effectivement ça donne bien envie ton post sur le Laos mais on a vraiment envie d'aller du côté des 4000 îles et dans le sud, sais tu combien de temps il faut pour aller en bus de ventiane à pakse sachant qu'on ne le ferait pas d'une traite

    sachant qu'on arrive de bangkok on va peut être prendre l'option de prendre un train de nuit directement pour le sud, c'est à dire bangkok
    vers Pakse.

    En fait on rejoint Juliette donc ça dépend un peu d'elle. Mais bon je suis en train de me dire qu'on ferait mieux de se "contenter" de faire le sud et si tu y es à ce moment là et ben on verra bien peut être on s' y verra.
    carpe diem. et merci pour tes conseils si tu en as d'autres mit plaisir

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  10. @Heloise :
    salut ma crevette, justement je pensais a toi aujourd'hui, je me disais que tu n'avais plus ecrit de commentaire depuis longtemps, mais ca y est te revoila !
    Tu poses une tres bonne question, mais je n'ai pas la reponse, en Asie les gens ne peuvent pas se passer de faire le V sur les photos, c'est comme ca. Je crois meme que ca veut rien dire, c'est leur habitude. Ils sont un peu bizarres quand meme, tu crois pas ?
    Je te fais d'enormes bisous !!!

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  11. @Melina :
    je viens d'arriver a Pakse apres une nuit de bus depuis Vientiane. Dur comme d'hab' mais ca se fait.
    A part essayer d'aller a la grotte Kong Lo, pas trop d'etapes entre Vientiane et Pakse.
    Apres 3 jours de scooter sur le plateau des Bolaven, je serai aux 4000 iles dans 4 jours, pour 3 jours environ, et apres le Cambodge.
    J'espere que t'as prevu Luang Prabang quand meme !! Ville a ne pas rater. Mon article est en cours
    Tiens moi au courant
    biz

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  12. merci Nico j'ai très envie d'aller à luang prabang mais je ne suis pas sûre d'y aller nous n'avons que quinze jours et je t'avoue ne pas forcément envie de courir. Je lirai ton post avec plaisir
    et au fait quel est le climat actuel, j'ai cru comprendre qu'il faisait une chaleur de bête alors verdict...
    biz et à plus pour de nouvelles aventures.

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  13. @Melina :
    A chaque fois je descends un poil au sud, je gagne quelques degres. ici a Pakse, il ait vraiment tres chaud, qu'est-ce que ce sera aux 4000 iles ...
    biz

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  14. Yo Nico,

    en un mot comme en mille, "j'adore" !

    J'adore :
    - la réflexion qui dit que dans le voyage, les plus vieilles galères deviennent systématiquement les meilleurs souvenirs !?!
    - que le bonheur en ce bas monde n'est qu'une question de perception
    - que le temps, si on ne le prend pas, on ne l'aura jamais ! sorry pour le conducteur parisien, mais à moins de perdre sa vie à râler, faudrait peut-être aussi qu'il s'y fasse ou se casse !
    - que le bonheur transparaisse à ce point dans ce nouveau post : c'est quand-même dément d'écrire tant alors que tu en dis parfois moins sur des étapes 100 fois plus chargées de motifs et de bonnes raisons. Ici il n'y a rien, et c'est là que tu as choisi de transformer la larve en papillon ;-) waouw !
    - que ce n'est pas tant la beauté objective du sujet qui fait celle de la photo, de l'endroit qui fait la beauté du voyage, ... Et si on étendait le concept à "LA VIE" ?

    Un chose m'éclate cependant : qu'est-ce qui fait à ce point le charme des pays pauvres. Grossomodo, plus un pays est pauvre, plus il est attractif ; tout y devient beau : les paysages, les gens, ... On va même jusqu'à idéaliser leur vie, alors qu'eux rêvent certainement de tout autre chose, et qu'ils se sentent peut-être même condamnés par le sort, qui sait ?
    Je l'ai déjà vécu, mais ne comprends pas bien pourquoi, t'aurais des pistes là-dessus ?

    Sinon, le V c'est normalement le V de Victoire. Et je crois sans certitude que c'est motard ! Il est cependant fort probable que le signe reflête par extension normale une invitation à l'intérêt comme pour dire "la classe", regarde-moi je suis un "super mec" un "champion" etc...
    ça se tient non ?

    Bises
    Bru

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  15. @Burns :
    Je déteste le bruit, le stress, les menteurs, les éléments nuisibles qui cherchent tout le temps à te vendre un truc ... la liste est longue. Et pour tout ça, j'adore le Laos, je ne vois aucun défaut à ce pays !
    Ce qui fait le charme d'un pays pauvre, ben c'est tout ce qu'on a pas/plus chez nous, les petits métiers tout simples, la vie au quotidien simplement tournée vers les besoins essentiels (et pas se retrouver devant un PC en haut d'une tour après 2h de transport), la liste est longue.
    Et l'incertitude, la précarité de l'organisation. Ajoutée à la barrière de la langue, c'est ça qui fait que toi, voyageur, tu luttes pour trouver le bon bus, et une fois que t'es dedans, t'es trop heureux. Chez toi tu souries parce que t'as trouvé la bonne info et le bon bus ? Non, tu les as trouvés en 2s sur Internet, ou sur un panneau d'affichage très précis.
    Et puis il y a le rythme de vie, très lent. on en revient à la question du temps (ce vieux salopard qui nous obsède).
    C'est vrai qu'on les idéalise, et on cherche à rester lucide en trouvant des défauts à leur vie. Mais franchement ici, à part les incertitudes climatiques, je les trouve vraiment heureux.
    Je note aussi que jusqu'à présent, dans tous les pays pauvres ou relativement pauvres que j'ai traversés, je n'ai pas vu beaucoup de mendiants et de gens vraiment mal. Compte les chez nous ...
    Désolé pas le temps de développer, écrire les articles me prend déjà trop de temps ;-)
    merci & @ +

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