Je suis reparti en Argentine ! Bientôt le nouveau blog ...
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lundi 19 octobre 2009

San Pedro de Atacama, caro y desierto

Lu dans l’épisode précédent : je sors de Bolivie et d’un lieu magique, le Sud-Lipez, les yeux remplis de couleurs.

Le passage de frontière est tout bête et tout gentil, j’embarque dans un mini-bus qui m’emmène pour une courte escale au Chili, à San Pedro de Atacama. Surprise, le bus s’engage sur une route asphaltée, régulière, avec ligne au sol, panneaux impeccables. Je viens de passer de la Bolivie, un des pays les plus pauvres d’Amérique du Sud sinon le plus pauvre, au Chili, le plus riche. Le contraste est frappant, dès la première minute.




Le bus descend une pente forte pendant au moins 30 minutes, la sensation de quitter les hauts plateaux pour revenir à une altitude plus normale est très claire. En face, encore un désert, une grande vallée aride cernée par des montagnes. La torpeur crée un voile fin qui rend le spectacle assez flou. Arrivés à San Pedro, au poste frontière (pas fous les douaniers Chiliens, ils se caillent pas les miches à 4800 mètres à côté des Boliviens, ils restent en ville), le chauffeur nous annonce :
« Voilà le bus pour Salta qui part, si vous voulez le prendre, c’est maintenant !
- (ben non, l’est fou l’aut’, on va pas partir maintenant). C’est quand le prochain bus ?
- Dans trois jours.

Nous sommes plusieurs à tirer une drôle de tête. Nous n’avions pas prévu de rester coincés trois jours à San Pedro, mais encore moins de zapper cette étape et de reprendre un bus illico pour l’Argentine. Une minute plus tard le bus part, scellant par défaut notre décision.

Pour l’explication, San Pedro de Atacama est donc une petite ville au milieu d’un beau désert. C’est magnifique, il y a beaucoup de belles choses à voir, mais c’est réputé pour être cher, et finalement peu impressionnant quand on sort du Salar de Uyuni et du Lipez. Et c’est donc, pour la plupart des voyageurs, une charmante mais courte étape vers l’Argentine ou vers Santiago.

L’idée de rester coincé ici pendant trois jours ne réjouit personne, mais c’est fait, il ne reste plus qu’à en tirer le meilleur. Le bus nous dépose dans le « centre », nous cherchons tous ensemble – les 6 passagers du bus, un couple suisse, un couple irlandais, une suisse et moi – un hôtel pas cher et correct. A la sortie de trois jours de 4x4, et s’étant levés transis de froid à 4h30 ce matin, nous rêvons tous d’une douche chaude et d’un peu de confort.

Histoire de mieux négocier, nous entrons à six dans chaque hôtel. Les prix refroidissent un peu par rapport à la Bolivie, il faudra se contenter de dortoirs très basiques pour rester dans les clous. Finalement, nos choix divergent et nous nous séparons dans deux hôtels différents … à 50 mètres d’écart. Ça va, on devrait réussir à se recroiser.

J’utilise l’habituelle méthode Coué pour nier ma fatigue et fais un petit tour de la ville. San Pedro est un petit village atypique, toutes les rues sont étroites, un mélange de terre et de poussière qui rappelle que nous sommes en plein désert. Toutes les maisons sont couleur terre, sans étage, la place est blanche. Le soleil tape fort et ajoute à la petite atmosphère tranquille qui règne (« Il fait trop chaud pour travailler ... Pulco, Pulco, Pulco citroooon »). La sensation de richesse est évidente aussi. Les hôtels sont plus chers, les restaurants raffinés et beaucoup plus chers, et les tours organisés par les agences, malheureusement incontournables, sont assommants. Quasiment tous les chiliens parlent anglais, voire quelques mots de français. Le style vestimentaire est sans rapport avec la Bolivie voisine. J’ai l’impression d’avoir changé de continent en quelques kilomètres.




En discutant de mes plans pour les jours à venir avec Albane, une des quatre français de Bourges dans mon hôtel, je suis opportunément accosté par un chilien parlant un français très correct. Il me propose un transport privé pour Salta en Argentine, dans sa Land Rover, le jour qui me plaira. Intéressant mais je déploie mon radar à arnaques pour le sonder. Après une longue discussion , je me rends compte qu’il ne ment pas, qu’il a étudié en Belgique, que sa femme est lilloise. C’est au moins un bon contact, mais il doit encore calculer le prix et je dois trouver des voyageurs pour remplir la Jeep. Il y a bien les irlandais, mais il faut en trouver d’autres.

Plus tard Albane me demande ce que je pense de David, ce chilien original, s’il est sérieux ou pas. Il l’a abordée aussi, pour lui proposer les mêmes tours que les agences mais moins chers et plus personnalisés. A 17 heures nous sommes à cinq dans sa vieille Land Rover jaune ouverte à tous vents, un vrai monument. Il nous emmène à la Quebrada del Diablo, labyrinthe de sel et de boue formé par l’eau, puis à la Valle de la Luna. Elle porte bien son nom, c’est absolument lunaire, et nous avons une vue imprenable sur le désert, le volcan et la route qui descend de Bolivie. Le soleil se couche, les couleurs sont fantastiques sur les nuages, jaune puis orange puis rose. David débouche le vin chilien et sort tout l’apéro, le moment est juste magique. S’il y avait une bonne rencontre à faire à San Pedro, c’était bien celle-là.




De retour à San Pedro, je décide de zapper pour ce soir au moins l’observation du ciel au téléscope, et accompagne David et les quatre français pour une belle soirée resto + bar autour du feu. J‘oublie vite que je me suis levé à 4h30 au milieu du Lipez, mais la fatigue me le rappelle vite, j’ai quasiment fait deux journées en une. De retour à l’hôtel, je fais la connaissance de Raphaël et Fred dans le dortoir, ils font aussi le tour du monde. Et je m’écrase littéralement dans mon lit.

Le lendemain petit déj’ peinard avec Raph et Fred dans la cour de l’hôtel, entre hamacs, plantes et bruits de douche. Et début d’une journée glande, entre écriture, web, recherche en vain de David pour partir aux eaux thermales, terminée finalement dans le même bar que la veille, avec le couple irlandais et le couple suisse.

Le troisième jour démarre à nouveau en glande, avec un petit skype pour souhaiter un bon anniversaire à ma crevette. Même si tout est cher ici, il faudrait quand même que je profite un peu du lieu, je décide donc de louer un VTT pour explorer les environs. Je repars explorer plus en profondeur la Quebrada del Diablo et la vallée de Catarpe, mi-verte mi-désertique, au milieu des formations de sel et de boue, ravinées par le temps et l’eau. Ces formations naturelles me rappellent les huacas au Pérou, anciennes pyramides des cultures pré-incas qui ressemblent maintenant à des rochers.




J’arrive vite au bout et dégaine ma carte pour chercher une option de prolongement. Je suis attiré par un chemin partant à droite, passant par un tunnel et accédant bien plus loin à la Valle de la Luna. C’est parti pour le détour, je gravis d’abord une belle montée, impressionné par le décor et la vue grandissante sur le désert au loin. J’arrive au fameux tunnel, noir et long de plusieurs centaines de mètres.

De l’autre côté un nouveau paysage s’ouvre, encore plus magique, la belle couleur brune-ocre des montagnes mises en valeur par le soleil. Je redescends donc dans l’autre vallée, et suis pris d’un doute. Ai-je bien fait de descendre ici ? Je suis absolument seul, le soleil se fait assez bas. Je n’ai pas envie de remonter au tunnel en poussant le vélo, ayant déjà eu du mal à descendre à cause de l’épaisseur du sable. Je décide donc de poursuivre dans le canyon labyrinthique, heureusement guidé par d’anciennes traces de vélo. Le soleil descend de plus en plus, le fond du canyon est maintenant dans l’ombre, et j’accélère le rythme, commençant à comprendre mon erreur mais freiné voire stoppé par le sable.

Je suis on ne peut plus seul dans cet endroit magnifique mais inhospitalier. Entre deux coups d’œil sur la carte pour (essayer de) me rassurer, je pédale comme un fou, conforté uniquement par les traces de vélo qui m’évitent de me perdre. J’ai un sentiment contrasté entre le bonheur d’être là seul en VTT dans cet endroit peu commun, et d’inquiétude sur le temps et la difficulté que je vais avoir à sortir d’ici.

Je vois la sortie du canyon, je respire … pas pour longtemps. Je me retrouve dans une vallée immense, en largeur mais surtout en longueur, et surtout d’une aridité absolue. AUCUNE VIE ICI, ni animale ni végétale et encore moins humaine, la désolation parfaite, du sable, des cailloux. Le soleil commence à toucher le sommet d’une barre rocheuse qui borne la vallée, la lumière est rasante et va bientôt faiblir. Pour l’instant il fait encore bon, le vent est tiède, mais je sais qu’il va rapidement faire froid, dès qu’il fera noir. C’est la caractéristique d’un désert, et le coucher de soleil à la Valle de la Luna me l’avait prouvé. Je porte un simple tee-shirt, et j’ai heureusement une lampe frontale, bien dérisoire dans cette immensité.

Je roule frénétiquement, sans prendre le temps de boire, mais je suis régulièrement stoppé net par une épaisseur de sable que je n’avais pas vue, manquant de me faire tomber, et je n’avance donc pas si vite. Le soleil est maintenant caché, je suis moins ébloui mais la lumière tombe vite.




Je suis rassuré en voyant toujours une ou deux traces de vélo, et par moments un petit bâton planté dans le sol, indiquant que je ne suis pas perdu. Mais la distance est beaucoup plus longue qu’elle ne paraît sur la carte fournie par le loueur de VTT (ou devrais-je dire le dessin). Et j’ai beau regarder aussi loin que possible, je ne vois pas la fin. La vallée est gigantesque et parfaitement plate, me privant de tout repère.

Le vent est encore tiède, et à part la fatigue grandissante due à mon rythme frénétique, tout va encore bien. Mais l’anticipation de ce que pourrait être la situation dans une heure, en plein noir et en tee-shirt, fait froid dans le dos. Le stress grandit à mesure que mon imagination galope. Je vois bien de la poussière voler au loin, une voiture peut-être, mais elle doit se trouver à des kilomètres d’ici.

Après une heure de ce pédalage effréné sans voir le paysage évoluer, la gorge sèche, je devine enfin les phares d’une voiture, très faibles. La route annoncée sur la carte s’annonce enfin. Mais elle ne garantit pas la sortie imminente du désert, juste le confort et la sécurité relative de l’asphalte. Il me faut encore de très longues minutes pour atteindre cette toute, sur laquelle passe par moment une voiture ou un camion. J’y arrive enfin, épuisé par l’effort et le stress de la situation, au moment où la lumière vient à disparaître.

J’essaie d’arrêter les premières voitures, aucune ne veut s’arrêter, elles me klaxonnent comme pour dire « Dégage de là et démerde-toi !». Entre deux tentatives je remonte sur le vélo et roule sur le bord, le cerveau trouve toujours des ressources que le corps croit ne plus avoir. Je me retourne pour guetter les phares qui arrivent au loin, et me poste sur le bord, lampe frontale à la main, pour essayer de les arrêter. Un petit pick-up me passe devant mais freine brutalement cent mètres plus loin, il m’a vu au dernier moment. A bord une petite famille qui me prend gentiment. Le vélo à l’arrière du pick-up, je m’assieds enfin et tente une petite conversation pour expliquer ce qu’ils ont déjà très bien compris. Ils m’apprennent qu’il y a encore 12 kilomètres jusqu’à San Pedro, principalement en montée et à travers la Valle de la Muerte. Encore une fois la carte-dessin semblait montrer beaucoup moins, le stress s’évacue doucement mais je réalise à quel point j’étais loin d’arriver, même si l’asphalte était une garantie d’arriver à une heure ou à une autre.

Finalement plus de stress que de mal, mais le risque était réel si je restais plus longtemps dans ce désert, et l'anticipation de ce risque a fait le reste. Ils me déposent à l’entrée de San Pedro, et j’ajoute quelques coups de pédale plus sereins pour rejoindre le centre et rendre le vélo. J’essaie d’expliquer au loueur qu’il devrait revoir sa carte et avertir du danger de mon itinéraire, il n’a pas l’air de bien comprendre ce que je raconte. Allez, chau.

Il n’est que 19 heures, et la ville est remuante. Le contraste avec ma situation vingt minutes avant est amusant. Une douche froide plus tard, je retrouve Nao, une japonaise croisée en Bolivie, pour une soirée tranquille resto et bar, et je recroise David le chilien une dernière fois. RDV est pris pour le retrouver à mon futur passage à Santiago. Je termine par une petite séance de photos de nuit, seul sur la charmante petite Plaza, goûtant au silence et au plaisir d’être dans cet endroit atypique.




C’est une courte étape chilienne qui se termine déjà, demain je rejoins enfin un pays dont j’attends beaucoup : Argentinaaaaa !!!!
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13 commentaires:

  1. Magnifique! que dire de plus... Ah si, si qqun veut apprendre l'épaulé-jeté de bébé dont tu parlais mercredi, Julie fait des formations de portage en écharpe! :)

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  2. J'ai vécu ce que tu décrit...
    Directeur d'un raid vacances en Norvège, je laisse un groupe d'une 20aine d'ados avec les animateurs franchir une route pédestre à travers les montagnes, et le bus les attends de l'autre côté. Sauf que l'heure dite, personne ne se présene... Je décide d'aller de l'avant, rencontre des touristes qui me disent qu'il n'y a aucun groupe à l'horizon, et la nuit arrive...
    Demi-tour pour trouver un téléphone et appeler le point de départ (sauf que mon Norvégien est nul, et que l'anglais "norvégien" n'est pas courant !). Je tente d'expliquer à base de dessins et de cartes ce qui arrive, mon interlocuteur compose 2/3 coups de fil, me passe le combiné... et miracle : un animateur au bout du fil ! Ils ont rebroussé chemin devant la complexité du parcours. A 23:30, le bus retourne les chercher (1h30 de route quand même) et à 03:00 du matin, alors que le soleil commence doucement à émerger, le bus arrive enfin... Je me suis vu avec un casier judiciaire chargé l'espace de 2 heures !...
    Sur ce témoignage, je garde mon anonymat, mais pour Nico, je lui donne un indice : quand onsort beaucoup, on est moins seul !

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  3. Courte étape avec une balade en VTT riche en émotion...A travers cet article, je m'imaginais Nicolas dans '' la colline à des yeux '' film revisité par Alexandre Aja... Prudence voyageur.

    Entouré de rien, le moindre petit bruit devait prendre une dimension énorme non ?

    @ bientôt

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  4. @Fred : l'épaulé-jeté, voilà le mot exact ! jeté surtout ... c'est magnifique de précision et de vitesse !
    @ +

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  5. @F.S (pour respecter l'anonymat) :
    mais combien de vies tu as eues ? entre la mystérieuse thaïlandaise et le groupe norvégien ... allez on te pardonne d'avoir travaillé chez Al Campo, on a le droit de faire des erreurs ... ;-)
    @ +

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  6. @Philippe :
    La colline ne pouvait avoir des yeux, le sol était trop sec, il aurait fallu des hectolitres de collyre ! il faudra que je voie le film.
    Il n'y avait aucun bruit, seulement du vent, d'abord chaud, puis tiède, puis ... ouf j'étais plus là !
    @ +

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  7. Salut Nico, ces 2 pays ont du être rapides pour toi, j'espère que tu profiteras de l'Argentine à fond ! Vianney

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  8. @Vianney : la Bolivie était beaucoup trop courte, le Chili j'y repasserai rapidement, mais l'Argentine, je vais prendre tout mon temps et décaler le reste !
    @ +

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  9. le scenario du film est passionnant; le passage de la sortie en VTT est époustouflant.
    Je pense que tu as eu vraiment les jetons ....

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  10. Toujours aussi palpitant le récit de tes péripéties et chaque semaine on attend avec impatience l'épisode suivant ( c'est comme quand on été petit et abonné au journal Tintin on attendait impatiamment la semaine suivante pour connaitre la suite des aventures )
    Ta dernière virée en VTT dans la "vallée du diable" n est surement pas pour me démentir !!!
    C'est pas qu'on deviendrait accro à ton blog ?

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  11. @Dad :
    Oui j'ai eu les jetons, parce que je ne voyais pas la fin, et que la carte était plus ou moins fausse, alors que la route n'était pas immensément loin. Beaucoup de stress et d'imagination ...

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  12. @Gabriel :
    en fait c'était la Vallée de la Mort, très bien nommée ... la Quebrada del Diablo était beaucoup plus hospitalière.
    Merci !

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  13. un cycliste de l extreme est ne a san pedro!!!
    bien vu pour la photo de la paz, c est vrai c est bien nous, la tete basse a se demande ce qu on fout la. on se recroisera peut etre qui sait, mais t as l air d avoir pris une bonne avance sur nous. on sait jamais on se donne rdv deguise en pingouin sur le detroit de magellan!?!?
    bizzzz

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