Je suis reparti en Argentine ! Bientôt le nouveau blog ...
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mardi 20 avril 2010

Kratie et Khom Pong Cham, langueur du Mékong

A Ban Lung, dans la province de Ratanakiri, lever à 5 heures pour attraper le bus à 6 heures, après un petit tour en moto avec le gros sac. C’est impressionnant de voir comme les villes remuent déjà à cette heure. Nous reprenons la route poussiéreuse d’il y a deux jours, à travers forêt et campagne, vers Kratie. Dans le bus c’est l’épidémie de têtes enfouies dans les sacs en plastique, et comme nous ne pouvons pas ouvrir les vitres à cause de la poussière, l’odeur se répand rapidement. La palme revient à un tout petit garçon assis juste derrière moi, la veine. Je suis un peu étonné parce que dans tous les pays pauvres que j’ai traversés, les locaux sont habitués à des trajets en bus difficiles, à cause des routes défoncées ou sinueuses, et de l’absence de confort à l’intérieur. Mais ici la route est plate et droite, et je n’ai jamais vu autant de gens vomir. D’après Benjamin, l’explication serait qu’ils ne voyagent quasiment jamais, et qu’ils ne sont donc pas habitués. Ça se tient. Mais ça sent.

Cinq ou six heures plus tard, nous arrivons à Kratie. Benjamin et Chloé descendent aussi, avec l’intention d’attraper un autre bus, tandis que Matthieu va à Phnom Penh pour soigner son coude.

C’est une petite ville qui témoigne de l’ancien prestige des années coloniales par ses façades et arcades décrépies, écrasée par une chaleur difficilement soutenable et rafraîchie par le Mékong. Les vieilles façades coloniales se concentrent autour du marché crasseux et pittoresque, ainsi que le long du Mékong, tandis qu’à une ou deux rues de là, ce sont les maisons traditionnelles, en bois et sur pilier, qui prennent leurs droits. Il suffit de marcher 200 mètres depuis le marché pour voir une vie extrêmement pauvre, avec beaucoup de déchets, des petits feux ici et là, mais toujours des gens souriants et curieux de voir des étrangers.

Je perds une bonne partie de l’après-midi à poster un article sur le blog, dans l’entrée de la guesthouse à peine rafraîchie par les ventilateurs, et au bruit permanent et divertissant de la rue et du marché. Je me libère enfin de ma corvée pour assister au coucher de soleil sur le Mékong. L’impression de langueur, d’une vie lente écrasée par le soleil, est encore plus forte à cette heure où le Mékong est rougi par le soleil couchant. Une silhouette de pêcheur sur sa pirogue vient se placer dans le reflet rouge-orange du soleil.



Je croise Benjamin et Chloé qui ont raté le dernier bus pour l’est du pays, et doivent patienter jusqu’au lendemain. Puis je vais manger local sur un des étals installés en front de rivière. Les femmes qui y cuisinent ne parlent pas un mot d’anglais, mais ont un menu traduit dans un anglais à peu près compréhensible, qui m’évite de faire un choix malheureux ou de retomber sur l’inévitable mais lassante soupe de noodles au bœuf. Souvent aussi, les jeunes enfants de la cuisinière savent parler un peu d’anglais, ça aide beaucoup. Deux heures dans un chouette petit café pour expats et voyageurs, et au lit.

Il n’y pas beaucoup de choses à faire à Kratie, mon réflexe quasi-pavlovien est de louer un scooter pour explorer les environs. Je pars le long du Mékong vers le sud, et me retrouve vite dans l’exotisme du Cambodge : des maisons traditionnelles au milieu des palmiers, des animaux qui traînent le long et au milieu de la route, des huttes en paille pour abriter les vaches, des paires d’yeux éberlués à mon passage (à moins de cinq kilomètres de Kratie, ils ne doivent pas voir plus d’un visage pâle par semaine), des voitures ou bus qui foncent en m’aspergeant de poussière et graviers, et le Mékong qui se partage entre eaux basses et longues bandes de sable. Je descends vers l’embarcadère du petit bateau qui fait traverser voitures, motos et piétons, et m’arrête sous un petit toit en paille pour prendre un jus de canne, créant le regard étonné et amusé des gens qui tiennent l’endroit. Quelques personnes arrivent en moto pour boire un verre et m’observent discrètement, pendant que j’observe le Mékong majestueux, quelques maisons flottantes et ses pêcheurs affairés entre deux bandes de sable.




Je traverse le petit village juste à côté, un petit paradis au milieu des palmiers, et reprends la route, mais je fais vite demi-tour devant les travaux qui promettent des tonnes de poussière, le souvenir des 80 kilomètres difficiles au Ratanakiri est encore là. Je rentre donc à Kratie, en explorant au passage les quartiers périphériques, d’une pauvreté hallucinante. Après une longue pause dans ma guesthouse, pour éviter le cagnard insupportable de midi, je repars le long du Mékong, vers le nord cette fois. Mon objectif principal, et c’est à peu près le seul centre d'intérêt touristique, est d’aller voir les dauphins Irrawady, une espèce rare à la tête très arrondie, qui baigne dans le Mékong près des 4000 îles au Laos, et à Kampi près de Kratie. Je roule plusieurs kilomètres sur une route étroite et chaotique, bordée tout le long de petites maisons. Une sorte de long village ininterrompu et plein de vie, des petits stands qui vendent des boissons sorties des glacières, ou de l’essence dans des bouteilles de Coca en verre.

Je fais un premier arrêt au pied d’une colline, au sommet duquel il y a un temple. Cela m’inspire moyennement, et le gérant de la guesthouse m’a dit qu’on risquait de me voler le scooter. Donc je poursuis tranquillement le long de la route, essayant de répondre à chaque sourire des adultes et à chaque Hello des enfants sur le bord, mais pour y arriver il faudrait rouler très doucement. J’arrive un peu trop vite au parking d’où l’on peut prendre le bateau pour voir les dauphins, et négocie le droit de m’asseoir face au Mékong avant d’acheter mon billet. Mais j’arrive à voir les dauphins depuis la rive, et le bonhomme qui gère l’entrée le sait bien, et m’oblige à acheter mon billet pour prendre le bateau. Sept dollars, c‘est un peu du vol, mais je suis là pour ça, donc je monte avec un vieux couple allemand, et la pirogue nous emmène pour un long moment à glisser sur l’eau, dans le calme absolu, au milieu du Mékong, traquant des yeux la respiration des dauphins en surface. C’est tout ce que l’on peut en voir, c’est une espèce de dauphins très calme et farouche qui ne saute jamais. J’arrive quand même à arracher une photo, et renonce à en prendre une meilleure pour profiter avec les yeux.




On finit par ne plus voir de dauphins, et c’est le soleil couchant qui prend la relève, agrémenté des silhouettes de pêcheurs, toujours dans un calme absolu. Retour sur la berge, j’enfourche le scooter et poursuis ma virée toujours plus loin de Kratie, le long de cette route-village interminable. Et plus j’avance, plus l’impression d’être un extra-terrestre s’accentue, les regards sont de plus en plus appuyés et surpris. Certains enfants lancent les Hello très enthousiastes, d’autres restent la bouche grande ouverte à mon passage. Nous sommes très près de Kampi, le site touristique dédié aux dauphins, mais ils ne voient quasiment aucun étranger ici parce que les étrangers justement vont à Kampi en tuk-tuk et repartent, sans s’aventurer au-delà. C’est vraiment une sensation géniale de déclencher autant de réactions rien qu’en passant en scooter.

Les maisons sont un peu différentes de celles au Laos, plus grandes et un peu stylées. Devant la plupart d’entre elles, il y a un épouvantail, je n’ai aucune idée de sa signification. Un lien avec le nouvel an qui arrive, une volonté de chasser les mauvais esprits ? Par contre il n’y a aucune explication à trouver à la grande mode du pyjama. J’en avais vu une ou deux à Kratie, mais ici dans le village, c’est bien la moitié de la gent féminine qui se balade en pyjama, des toutes petites filles aux vieilles femmes, en passant même par les adolescentes. Il y en a pour tous les goûts, tous les motifs.

Je m’enfile tout le chemin en sens inverse jusqu’à Kratie, en évitant les buffles qui traversent lentement, et me rends compte que le plaisir de sillonner cette route m’avait emmené bien loin. Comme partout en Asie, je vois des petits bouts de chou sur les scooters, soit sur le bout de la selle les mains posées sur le guidon, soit derrière et s’accrochant à leur maman avec leurs petits bras. On s’étonne après que rouler sur une moto soit une seconde nature … Devant de nombreuses maisons, je vois des panneaux de partis politiques bien en évidence, pour indiquer l’appartenance de celui qui habite là. Il faut croire que c’est le signe d’une démocratie florissante, même si le Parti du Peuple Cambodien est ultra-majoritaire.

Je repars manger sur les étals nocturnes au bord du Mékong, et je passe une soirée tranquille dans la guesthouse, pour me lever tôt et attraper le bus vers la mini-étape suivante, Kom Pong Cham. Après avoir bravé les intempéries du système de ventilation qui coule à grosses gouttes sur nos têtes, dans tout le bus, j’y arrive un peu avant midi, et découvre tout de suite une petite atmosphère très tranquille. Moi qui suis toujours réticent à prendre un mototaxi, et encore plus réticent à suivre leurs propositions de guesthouse, je me laisse rapidement embarquer par l’un d’eux, qui propose spontanément le vrai prix d’une course, et n’insiste pas pour m’emmener là où il veut. Assez rare pour être noté.

Pour la première fois en neuf mois, je m’installe dans un grand hôtel traditionnel et obtient une chambre excellente pour un prix aussi faible qu’ailleurs. Le Mékong passe juste devant, et un simple coup d’œil de chaque côté me montre la même petite ambiance qu’à Kratie. Je déjeune dans un petit restaurant tenu par un anglais, face à la rivière. Le genre de petit endroit sympa, qui se démarque des restaurants locaux sans être trop occidentalisé. Je demande au patron anglais si la vie ici n’est pas trop calme ici, il me répond que les gens sont très gentils et la vie lente, et que ça suffit. C’est amusant de voir qu’il y a toujours au moins un expatrié dans chaque ville moyennement touristique. Je partage largement ce choix de s’expatrier et démarrer une vie simple dans un pays pauvre que l’on aime, mais je me demande toujours si je pourrais m’installer dans une petite ville un peu endormie.

Après un tour en ville et au marché, je loue un vélo pour explorer l’île de Koh Penh, juste en face. Pour y aller, il faut emprunter un pont en bambou assez impressionnant, qui est reconstruit chaque année en saison basse. Le pont fait bien 800 mètres de long, on n’y croise que des vélos et motos, et il n’est effectivement fait que de bambou. La sensation est assez spéciale lorsque l’on passe dessus.




Sur l’île je suis en plein paradis, c’est un lieu atmosphérique. Des chemins interminables en terre parcourent l’île, bordés de maisons traditionnelles et de palmiers. Ces chemins sont parallèles mais séparés par de grandes plaines faites de rizières. Un petit réseau de chemins perpendiculaires traverse ces rizières et passe entre les maisons, permettant de passer d’un chemin principal à un autre et de se perdre dans ce labyrinthe. Mon passage déclenche beaucoup de regards et de Hello enthousiastes, adultes comme enfants, un adolescent me dit même « Welcome to Cambodia », et cette seule phrase résume tout ce que l’on peut voir dans les regards des cambodgiens : malgré les horreurs qu’ils ont enduré il y a 30 ans, malgré leur pauvreté subsistante, ils restent d’une gentillesse extrême, d’une nature positive, et montrent à quel point ils sont contents que les étrangers plus fortunés viennent visiter leur pays. Et quand on sort des sentiers battus, même très légèrement, ils sont encore plus étonnés et ravis.




Ce décor paradisiaque et cet accueil sans égal font de cette balade un vrai bonheur. Je passe devant un mariage, sono à fond et jeunes filles pomponnées en jaune ou rose de rigueur. Je traverse les rizières pour passer sur un chemin différent, et m’arrête sur un petit stand qui presse du jus de canne. A ce moment-là je ne déclenche pas encore trop d’étonnement de la vendeuse et des deux hommes à côté, mais rapidement une dizaine d’adultes et enfants convergent, comme par hasard, pour boire aussi du jus de sucre de canne. Je ne m’en rends pas compte tout de suite, d’autant qu’ils restent discrets dans leurs regards vers moi, mais il est évident qu’ils veulent tous boire un jus de canne à côté de l’étranger qui s’est assis là sans complexe.

Je m’attarde volontairement, trop content d’être là pour observer le spectacle local et être moi-même le spectacle. Une femme voilée apparemment musulmane – c'est assez rare pour le dire - s’arrête et dévoile les petits poissons dans le panier sur le porte-bagages, poissons qu’elle vend rapidement. C’est amusant comme la vie s’organise autour de petits commerces ambulants et informels, différentes personnes étant réputées pour différents produits. Deux filles pomponnées en jaune, invitées au mariage, passent en scooter, ignorant tous les regards à leur passage. Deux garçons d’à peine 10 ans passent aussi en scooter, malgré leur âge et sur un chemin défoncé. Une fille débarque sur un vélo trop petit, une autre sur un vélo trop grand, petit frère à l’arrière, et se font servir leur jus de sucre de canne. Je finis par dégainer l’appareil photo, mais cela fait fuir une fille, et je ne peux prendre personne d’autre au dépourvu, pour fixer l’instant, donc je garde cela dans ma mémoire, et finis par repartir. Cent mètres plus loin, je croise des stands de jus de canne sans aucun client.

Je pense savoir où je suis mais je garde un doute tellement l’île est grande, d’autant qu’une habitante, voulant probablement m’éviter un cul-de-sac, m’indique la direction inverse. Finalement je n’étais pas mauvais mais ces fameux chemins sont interminables. Tout le long je reçois toujours les Hello des enfants qui me tapent dans la main. Je finis par quitter l’île par le pont en bambou, à mon grand regret parce que j’aurais pu m’y balader toute la journée si j’avais su.

Je regagne la terre ferme et Kom Pong Cham, pour l’explorer rapidement avant qu’il fasse noir. Comme Kratie, c’est une ville paisible, au bord du Mékong, avec ses villas françaises aux façades noircies, marquées par le temps et l’impossibilité de les entretenir, comme un riche héritage qui s’encrasse, la parfaite image de l’Asie assoupie sous le soleil. Mais en cette fin d’après-midi, le bord du Mékong est très animé. Il y a beaucoup de monde sur la petite croisette, des vendeurs de jus, des stands pour manger, toute l’adolescence qui parade en scooters, un match de football sur le petit banc de sable en contrebas, beaucoup de femmes habillées en pyjama, une session de gymnastique collective avec un instructeur sur l’estrade et la techno commerciale à fond.




Je parcours cette croisette dans un sens et dans l’autre, sans me lasser de cette effervescence, et tombe finalement sur un petit resto qui ne ressemble à rien, tenu par un couple de français installé depuis huit mois. Ils me livrent le même diagnostic que l’anglais installé en face : la vie est simple, les gens sont gentils. Je profite du petit moment passé avec eux pour feuilleter un journal cambodgien en français. Je n’y lis quasiment que des articles parlant de la moralité à conserver, de l’interdiction éventuelle de certaines jupes à l’école, de couvre-feu pour les jeunes et de rafles policièes conséquentes à Phnom Penh. Voilà un pays qui se cherche dans la progression lente vers la « modernité ». Et je lis aussi que des voleurs ont été battus à mort par 300 personnes dans une rue de Phnom Penh.

Juste assez pour me poser des questions sur ce que je vais y trouver, puisque la capitale est mon étape suivante, après une bonne nuit dans mon hôtel impersonnel. On s’y retrouve demain (en temps de blog, pas en temps réel !).
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2 commentaires:

  1. Ciao Nico,

    cette nouvelle étape ne m'inspire pas de commentaires tant elle est lente, et les gens sympas ...

    C'est amusant le rythme est perceptible.

    Vivement la suite,

    Ciao Ciao

    Bruno le Sautriote

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  2. @Bruno :
    Ton non-commentaire ne m'inspire pas de réponse non plus ;-)
    Ah si, c'est quoi sautriote ? T'organises beaucoup de sauteries ?
    @ +

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