Je suis reparti en Argentine ! Bientôt le nouveau blog ...
__________________ENCORE ET ENCORE DES NOUVELLES VIDEOS ICI !! _______________Tour en moto à Can Pho, Prière des moines bouddhistes ...

vendredi 23 avril 2010

Dans la fournaise de Phnom Penh

Après une succession de mini-étapes depuis que je suis entré au Cambodge, me voilà parti pour la capitale. A Kom Pong Cham je me lève tôt dans mon hôtel impersonnel mais pas cher, prends le petit-déj’ chez le couple de français récemment installé, jette un dernier coup d’œil au Mékong et à la croisette, et retrouve le mototaxi sympa qui m’avait amené hier. Il a tellement peur que je me laisse embarquer par un concurrent, qu’il attend devant mon hôtel une demi-heure avant le rendez-vous. Je monte dans un bus bien rempli, uniquement des cambodgiens, et trois heures plus tard, nous arrivons dans la capitale. Je n’avais pas vu de ville aussi active depuis bien longtemps.

J’envoie paître un mototaxi qui annonce un prix honteux, et j'en choisis un autre qui m’emmène à Sunday Guesthouse. Je ne regrette pas mon choix, c’est une belle guesthouse tenue par un jeune gérant qui parle parfaitement l’anglais et le français, et, ô suprême bonheur, je profite du wifi gratuit et rapide jusque dans la chambre, une rareté absolue ! De quoi me permettre de charger et sécuriser des tonnes de photos et vidéos, ce que je n’avais pu faire pendant de longues semaines. Le wifi gratuit et performant est une denrée rare au Laos et au Cambodge, mon PC va souffrir pendant quatre jours …

J’attends au moins la moitié de l’après-midi avant de sortir de la guesthouse, et me dirige droit vers le Centre Culturel Français. Ils diffusent des films gratuitement plusieurs fois par semaine, dans une petite mais vraie salle de cinéma, c’est donc mon objectif principal. Et je fais bien de m’y précipiter parce que nous sommes à quelques jours du Nouvel An Khmer, et que le Centre Culturel sera fermé dès le lendemain pour une semaine. Je traîne donc longtemps à la librairie, où les livres neufs sont malheureusement trop chers, à la médiathèque, où les livres d’occasion ne sont prêtés qu’aux gens installés ici, et je profite donc de la dernière séance … un film que j’ai déjà vu, mais c’est toujours ça de pris ! Ce sera tout pour aujourd’hui, je n’ai presque rien vu de la ville mais je rentre à la guesthouse.

Le lendemain est une journée chargée, je décide d’aligner les visites culturelles et historiques, et de visiter Phnom Penh. Je commence avec le Musée National, un bâtiment magnifique qui expose uniquement des statues Khmer, autour d’un patio central fleuri et superbe. Les grandes statues, représentant souvent les divinités hindouistes, sont impressionnantes, mais avec toutes les petites statues montrant Shiva assis, Shiva debout, Shiva les bras écartés, Shiva se curant le nez … on est tenté de passer rapidement.




Il faisait déjà chaud en entrant, mais en sortant à midi c’est intenable, une vraie fournaise. J’ai deux heures à patienter avant l’ouverture des autres sites, je vais me balader et déjeuner sur le front de la rivière Tonlé Sap, qui aligne les restaurants assez cozy, dont un Foreign Correspondents Club of Cambodia, le parfait repaire à expatriés avec un décor colonial jusqu’au moindre détail, mais aux prix très marqués aussi. J’en choisis un autre et je m’installe face à la rivière, et c’est le défilé des vendeurs qui commence, des enfants surtout. Si j’ai le malheur de lever les fesses 10 centimètres de mon fauteuil, trois mototaxis me hèlent immédiatement, toujours à l’affût d’un client potentiel qui va régler l’addition. Même en terrasse on a chacun un ventilateur, tellement c’est difficile à supporter. Une fois déjeuné, je décline tous les mototaxis, qui sont nombreux et proposent leurs services en permanence, mais ils n’insistent pas lorsque l’on refuse et gardent le sourire, probablement le principal gène cambodgien. Un tour dans une librairie d’occasion, en vue des jours à venir sur les plages et îles du sud, et je ressors avec le fameux Killing Fields, récit des horreurs khmers par un journaliste américain. Un roman plus mielleux aurait peut-être été plus indiqué, mais au moins je vais m’instruire. Les voyageurs qui viennent au Cambodge ont principalement deux choses en tête : les temples d’Angkor Wat, et l’histoire du génocide (et les plages aussi mais on le dit moins).

Vanné et trempé par une petite demi-heure de marche sur la croisette, je peux enfin continuer les visites. Direction le Palais Royal, bâtiment magnifique ressemblant à un temple dans un parc vert et fleuri, une vraie oasis dont on ne nous laisse visiter qu’une petite partie. Sur le même site on trouve la Pagode d’Argent, encore un bel édifice entouré de quatre stupas et de verdure. A l’intérieur du temple, un énorme Bouddha en or de 90 kg et 9584 diamants. En me promenant autour du temple, visité surtout par des cambodgiens, je vois un jeune moine apparemment en vacances avec sa famille pour le Nouvel An. Il prend des photos avec son téléphone dernier cri, une clope dans l’autre main.




La température a à peine baissé, mais je continue à pied pour explorer quelques rues et le monument de l’Indépendance. A mon grand étonnement, Phnom Penh est une ville moderne et assez riche, débordant forcément d’énergie mais pas si bruyante et saturée de trafic que je l’avais lu. Quand on a vu Hanoi et surtout Saigon, plus rien ne paraît oppressant ! En tout cas j’étais venu à Phom Penh avec des images négatives, sans savoir dire d’où elles venaient, et je suis positivement surpris.




J’attrape un mototaxi pour continuer sur ma lancée, direction le musée Tuol Sleng, un endroit dur mais à ne pas rater. Il se trouve dans la prison au nom de code S-21, installée par les Khmers Rouges pour interroger et torturer les supposés opposants et traîtres au régime, avant de les envoyer se faire exécuter à l’extérieur de la ville. Avant d’être utilisée comme prison, c’était une école, chaque salle de classe a donc été utilisée comme salle de torture, ou comme cellules collectives et individuelles. On peut voir des centaines de photos des martyrs avant ou après torture, puisque les Khmers Rouges prenaient un soin méticuleux à tout documenter et archiver. De nombreuses cellules, minuscules, sont encore en place. Des instruments de torture aussi, de vieux lits en fer. Et des photos, des témoignages sur les méthodes des Khmers. Seuls 7 survivants furent trouvés dans la prison à la libération par les Vietnamiens. Je ne peux y passer que deux bonnes heures avant la fermeture, mais une demi-journée est nécessaire pour tout lire.




Après une telle visite, il faut un bol d’air. Je m’offre une petite balade à travers les quartiers populaires. Je découvre un bar à télé, comme à Vang Vieng au Laos, mais pour les locaux et en beaucoup plus sobre. Je repasse la soirée tranquillement dans ma chambre, pas encore décidé à sortir après une journée aussi crevante. Mon PC lui n’a pas bougé, mais a encore plus chaud que moi, il tourne sans s’arrêter.

Le lendemain je suis d’attaque assez tôt pour continuer dans le registre des visites difficiles. Je pars en tuk-tuk avec un couple d’australiens vers le site Choeung Ek, aussi appelé The Killing Fields. La suite logique de la prison S-21, le lieu d’extermination de masse du peuple. Celui à l’extérieur de Phom Penh a été érigé en lieu de souvenir, mais il y en a plusieurs à travers le pays. Dès l’entrée on est mis dans l’ambiance, une grande stupa contient des centaines de crânes, autres os, et vêtements collectés, le tout stocké sur différents étages et visible à travers des vitres. On fait le tour du site, en passant entre les trous qui furent des charniers, et les panneaux indiquant ce qui y a été trouvé ou l’utilité de tel arbre dans le travail « d‘abattage ». Pour terminer, un petit musée donne un complément d’histoire, et expose la fameuse tenue Khmer Rouge, faite d’un pantalon et d’une veste noirs et d’une écharpe rouge. Malgré les innombrables crânes, on a du mal à imaginer que cette horreur s’est passée là, à l’endroit où l’on se balade tranquillement.




Après la prison la veille, j’ai ma dose d’histoire et de visites troublantes. Je rentre à l’hôtel et loue un vélo pour explorer un peu mieux la ville. Direction d’abord un restaurant réputé pour employer des gamins sortis de la rue, fermé. Un autre à quelques blocs également fermé, à cause des vacances de nouvel an. Après les contraintes du nouvel an vietnamien il y a deux mois, ça devient lourd. Pour compenser la frustration, je m’offre un petit resto français à prix raisonnables, puis je vais visiter le temple Wat Phnom, au sommet d’une petite colline qui fait office de rond-point gigantesque. Je passe ensuite devant l’hôtel Royal, ex-Phnom, et l’ambassade française, qui furent des lieux de refuge pour les étrangers lors de la prise de Phnom Penh par les Khmers Rouges. Direction le lac Boek Kak, qui est aussi le quartier des backpackers. J’essaie en vain d’en avoir une belle vue d’ensemble, et tombe sur des quartiers très populaires et pauvres, faits de baraquements et de rues défoncées en terre. C’est tellement délabré que je me demande, l’espace d’une seconde, si c’est une bonne idée de s’y aventurer, mais je ne vois que des regards bienveillants, ou au pire indifférents. Malgré l’extrême pauvreté, les gens sont souriants et n’ont pas une once de jalousie envers l’étranger riche à vélo que je suis.

Un peu plus loin je tombe sur un autre quartier tout aussi pauvre, mais qui vaut encore plus le coup d’œil parce qu’il s’étire le long d’une ancienne voie ferrée. Encore des baraquements en bois délabrés, trempant à moitié dans le marécage juste derrière, mais la pauvreté se voit moins sur les habitants eux-mêmes et leurs vêtements. Il y a comme un décalage entre cette femme que je vois, debout sur la voir ferrée avec sa tenue plutôt élégante, et sa baraque trois mètres derrière.




Je repars vers le quartier backpacker pour un petit verre dans une guesthouse sur pilotis avec vue sur le lac. « Juste un verre j’ai dit, tu peux remballer ton petit sachet ! T’es sourd ? Juste un verre ! ». Malgré son sourire persistant le barman finit par comprendre et me sert mon 5863ème shake depuis l’entrée au Laos. Je quitte ce quartier sans intérêt à part le lac difficile à voir, et repars vers la croisette au bord du Tonlé Sap. Je m’arrête bien vite pour profiter d’une spécialité toute cambodgienne : le massage par une personne aveugle. C’est la garantie d’avoir un massage professionnel sans proposition de « finition », et l’occasion de faire une bonne action. Et par préjugé, j’ai tendance à penser qu’un(e) aveugle a une sensibilité plus forte pour masser. Je ne suis pas déçu, ma masseuse parle un anglais impeccable, et réalise un massage de haute volée.

Il commence à faire noir, je continue à pédaler sur la croisette très chargée en trafic et dans les rues derrière, quand je tombe sur trois policiers qui m’arrêtent parce que je roule en sens interdit. Oups je n’avais pas vu ! Je sens venir la tentation de me faire payer une faute qu’ils tolèrent largement pour les locaux mais bizarrement pas pour les étrangers, comme l’écrit le Lonely Planet lui-même. Comme ils parlent un mauvais anglais, je fais mine de ne pas bien comprendre, puis plaide la distraction, réelle d’ailleurs. Et l’on en vient au vif du sujet lorsque l’un d’eux me demande d’abord de ramener du coca pour tout le monde, puis 5 dollars. Je discute, dis que je n’ai pas d’argent sur moi, puis esquive en insistant lourdement sur le coca que je vais leur amener. Ca marche, ils me laissent partir chercher du coca … avec mon vélo ! Je pourrais donc m’en aller sans revenir, mais j’ai l’intention de rester dans le quartier pour dîner, et j’aurai plus de problèmes si je les recroise. Donc je vais acheter trois malheureuses canettes de coca deux blocs plus loin, leur amène, et ils me remercient chaleureusement avec un grand sourire. Cela me fait plus sourire que pitié, et je repars vers la croisette, surchargée en trafic et en piétons, pour m’arrêter à l’un des nombreux bar-restaurants qui s’alignent. Encore un bon dîner très français et générateur de salive, et je file rendre mon vélo au petit loueur, craignant qu’il garde mon passeport … et en faisant attention aux sens interdits et aux rues complètement noires.

Dans la guesthouse, le manager m’annonce que les bus pour la côte sont pleins le lendemain, la faute au Nouvel An. Un rapide coup d’œil à mon PC pour vérifier qu’il n’a pas cramé, et je rencontre David et Paul, deux anglais très sympas. Nous cherchons en vain un bar dans le coin, essayons de nous incruster dans l’un rempli uniquement de locaux qui dansent, mais c’est apparemment une soirée privée. Un shake à l’ananas dans la rue, une voiture poussée à nos risques et périls, et une longue marche plus tard, nous trouvons enfin un petit bar sympa, mais vide. On évite difficilement de discuter de l’Amérique du Sud, que David a largement visitée.

Le lendemain est une journée très calme, que je passe essentiellement sur une terrasse en front de rivière, pour échapper à la chaleur. J’y rencontre Fiona et Jola, guadeloupéenne et polonaise que je n’arrête pas de croiser depuis le sud du Laos, et Else une flamande qui vit ici. Quelques bières ou shakes plus tard, nous bougeons vers un resto local, et revenons sur une autre terrasse pour profiter de la happy hour. Tout le temps que nous sommes en terrasse, c’est un défilé permanent d’enfants qui vendent des livres, bizarrement tous les mêmes, ou des bracelets. C’est évidemment de l’exploitation, et lorsqu’on leur demande où va l’argent qu’ils gagnent, la réponse est automatique mais pas convaincante : c’est pour payer l’école. Ces enfants sont jeunes mais très éveillés, ils parlent bien l’anglais et ont un grand sens de la répartie. Nous les « riches », sommes tentés d’acheter de temps en temps pour les aider, mais l’argent n’est évidemment pas pour eux, et un dépliant largement distribué dans le pays demande de ne surtout rien leur donner ou acheter, même lorsqu’ils sont accompagnés de leur mère, pour ne pas encourager cette exploitation. Et à un niveau plus inquiétant, d’après Else, « le trafic de jeune chair » ne se ferait pas bien loin d‘ici. Pour cela aussi, un poster omniprésent explique aux étrangers les risques qu’ils prennent s’ils se laissent tenter. Ambiance …

Après avoir quitté Fiona, Jola et Else, que je retrouverai très rapidement, je rentre vers la chaleur étouffante de ma guesthouse, à pied à travers les rues sombres pour un dernier coup d’œil sur Phnom Penh. J’ai une dernière nuit à passer au bruit du ventilateur avant de partir vers la côte et les plages. C’est surtout mon portable qui va respirer …
-
-

8 commentaires:

  1. Encore un récit riche en découverte culturelle et surtout humaine. Et tu as même trouvé un nouvelle "stat débile" :)

    Et tu as encore combien de pays à faire ? J'ai perdu le fil à vrai dire. je me dis qu'après le cambodge il en reste au moins un..

    RépondreSupprimer
  2. magnifique l'album de photo du cambodge !
    J'ai aimé la photo de la Citroen 11 familiale : elle est magnifique ;mon père avait cette voiture jusqu'en 1958...
    Au niveau architecture de maison , je trouve que l'on trouve encore bcp d'influence française

    RépondreSupprimer
  3. @Rom' :
    Quelle stat débile ?
    Dernier pays dans 1 semaine, la Thailande !
    @ +

    RépondreSupprimer
  4. @Dad :
    Dans quel album la Citroen 11 ?
    Pour l'influence francaise, c'est des restes uniquement!

    RépondreSupprimer
  5. Luang Prabang. Laos
    Je parlais de l'architecture de la maison derrière la Citroen (Photo 150)
    A +

    RépondreSupprimer
  6. @Dad :
    ah celle-la, oui j'adore cette photo, le cliché parfait de l'ancienne France !

    RépondreSupprimer
  7. voila la stat' débile :) "le barman finit par comprendre et me sert mon 5863ème shake" ah ah ah

    RépondreSupprimer
  8. Ah ouais, elle est vraiment belle la Citroen 11 !

    RépondreSupprimer

Merci d'utiliser l'option Nom/URL et non Anonyme, pour renseigner ton nom ;-)