Je suis reparti en Argentine ! Bientôt le nouveau blog ...
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dimanche 26 juillet 2009

Le toit du monde ... presque 2

T'es encore là ? tu veux savoir si je L'ai fait, tu te dis "il se foutrait pas un peu de ma p'tite tronche avec son toit du monde ?"
Non tu ne triches pas, tu lis tout ce post jusqu´au bout pour savoir si je L'ai fait.

Aller en haute altitude, ça demande de s'acclimater, sinon c'est direct le méchant mal de tête, le manque de souffle, et du coup tu marches en montagne comme Michael J. (paix à son nez) danse : en marche arrière !
Avoir passé quelques jours à Quito puis à Latacunga, ça aide déjà un peu : 2800 mètres c'est encore modeste, mais y vivre quelques jours de façon normale est déjà un début.

Pour s'acclimater vraiment, direction la lagune de Quilotoa, un lac au fond d'un ancien cratère de volcan.
Un premier bus, soft mais bondé, pour arriver à Zumbahua en traversant des paysages magnifiques, peuplés d'indiens au costume traditionnel (pour les femmes, les mocassins avec chaussettes hautes, la jupe malgré le froid, le fameux chapeau, un châle de couleur ...).
A Zumbahua, absolument tous les habitants s'improvisent taxis, tous les pick-ups nous proposent la virée vers Quilotoa pour 3$. Comme d'habitude un "no gracias" suffit, pas d'insistance.

D'abord on arpente le marché typique de Zumbahua, et on finit par céder à la tentation de s'attabler à un petit étal, pour manger un plat typique. Il y a du vent, il fait froid, les étals sont fabriqués avec trois bouts de bois et une vieille bâche, les tables ont dû connaitre le temps des Incas, les chiens traînent partout pour trouver un morceau à manger, on croise souvent un enfant, ou une vieille femme, plié en deux sous un énorme sac de légumes ...
On jette un coup d'oeil au contenu des marmites, à ce que mangent les locaux déjà attablés, à l'hygiène globale de l'étal (normes occidentales à oublier pour éviter de devenir anorexique), et finalement on fait LE GESTE : on en choisit un, on s'assied, on essaie de se faire expliquer ce qu'on va manger. Forcément on nous sert autre chose que le plat alléchant (ou tout juste rassurant) qu´on avait vu dans l'assiette d'un local.

Mais on est bien, là dans la vraie vie des vraies gens. D'ailleurs les deux femmes qui nous servent, la mère et la fille, ont l'air contentes d'avoir comme clients des visages pâles qui ont déserté les restaurants trop touristiques. On finit une assiette qui nous tiendra au corps pendant de très longues heures, l'étal manque de s'envoler.

On se met en route juste pour prendre quelques photos du canyon, avec l'intention de monter dans un pick-up pour rejoindre Quilotoa, et finalement on rencontre Alex, français qui travaille ici quelques mois, et Natalia, équatorienne. Ils nous assurent qu'en trois heures de marche c'est une affaire réglée.
Va pour la marche, malgré le gros sac sur le dos. Sous la pluie quasiment tout le long, en traversant des paysages et des couleurs superbes.




En fait c'est sympa de marcher sous la pluie : on l'oublie tant qu'on a des choses à se raconter, elle donne une ambiance différente et des couleurs nouvelles dès qu'un rayon de soleil s'y ajoute. Quand on ne discute pas on se perd dans ses pensées, encore plus que dans une randonnée au sec. Les gouttes qui tombent bruyamment sur la capuche donnent presque le rythme de la marche.
Finalement on craquera à 3km du but (oui je t'entends penser tout haut : "quand même c'est ballot, hein quand même ! hein c´est ballot ?") et on montera à l'arrière d'un vieux camion typiquement équatorien, avec le long rondin de bois dans l'axe pour se cramponner.

Quilotoa est donc au sommet, à 4000 mètres. Le choix ne manque pas pour se loger, tous les habitants transforment leur maison en "cabañas". Un d'eux a la gentillesse de nous indiquer l'existence d'une auberge au fond du cratère, au bord du lac, alors qu'on vient de refuser son offre.
C'est ça les équatoriens : on cherche à faire du business gentiment, sans arnaque, et on est TRES bon joueur quand le client potentiel refuse d'acheter. Pouvais-je mieux démarrer ce tour du monde ? Je n'ai jamais vu ça ailleurs, d'après Alex ce serait en train d'évoluer légèrement. VAS-Y je t'ai dit, vas en Equateur, plus vite que ça !!!





On atteint le bord du cratère en descendant un corridor étroit creusé dans la roche, et soudain le miracle s'offre à nos yeux : un cratère énorme, très vert, et rempli d'un lac. Juste impressionnant. Aucun mot approprié ne sort, si ce n'est : " 'tain la vaaaache, ouaaaah !!!! ". On entame la descente par un tout petit chemin, pour arriver au bord du lac et à la fameuse auberge : une sorte de ferme en torchis, avec quelques chambres individuelles. Pas d'électricité, pas d'eau, pas le moindre système même artisanal de douche, mais des vrais lits avec draps !
Il fait vite noir et très froid dans ce vent glacial. Dîner à la bougie dans la pièce où vit la petite famille : une jeune fille, sa mère et son bébé. Je récupère une bougie pour ma chambre, cale la porte avec mon sac à dos pour éviter de dormir aux quatre vents, et m'endort avec trois couches de vêtements et autant de couvertures. Moment idéal pour écrire, à la bougie et dans le bruit du vent qui aimerait forcer ma porte.

Le lendemain je me réveille la tête explosée, je devrai me contenter d'un peu d'eau du lac sur le visage. On se remet en marche, en essayant de trouver le chemin pour faire le tour du cratère. Remontée sportive sur la crête et superbe marche, avec d'un côté le vide et le lac, de l'autre côté le vide aussi et des paysages colorés.
Finalement l'heure avance et il faut se rendre à l'évidence : il est trop tard pour boucler le tour entier. Pas question non plus de faire marche arrière et redescendre ce qu'on a péniblement monté. Donc sans carte et sans aucune idée de ce qu'on va trouver, on quitte le cratère par le premier chemin disponible pour rejoindre la vallée. Forcément on avait tout faux. Nous arrivons dans un village inconnu à 17h, où nous sommes vite l'attraction. A travers deux fenêtres je vois un homme d'âge mûr courir comme un enfant excité, dès qu'il passe le coin et arrive devant nous il se met à marcher doucement en sifflotant, l'air pas plus curieux que ça pour cacher son excitation juvénile.

L'unique chauffeur de l'unique camion du village profite de notre situation et nous fait payer assez cher ses services, pour nous ramener à Zumbahua, d'où l'on prend in extremis un bus de nuit pour Latacunga. Longue et belle mais incertaine journée qui se finira bien dans le lit douillet de notre hôtel.
Ah c'est pénible ces histoires qui se finissent toujours bien, on se croirait devant un Disney, pfff !

Une journée de glande plus tard (tiens il faudra que je raconte une journée off d'un backpacker), rencontre de deux nouveaux copains canadiens, Ernesto et Samir, et départ pour le Cotopaxi et la promesse de ses 5897 mètres, "accessibles même aux novices" comme disent toutes les agences qui vendent les treks organisés. On en reparlera ...


Le 4x4 s'arrête à 4500 mètres, en guise d'apéritif nous avons droit à une montée pénible au refuge à 4800 mètres, avec tout le barda sur le dos.
C'est fou, on n'est qu'au refuge, on n'a presque rien fait, mais on est déjà aussi haut que le Mont-Blanc. D'ailleurs au refuge les gentils touristes d'une journée en jean-basket se mèlent aux montagnards prêts à en découdre (ben nous quoi, rhaaaa suis un peu !) .

On nous gave comme des oies, on enfile les baudriers, les pantalons et sur-pantalons, et on part crampons à la main s'entraîner sur le morceau de glace le plus proche. Sur un rocher, 30 mètres au-dessus, un loup nous observe. L'en a vu d'autres le lobo, pas de quoi hurler pour si peu !





On dîne alors que le déjeuner a à peine passé le stade du gosier, et on va se coucher, chacun guidé par sa lampe frontale.
C'est long une demi-nuit quand on se couche à 19h, et qu'on ne ferme pas l'oeil une seule minute jusqu'à minuit, l'heure fatidique du réveil : bruit, froid, inconfort ... sans oublier le concert audio-gastrique dans le dortoir, dont je pourrais aisément, en toute objectivité et sans prétention, m´auto-désigner le chef d´orchestre. Hé hé.

Mais ça y est, l'éternité a une fin et le signal de se lever est donné. Petit-déjeuner copieux alors que le déjeuner est dans l'estomac et le dîner dans le gosier, on enfile tout le matériel, et on sort du refuge. Je lève les yeux au ciel, je n'ai jamais vu les étoiles d'aussi près, c'est juste fascinant. On se lance dans la nuit noire, loupiote au front, crampons dans la main gauche et piolet dans la main droite.

Atteindre le glacier est déjà une première épreuve. J'ai calculé environ 30 cm par seconde donc 1,2 km par heure. Le sol se fait blanc, la terre boueuse fait place à la glace, nos pieds s'arment de dents tranchantes, on s'encorde en deux groupes de trois, et on part ... INTO THE WILD.
Marcher sur une montagne qu'on sait énorme, être engoncé dans sa tenue, ne pas voir à plus de 2 mètres, balayé par le vent et la neige, exténué dès le début. Assez effrayant si on n'était encordés à un guide très pro, et s'il n'y avait devant et derrière nous d'autres groupes. Un défilé de petites loupiotes dans la montagne, beau à voir par moments, démoralisant quand certaines loupiotes se baladent beaucoup mais alors beaucoup plus haut que nous sans être pour autant arrivées. Par moments on confond les loupiotes les plus hautes avec les étoiles.

On entame une marche interminable et crevante, encordés mais chacun terriblement seul dans sa capuche et le bruit du vent. On n'y voit rien et heureusement : en plein jour la raideur de la pente nous aurait déjà découragés. La seule chose que j'ai bien vue est une crevasse large de seulement 50 cm mais d'une profondeur effrayante. Le chemin passe à 10 cm de l'ouverture de la crevasse.

Les arrêts sont de plus en plus fréquents mais trop courts. Le guide n'aime pas s'arrêter. De temps en temps je me retourne pour voir les lueurs des villes au loin, et les étoiles aussi, mais je risque de chuter à chaque fois. La fatigue ajoutée au vide qui menace au bord du chemin n'autorisent pas beaucoup de distraction. Je passe à peu près 6 heures à regarder mes pieds, enfin sauf quand le vent balaye la neige à l'horizontale et m'oblige à porter la cagoule intégrale, qui réduit mon champ de vision à la lunette d'un char Clémenceau.

Pendant les deux dernières heures, je passe chaque mini-pause les genoux à terre. Difficilement expliquable alors que les jambes ne tirent pas trop et que le souffle est bon. Je n'aurais pas oublié de boire un peu ?!? Le mental aussi est moyen, atteint par la difficulté très supérieure à ce qui était annoncé. Et peut-être aussi par ma position de dernier de cordée, qui me donne l'impression mathématiquement fausse mais mentalement plombante, d'être à la traîne.
Je chute lourdement et fais tomber Valérie, le guide nous retient immédiatement. Je perds un gant qui dévale, la pente est impardonnable. Deux gants à la main droite, un seul à la main gauche, je déguste.
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Le soleil se lève doucement, la pente inquiétante se dévoile sous nos pieds et plonge dans la mer de nuages qui s'est déroulée. D'un côté de ce tapis ouateux, l'ombre du Cotopaxi dessine un triangle gigantesque, de l'autre côté surnagent les autres sommets titanesques.



Passage d'un goulet très technique, quasi vertical. On plante le bout des pieds et le piolet dans la glace pour se hisser péniblement. Pendant un moment je me retrouve coincé au milieu de la paroi, les mollets en feu. Une fois l'obstacle passé, la fin de la marche est un régal, le mental fait un bond et le soleil nous réchauffe malgré l'altitude.

Derniers mètres, excitation, émotion. La fatigue est oubliée. L'émotion est décuplée lorsqu'un groupe qui entame la descente nous adresse ses "félicitaciones", on prend conscience de ce qu'on est en train de faire, et de l'endroit magique où l'on se trouve.

Ca y est, plus possible de monter plus haut, c'est vraiment le sommet. 5897 mètres. Le plus haut volcan actif du monde. Je l'ai fait.
Il fait même assez bon, je peux enlever la cagoule et une épaisseur de gants pour prendre des photos. Malheureusement le cratère est quasi-invisible, rempli d'un épais nuage comme souvent. Mais le spectacle autour est grandiose, cette mer de nuages hérissée d'autres sommets, dont le Chimborazo à 6300 mètres.



On redescend très vite, au bout de 15 minutes, en prenant soin de féliciter les cordées qui arrivent après nous.
Et on découvre le paysage que l'on a traversé toute la nuit sans le voir. Crevasses béantes, cathédrales de glace, formes diverses sculptées et caressées par le vent. La pente est raide et douloureuse pour les genoux. Le vide menace toujours. Je fais un faux pas, blocage instantané et viril du guide derrière moi. Juste pro.
On rentre au refuge, un peu défaits par la nuit blanche et l'effort, mais heureux de l'avoir fait.
Le guide propose en rigolant de monter sur le Chimborazo le lendemain. Je réponds : "Tal vez el próximo año*".

C´est ça, tal vez.

*Peut-être l´année prochaine.
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14 commentaires:

  1. Je suis contente de lire la suite... à la hauteur des autres posts... bravo pour l'ascension...comme je l'ai dit à Valérie...on aurait aimé être avec vous !
    Mary

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  2. Tu m'as improssionné Nico... Et tu as un autre fan : Mister Despature himsef !

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  3. Quel homme!En tout cas tes récits sont passionnants, j'essaie de les suivre régulièrement et je t'envie énormément!
    J'attends la suite avec impatience!
    Gros bécots

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  4. "Par moment on confond les loupiotes les plus hautes avec les étoiles."
    qu'est ce que j'aime cette phrase!!! :)
    quel pied t'as du prendre en arrivant au sommet!!!
    (sympas la phot du loup et celle de la mer de nuage est juste magnifique!).
    nico iz my hero! :)

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  5. @Moon : réellement je les confondais, sauf quand les randonneurs qui les portaient bougeaient la tête.
    Oui j´ai pris un sacré pied, mais pas sûr que je recommence bientôt, vraiment dur.
    Merci !

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  6. @Momo :
    quel homme, n´exagérons pas ;-)
    Merci !
    bizzzzz

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  7. Si si, "quel homme", on peut le dire !! Ou plutôt, "quels Hommes"... Bravo & merci de nous faire partager !!

    NB : ben alors, faut savoir ! Tu m'avais dit que "Céline" seul suffisait maintenant !!!

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  8. C'est vrai mais j'ai eu encore un doute. Allez maintenant je considère que tu es la seule et unique Céline ;-)
    En tout cas je préfère Céline à Anonyme !
    Tu pourrais aussi signer Céline-qui-aime-faire-l´hystérique-en-impro , y aurait plus de doutes possibles ...

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  9. Félicitations et merci !!!
    pour quoi ? pour tout !!! pour l'ascension, pour vivire cette vie, pour nous faire partager tes découvertes. Tes récits sont passionnants, on a envie d'y être !
    C'est canon ce que tu fais !! Continues, fais le pour toi et pour nous....
    carole

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  10. @Carole : ca c´est un commentaire enflammé qui me fait très plaisir, merci !

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  11. j'adore tes récits ...et les photos nous font rêver ...Continue ainsi , bon voyage

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  12. Bin bein bin! que d'aventures mes aieux!! Tu fais l'everest en septembre aussi?
    Biz

    NicoB

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  13. @NicoB :
    non je crois que j'éviterai de monter plus haut que ça, mais la tentation de refaire un haut sommet reviendra ... pitêt au Pérou ?
    à +

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